Quand on tombe sur La Littérature (in)utile à se faire aimer, on croit entrouvrir un journal-intime-public. On feuillette, on tombe sur trois textes a priori déconnectés entre eux : Le Club des 27 ans, Lettre à Pauline Pantocrator et La Punition. Entre un chiffre, 27 et une lettre à Pauline qui ? Puis un châtiment, quel rapport ? Eh bien, la mort. Quand on a 27 ans, qu’on est quittée par celle qu’on aime, que la littérature se révèle finalement inutile, que le « moi » est haïssable et que l’enfer c’est les autres, qu’est-ce qu’il reste ? Il reste à « encaisser » son âge, à rédiger fissa son épitaphe et à passer à l’acte. C’est le point de départ – et d’arrivée – de La Littérature (in)utile à se faire aimer.
Au milieu de tout ça, il y a d’abord la préface signée Daniel Darc, dernier texte publié avant que lui aussi se fasse quitter mais par la vie. Puis Clarisse part du domaine public avec son Club des 27 ans – un club au-dessus duquel clignote le carton « poncif » dans l’histoire pop au chapitre Il était une fin. Une façon de boucler la boucle pour elle qui a longtemps raconté les coulisses des « inutilités » jetables de la real-tv, les vrais non-artistes sans œuvre. Voici venue l’heure du Strip-tease psychologique et des coulisses ni cools ni lisses de son écriture dans laquelle éclate une nudité bien flinguée. Il est finalement plus indécent de dévoiler au monde la partie au-dessus de la ceinture (le nombril) que ce qui se trouve juste en-dessous (la braguette, bien joué). Le «moi» s’écrie en lettres capitales, aimez-moi les uns les autres. On est jamais aussi bien desservi que par soi-même ? Autant choisir quelles plaies mettre en lumière. Autant devenir son propre paparazzo en troquant l’objectif contre le subjectif ; la littérature-réalité devient alors photo-fiction. Brillante et sans clichés.
Mais revenons à ce chiffre, 27. Étant donné que l’espérance de vie adolescente a désormais augmenté de quelques années, 27 ans n’est-ce pas le virage normatif du passage à l’âge adulte ? On pense alors à une autre lettre, celle d’une lycéenne dans Ivre Du Vin Perdu de Gabriel Matzneff, et sa sentence inéluctable : « J’ai 17 ans demain, la mort ». Et on se dit qu’il faudrait effectuer quelques aménagements : J’ai 27 ans demain, le début de la mort. La littérature (in)utile à se faire aimer se lit ainsi : comme un compte à rebours qui dirait « ça ira moins bien demain ». Un compte à rebours des 27 ans avec les mois des 26 qui s’écrivent en lettres capitales, histoire d’accélérer la peine, capitale elle aussi, où l’on se fait à la fois bourreau et victime. Clarisse Mérigeot revendique l’influence Cocteau – auteur qu’elle a par ailleurs tatoué à l’encre noire sur sa chair. Mais c’est à Hervé Guibert qu’on pense et à ses lettres malades (d’amour et du sida), voire à l’autoportraitiste et photographe Edouard Levé qui a livré son Suicide de fiction puis « réel ». Ici il n’y est toutefois pas question de la mort de l’auteur mais plus généralement de la démolition de toute tentative émise par la littérature pour rétablir quoi que ce soit. Inutile. A un moment, elle pose quand même cette question : « La littérature est-elle utile à se faire regarder ? ». Oui et à se faire écouter, la preuve ici.
Bonsoir, Clarisse. Bon, pour commencer, entre ton activité de journaliste et ex-journaliste people, auteur et « collaboratrice », comment te « pitcher » ?
J’ai une vie à double niveau : une dans laquelle j’écris des romans qui s’élaborent à partir d’éléments personnels et une autre qui me permet de m’ouvrir vers l’extérieur, de tâter le pouls du monde. Quand j’écris un livre en collaboration, des personnalités me racontent leur vie : c’est de la maïeutique – je les accouche pour extirper le meilleur d’eux-mêmes. Question équilibre, c’est nécessaire de ne pas rester enfermée dans ses rêves et dans des considérations qui paraissent futiles pour le plus grand nombre et de s’intéresser aux gens qui ont une vraie vie et qui ouvrent les portes d’un vrai monde.
Il y a un long passage dans le livre pendant lequel tu utilises la deuxième personne, un peu entre Bight Lights Big City (de Jay McInerney) qui met en situation le lecteur et Super G (de Nicolas Pages) qui renvoie à la personne à laquelle il s’adresse. C’est le dosage impeccable pour créer une bonne interaction.
Je n’ai pas écrit sur un sujet en particulier mais sur un thème. C’est comme si j’avais eu un tiroir qu’il fallait à tout prix remplir, avec des culottes ou avec ce que tu veux. Mais je ne l’ai pas écrit pour raconter ma vie – et je pense que la vie de personne n’intéresse personne au-delà des proches. Ces petites histoires amoureuses ont une portée plus généraliste et je l’ai cherché, cette portée. Premièrement : peut-on se faire aimer d’un public par le biais d’un livre ? Deuxièmement : peut-on récupérer un amour perdu en lui offrant un livre d’amour ? Un concept bête comme chou utilisé par plein d’artistes, sauf que là c’est dit d’avance.
Au-delà du côté « making-of » ou livre écrit en live, il fonctionne comme un compte à rebours avec Le Club Des 27 et cette longue lettre qui ressemble à une épitaphe. Tu es bien renseignée sur la question puisque tu évoques notamment différentes méthodes pour l’accomplir.
Quand j’ai écrit Le Club Des 27 ans, c’est ce que je comptais faire. A l’époque, j’avais dit à mon éditeur que mon prochain livre traitera du suicide, ce à quoi il avait rétorqué que, oui, c’est intéressant parce que de nos jours quand on veut en finir et qu’on cherche une arme ou un moyen sur Internet, on se fait systématiquement hameçonner par des sites qui sont censés nous en protéger. Sauf que, pour moi, c’était quelque chose d’essentiel parce que j’arrivais à mes 27 ans et que j’ai toujours vécu en traînant cette crainte, en ayant grandi entourée d’artistes pour qui cet âge rimait avec malédiction. A cette période, ma rupture m’avait déchiré les entrailles et je me suis mise en tête de rédiger ma note de suicide, avec l’idée que l’auteur-même, moi donc, ne soit plus présent pour en assurer la promotion. Puis le temps passant, je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de mourir.
Tu répètes « aimez-moi », c’est d’ailleurs le titre La Littérature (in)utile à se faire aimer et l’amour passe notamment par la notoriété. L’écrivain, par définition, on ne le voit pas et tu es en plus collaboratrice, ce qui fait que ton nom n’apparaît qu’en petit alors que c’est toi qui le rédige. Ajoutons à ça le fait que tu as été journaliste people, donc forcément dans l’ombre des poids lourds médiatiques dont tu parlais. Est-ce que tu ne souffres pas finalement de l’arrière plan ?
Pas du tout : ça marche comme ça, un point c’est tout. Et je n’ai pas du tout été influencée par mes récits écrits sur d’autres pour écrire sur moi. Je n’ai pas été violée, j’ai eu une enfance heureuse… Ça me fait penser à ce que m’avait dit Étienne Daho en interview : on ne peut pas écrire sur le bonheur. Il m’expliquait qu’il allait jusqu’à provoquer son propre malheur – notamment dans un spectre amoureux – pour pouvoir le narrer après. Il estimait que faire le sacrifice de sa vie s’avérait nécessaire pour offrir une œuvre. En revanche, pour faire un parallèle avec le livre et la base de mon travail, c’est que j’ai envie de me faire aimer, et que les gens pour lesquels j’ai accepté de travailler souffraient du même problème que moi : avoir besoin d’être aimé ou d’être réparé dans leur ego d’une façon ou d’une autre.
« Le journaliste est malhonnête de base : on n’arrive pas pour poser des questions, on arrive pour poser des questions dont on a déjà les réponses. »
Un entretien ou une collaboration, c’est la recherche perpétuelle d’un alter-ego, non ?
Quand on fait parler quelqu’un, on pose des questions en fonction de sa vie personnelle et on y trouve des similarités. Les interviews sont des marqueurs temporels. Quand le livre est sorti, j’avais interviewé Lou Doillon qui, elle-même, sortait son disque dans lequel elle racontait ses malheurs amoureux, la façon dont elle était sortie de l’abîme par le biais de la musique. Et je m’en suis servie en me demandant : est-ce qu’elle écrit pour se faire aimer de cet homme avec lequel ça ne va plus ? Quel est son besoin ? Du coup, toute l’interview portait là-dessus vu que ça me touchait directement. Après je pense qu’on est intervieweur ou qu’on ne l’est pas. Il y a des gens, tu n’as pas envie de leur parler. Il faut savoir aussi que les interviewés ont peur de la manière dont l’interview sera retranscrite – j’ai écrit un livre là-dessus, Presse People, où je racontais que certains entretiens ne collaient pas puisqu’ils n’étaient pas suffisamment choc. On racontait n’importe quoi et on devenait plus romancier que journaliste. Il faut quand même avoir un pedigree minimum pour que les gens s’ouvrent suffisamment. J’ai rencontré deux sortes de réactions qui me disaient : tu as fait ton travail avec coeur ou tu as fait ton travail de journaliste. Dans le deuxième cas, ça veut dire que j’ai fait parler la personne sur des sujets qui fâchent, que j’ai bien fait mon métier, qu’on retrouve ce qu’on attendait de l’entretien. Travail avec cœur veut dire atteindre un niveau supérieur.
Parce que ça veut dire « honnêteté », tout simplement.
Oui, le journaliste est malhonnête de base : on n’arrive pas pour poser des questions, on arrive pour poser des questions dont on a déjà les réponses, c’est la nuance. Après le bon journaliste, c’est celui qui sait rebondir derrière et qui sait toujours faire parler : presque un système de torture, c’est LA question, on s’ouvre face à une personne qui a besoin de promotion et qui se retrouve parfois dans des filets inextricables…
Mais le plus important, c’est de parvenir à faire sortir quelqu’un de sa promotion.
Parfois certains en sortent de manière involontaire et le regrettent derrière. C’est comme s’il y avait deux mondes un peu ennemis : le monde des intervieweurs et celui des interviewés. C’est ce que Cameron Crowe racontait malgré lui dans Presque Célèbre, vous ne serez jamais amis. Ou dans la série Absolutly Fabulous : le but, c’est d’obtenir la dernière goutte et la plus savoureuse quand tout a été révélé – faire sortir la chose que personne n’a dégusté et se l’approprier.
Et l’interview utile à se faire aimer en offrant à l’interviewé un juste reflet de sa personne ?
Non non, je ne suis pas d’accord.
C’est une façon comme une autre de le remercier pour ce qu’il crée et qui t’a touché. De la gratitude.
Le principe, quand on rencontre quelqu’un, ce n’est pas de se faire aimer par elle mais de son journal. Alors une chose qui arrive quelque fois, c’est quand on rencontre quelqu’un qu’on aime, par déontologie c’est dur : parce qu’on a pas envie de pourrir ou de raconter des choses qui déplaisent.
Okay mais toi, tu en as interviewé pour une certaine presse, la presse people. Personnellement, je ne conçois pas de faire un entretien dans le but de « salir » quelqu’un ou de m’amuser à déformer ses propos. Et puis les gens que j’ai rencontré jusqu’ici m’intéressaient.
Moi, j’ai interviewé des dizaines et des dizaines de personnes dont j’avais rien à foutre. Quand tu travailles pour un journal et qu’on t’envoie rencontrer machin, c’est comme ça, il faut obtenir les bonnes réponses – tu fais ton boulot. Je m’en souviens j’avais interviewé James Blunt, au Zénith – sa musique m’horripile – et on m’avait accordé 40 minutes : au bout de 11 minutes je suis partie, parce que j’avais ce dont j’avais besoin, le type me laissait indifférente. Bon et puis, oui, des gens te passionnent et là tu supplies l’attaché de presse pour que ça dure le plus longtemps possible – genre Brigitte Bardot, Dave Grohl – et là ils partent gagnants, ils sont plus en confiance, se livrent davantage e savent que le résultat à l’écrit sera bienveillant.
« Au départ, la célébrité avait une valeur. »
On parle souvent des relations étroites entre hommes politiques et journalistes, moins entre journalistes et artistes et/ou « stars », c’est pourtant criant.
J’en parlais dans Presse People, récit d’une collaboration toxique : la relation des journalistes avec le système star. Et je suis arrivée à cette conclusion : la presse people, représente un peu « le guide de la staritude pour les nuls », c’est un mode d’emploi. Pour moi, les journalistes dans la presse people ont toujours été des intermédiaires entre le commun des mortels et la déitude (sic), des personnes auxquelles les dieux racontaient leur secret et leur vie et qui ensuite se chargeaient de les transmettre. En fait, des fans comme les autres qui ont trouvé un moyen plus ingénieux de se rapprocher de leur olympe.
Ouais mais le but de cette presse, c’est quand même en grande partie salir du people au kilomètre.
Pourquoi ? Au départ, la célébrité avait une valeur. Quand j’ai interviewé pour mon livre Gérard Malanga (confondateur avec Warhol du magazine Interview), je travaillais pour le magazine Entrevue. A l’époque, on restait en haut de l’échelle : Liz Taylor interviewée dans son bain semblait fabuleux. Aujourd’hui, à cause de la télé-réalité et compagnie, n’importe qui peut devenir star.
Le problème, c’est pas tant qu’il n’y ait pas tant de stars ou qu’à force il n’y en ait plus de véritables. Le problème, c’est que beaucoup le sont en ayant rien crée du tout…
…et en étant personne et en ayant aucun talent. Dans une ère où tout le monde peut atteindre la célébrité par casting et pendant des mois durant en squattant l’antenne, on attend le déclin de chaque étoile pour prendre sa place. En résulte une espèce de maniaquerie malsaine et sadique de voir la personne se vautrer dans le caniveau pour la remplacer. C’est le principe de la presse people aussi de montrer untel en vacances avec de la cellulite : une sorte de démystification de la star pour donner l’illusion que n’importe qui pourrait l’être. Pour moi, il y a une différence entre star et vedette : une star est éphémère par définition, interchangeable, contrairement à la vedette qui a gagné l’éternité. Curieusement, avec l’avènement de tous ces gens qui ne sont rien, on a placé les stars dans le rang des monstres sacrés, on les a monté d’un cran dans le vocabulaire pour les différencier de cette masse hétéroclite inutile. Le mari de Brigitte Bardot les appelait « les inutilités ».
Ces inutilités t’ont malgré tout passionné, voire fasciné.
Oui. Quand je travaillais chez Entrevue, j’ai toujours considéré les télés-réalités comme une rentrée des classes pendant lesquelles je devenais la maîtresse perverse face à des élèves dont il fallait se souvenir les noms. Après on les oubli. Il faut savoir tirer son épingle du jeu dans la télé-réalité. Ceux qui y parviennent jouissent d’un certain talent ; pas au sens artistique du terme, au sens médiatique. Comment exister encore ? La différence entre une vraie star et une starlette, c’est que les stars existent à partir des personnages qu’ils mettent en scène et interprètent alors que les autres, leurs personnages sont eux-mêmes. Et quand on est soi-même, on arrive forcément à une certaine limite, on ne peut plus se vendre. On a beau vendre des faux suicides, des fausses histoires, au bout d’un moment ça s’épuise. Tandis qu’un vrai artiste doit savoir se renouveler à l’infini.
Il n’y a pas une contradiction entre ta fascination pour les stars et cet amour que j’imagine sincère pour le rock ?
Ma carrière est ce qu’elle est. Je vais t’apprendre un truc : il faut manger, il faut payer son loyer, ses factures. Et on m’a proposé un travail extraordinaire dans une revue people et que j’ai accepté.
Je pense savoir que c’est ce que tu rêvais de faire depuis longtemps.
Non, pas du tout. Au début c’était l’horreur mais une fois dedans, je me suis rendu compte que les rédacteurs avec lesquels je travaillais chez Entrevue étaient les personnes les plus rock’n’roll que je pouvais imaginer, c’est une question d’idéologie, des gens qui se fichaient de toute responsabilité, qui vivaient pour leur plaisir et celui des autres J’ai adoré ce magazine pour ça – quand il a fallu que je les quitte, je l’ai quitté par amour, le malheur a fait que le magazine était en redressement judiciaire, j’ai demandé à être mise sur une liste de licenciements et ça a été un crève coeur. Les heures les plus drôles de ma vie.
Jusqu’ici tu n’as écrit pratiquement que sur des personnes existantes (et non fictifs) et, pour revenir au livre, cette Pauline, qui est anonyme, te demande d’écrire un livre pour la rendre populaire, justement. Décidément…
J’ai écrit un livre parce qu’une femme m’a demandé de le faire et parce que j’étais éperdument amoureuse d’elle. Mais c’était un livre de reconquête : comme une expérience de laboratoire, comme si j’avais des rats chez moi, que je leur avais inoculé une maladie et que je testais sur eux un vaccin. Elle m’a demandé un livre de vénération et d’amour, et je connaissais pas sa réaction, je l’attendais positive. Le résultat, c’est La Punition, la personne n’en avait rien à faire – un pervers narcissique, une personne qui est ravie d’être célébrée et qui ne vit que pour ça.
Mais finalement elle est un peu comme toi quand tu disais que tu regardais chaque presse pour savoir si ton nom était bien cité, si on parlait de toi, etc.
J’étais là pour faire la publicité de quelque chose et je voulais voir si la promotion fonctionnait correctement. Elle, c’était une bonne à rien, qui n’avait aucune accointance artistique – elle voulait juste que je parle d’elle, même pas être une star, c’était une question d’égo. Je me suis embourbée dans une malédiction. Les gens savent que j’ai écrit sur une relation amoureuse passée et certains me demandent si j’écrirais un livre sur eux. Quand je venais en dédicace on me volait des baisers, on me laissait des numéros de téléphone. Je me retrouve aussi avec des journaux pour lesquels je postule, de peur que j’écrive sur eux.
La littérature est inutile tant à l’échelle individuelle, avec ton histoire, et à l’échelle plus collective. Je pense notamment au livre que tu as écrit avec Kristov Leroy (Dans la secte Nouvelle Star, éditions Jacob Duvernet – NDA), et même à ceux qui sont sortis dernièrement pour « dénoncer », que ce soit le livre de Pourriol ou de Bartherotte sur l’Ile de la Tentation : ces livres ne remettent pas en cause le système télévisuel, ne changent finalement rien.
Il y a une nette différence entre la littérature et ce qui n’est pas de la littérature.
Okay, je voulais dire « livres » en général, sans faire de distinction entre la « vraie » littérature et la « fausse ». Après je trouve le livre de Bartherotte excellent, d’abord pour son style, et parce que ce livre prouve encore une fois que la réalité est plus romanesque que tout roman imaginable.
Ouais mais c’est différent : il s’agit des gens qui révèlent ces coulisses : toute la promo se base là-dessus. L’essentiel de ce qu’ils balancent se trouve en interview. Ça dépend à qui tu t’adresses. Ce que j’explique, ce que j’ai fait, et qui s’est avéré inefficace, quand la littérature utile s’adresse à une idiote, ça ne sert à rien. Il y avait une femme dans mon quartier qui a été la grande égérie des surréalistes français : quand on lui demandait si elle se rendait compte de ce qu’on avait écrit sur elle, sa réponse se limitait à « ouais, ouais»… Certaines femmes sont juste plus idiotes que d’autres.
« Je suis persuadé que l’homosexualité féminine n’existe pas »
Pour l’aspect « confession intime » du livre, est-ce que le fait d’avoir travaillé dans la presse people t’a facilité la tâche pour te livrer avec moins de pudeur ?
On m’a beaucoup dit que certains de mes livres étaient dérangeants. Des amis notamment m’ont dit qu’après lecture, ils avaient fait des rêves dans lesquels ils me voyaient en train de me faire violer. Je pense c’est une question de santé mentale, de savoir se remettre en cause, de savoir identifier, ce qui nous permettra de passer outre. L’introspection, c’est une question de survie. Moi, c’est un trouble affectif qui vient de l’enfance ; j’ai perdu ma mère à 16 ans, je cherche juste à ce qu’on me regarde et à ce qu’on m’aime. Je ne sais plus quel écrivain avait déclaré que finalement l’homosexualité représentait une forme d’immaturité. Dieu sait que j’ai été homosexuelle pendant longtemps, je suis néanmoins persuadé que l’homosexualité féminine n’existe pas. Je pense que c’est le résultat d’un traumatisme, d’une haine envers des hommes – ce qui ne veut pas dire que c’est punissable, hein – chacun cherche sa guérison comme il peut. Mais toutes les femmes avec qui j’ai vécu avait des problèmes à résoudre ; pour moi, ça n’a pas fonctionné. En revanche, je pense qu’on naît/qu’on est homosexuel homme. Mais toutes les femmes que j’ai connu, en tout cas, peut-être que je suis mal tombée, mais celle que j’ai connu soit elles avaient été violées, soit des attouchements, soit même une qui avait été attaquée par un serial killer. Moi, il ne m’est jamais rien arrivé, pourquoi je me suis rapproché de femmes ? C’est un jugement qui prête à discussion et peut-être à lapidation, mais c’est mon expérience.
Et si Pauline t’avait quitté pour Dave Grohl, tu l’aurais vécu comment ?
Trois amies très proches sont sorties avec lui ; je prends ça moins comme une trahison que comme un enrichissement. Quand tu fantasmes sur quelqu’un, tu as besoin de connaître les zones plus intimes. Ce que j’ai su? C’est qu’il était une bête sexuel mais un très mauvais petit ami. Je pense que les stars ne sont pas destinées à finir avec leurs admiratrices – sauf rares exception, pour moi, encore une fois, ce sont deux mondes clairement antagonistes. J’adore Dave Grohl, je l’aime depuis mes 12/13 ans, j’en ai 30 aujourd’hui, je l’ai interviewé plusieurs fois, etc.
Il paraît que plus jeune tu avais entamé un livre sur l’ « imposture rock », qu’est-ce ?
Très jeune, j’avais commencé la trame d’un roman avec un personnage au nom improbable qui racontait comment elle avait monté son imposture rock. A l’époque, je sortais avec une rockstar mondiale, Patty Shemel (batteuse de Hole – NdA). Une histoire d’amour, à 17 ans, je vivais avec cette femme, et ce qui m’a intéressé, c’est que j’ai lu deux trois articles dans la presse qui se demandaient « où est le rock aujourd’hui ? » Et la sempiternelle question : « est-ce que le rock est mort » ? Je me suis alors demandée ce qu’était une personne rock et comment on construit un personnage comme ça. Et je partais d’un personnage qui partait de rien et qui peu à peu construisait sa notoriété rock à base de provocations jusqu’à devenir une superstar. Donc j’écrivais ça, j’y revenais, je notais. Et j’ai le projet de le remettre à jour… un jour. Avec des témoignages masqués de personnes qui auraient même été manipulées pour avoir une image « rock’n’roll ».
La Littérature (in)utile à se faire aimer, LC Éditions, Christophe Lucquin Éditeur
2 commentaires
Super interview qui donne envie de lire C. M. qui parle intelligemment de choses très banales (se faire aimer par le don de quelque chose ou se faire aimer tout court). Merci Rosario!
C’est pas la manageuse du mec qui est accusé d’être un rabatteur de jeunes garçons pour un vieux qui est accusé d’être pédophile? Est-ce elle la fameuse manageuse,
Je ne sais pas si c’est la même personne ou si ce sont des homonymes. Si c’est un homonyme, elle n’a pas de chance.