Après vingt ans à pondre des disques intello prog rock enregistrés dans des dépôts d’explosifs, Cedric Bixler-Zavala et Omar Rodríguez-López, alias The Mars Volta, viennent de signer une merveille de douceur, soit un ovni dans une discographie tout entière dédiée au beau boucan. De quoi décontenancer l’auteur de ce papier.
Ce report sur la trentième édition de la Route du Rock ne comporte aucune mention de galette-saucisse, ni de bière, ni d’expérience client, encore moins d’avis sur la propreté des toilettes. Le Fort de Saint-Père, c’est pas un Airbnb, bordel.
Annulée en 2020, dispersée façon puzzle en 2021, la Route du Rock retrouve son Fort de Saint-Père pour ses 30 ans. L’occasion de rembobiner, mais aussi de parler futur avec son directeur, François Floret. Où il sera question de Bernard Lenoir, de hip-hop, d’escroquerie, de vieux croûtons, d’extraterrestres asexués, de footing, et de musique, aussi.
Mark Lanegan vient de mourir. Il avait 57 ans. Il y a un peu plus d’un an et demi, le chanteur cabossé sortait Sing Backwards and Weep, où il racontait ses années grunge et seringue. Ami et dealer de Cobain, crakhead first class, castagneur, le géant de Seattle s’y décrivait en « fantôme qui refusait de mourir ». Il y a des mises à jour qu’on préférerait n’avoir jamais à écrire. D’ailleurs, pas question de toucher à la chute de ce papier.
Larsens impeccables, poésie rageuse, beautiful piano et batterie d’outre-tombe : en 2021, impossible de trouver mieux pour danser la fin du monde en poussant des hurlements que le premier disque de Springtime, trio made in l’autre bout du monde.
Dix ans à prêcher dans le désert des salles réservées aux seconds couteaux, puis dix autres à goûter aux plaisirs du succès. Les Black Keys se payent le luxent de revenir avec un disque de reprises de standards d’un country blues qui prend racine dans les collines du Mississippi.
Bras cassés de la pop, stars mondiales hier cokées aujourd’hui instagramées, fugitives figures des crossover entre machines et pédales de larsens, vieux rockers increvables… Un quart de siècle que personne ne tombe mieux en morceaux (fall to pieces) que Tricky. Beaux ratés, instants rares et intense vie de studio quand tant d’autres ne sont que des rats dans leur laboratoire : le petit gars de Bristol, aujourd’hui berlinois, après avoir été parisien, continue de sortir des disques inégaux où une seule fulgurance justifie l’écoute.
Quand les maisons de disques continuent de produire des artistes qui n’ont soit rien à dire, soit tout dit dès le premier album, Sophie Hunger sort « Halluzinationen », un septième album merveilleux.
Ceux qui détestent les Strokes détesteront « The New Abnormal. Les fans feront peut-être la grimace, déçus de ne pas retrouver ce que les New-Yorkais ne pourront plus jamais leur donner ; la perfection claquée en trente minutes. Reste une évidence, de taille : malgré le temps qui passe, malgré l’amitié sérieusement entamée, malgré tous leurs défauts, ces mecs sont encore de sacrés bons songwriters. The end has no end, vraiment ?
Avec leur « Livre des merveilles », les quatre zouaves de Chromb! ont (presque) rangé les watts pour se transformer en médiévistes chelou le temps d’un album.
C’était au moment de payer l’addition : l’idée d’un bouquin sur les morts incongrues au cinéma a été évoquée avec ses éditeurs. Lelo Jimmy Batista n’avait pas du tout l’intention de s’y coller, mais ses interlocuteurs ont dit banco. Il n’a pas dit non. On dit merci.
Nom imbitable, pochette dégueulasse, looks affreux : Fiona Kitschin, Gareth Liddiard, Erica Dunn et Lauren Hammel viennent de sortir le meilleur disque de rock de ce début de XXIe siècle. Vraiment ? Oui, il s’appelle « Braindrops », ils s’appellent Tropical Fuck Storm, ils sont au-dessus de la mêlée.
Ty Segall a encore sorti un disque. Avec de la flûte traversière, du saxo, de la mandoline et… pas de guitare. Mais aussi vrai que La Disparition de Perec était lisible malgré l’absence de « e », « First Taste » fait beaucoup de boucan. Ouf !
Être rock sans jamais brailler ni mettre les aiguilles dans le rouge : depuis le début, les Fat White Family savaient faire. Avec « Serfs Up! », les voilà qui jettent une poignée de paillettes sur une flaque de vomi. Et c’est très beau.
Le 2 novembre, Saint Sadrill sort son premier disque. Pour mettre l’auditeur en appétit, celui qui souffle dans le saxo de Chromb! montre son « Corq », et c’est pas mal beau,…
Chef-d’œuvre pop. Presque deux mois que je me trimballe ces deux mots à propos de « Joy », le nouveau disque de Ty Segall et Tim Presley, alias White Fence. Pas moyen…
Je n’ai pas le courage de rouvrir mes cartons. Les vies, depuis, se sont empilées. L’Autre journal fait partie de celle, lointaine, de tous les possibles, avec un fil rouge…