Quand les maisons de disques continuent de produire des artistes qui n’ont soit rien à dire, soit tout dit dès le premier album, Sophie Hunger sort « Halluzinationen », un septième album merveilleux.

Une chanteuse helvète ? Voilà autre chose. Qui vocalise parfois en suisse-allemand ? Et qu’est-ce que j’en aurais à faire ? Le rapport avec Gonzaï ? Depuis Séville 82, j’ai la langue teutone en horreur. Quand je l’entends, le son des vertèbres de Battiston qui se brisent se mélange dans mes oreilles à celui d’une dent qui vole sous un choc puissant. La Suisse ? L’argent sale, Godard, le chocolat, les montagnes, à la limite. Mais le rock ? Nan. Syntax error. Ça tombe bien, Sophie Hunger n’est pas bruyante. Elle est bien plus que ça.

Sophie Hunger - Halluzinationen - Les Oreilles Curieuses

Dylan et Noir Désir, eh ouais

Situons-la tout de suite, pour ceux qui ne savent même pas où est la Suisse sur la carte pop : la reprise parfaite du Vent nous portera de qui-vous-savez, c’est elle. C’était sur son déjà deuxième album. Le premier était parfait. « Monday’s Ghost ». Une voix velours et soie parfois râpeuse, des escapades réussies chez Dylan – combien se sont fait écarteler à ce petit jeu-là pour cause de nullité crasse ? –, des arrangements du tonnerre avec du trombone et des structures compliquées, des ballades avec larme à l’œil de rigueur… Un disque saisissant. Du premier coup. C’était en 2009. On a aimé le deuxième, puis on l’a perdue de vue. Onze ans plus tard, « Halluzinationen » rappelle le chemin parcouru pendant qu’on écoutait ailleurs.

Quelle joie de (re)plonger dans une musique aussi raffinée sans avoir envie de bailler ! Ça n’est pas le propos, mais tout de même : quelle artiste française est capable d’une telle finesse, d’une telle richesse, d’une telle créativité, d’autant plus au septième album ? Quand beaucoup ont tout dit à la première sortie du studio, Sophie Hunger, 37 ans, continue d’être créative. Et de composer de merveilleux morceaux. Tout en chantant parfois en suisse-allemand, donc. Balèze.

« Halluzinationen » est aussi fin que secouant, aussi séduisant que revêche, aussi pop que je sais-pas-comment-le-dire. Le track by track étant devenu aussi obsolète qu’un iPhone 3 et parce qu’on a tous aujourd’hui la concentration d’un poisson rouge, concluons tout de suite : le nouveau Sophie Hunger fait partie des disques qu’on regrettera de ne plus pouvoir écouter quand on sera mort.

Sophie Hunger // Halluzinationen // Caroline International/Universal

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages