Judith Kush et Dinah Douieb ne font qu’une. Dans le petit monde de la musique rock et soul, Dinah la productrice est bien connue pour ses productions artistiques et ses bonnes fréquentations. Elle a travaillé avec de nombreux puristes autour de sonorités sans frontières (Marc Zermati, Rachid Taha, Fela Kuti, Pierre Terrasson, Cheikha Rabia) et à ses heures « perdues », cette figure du Paris underground,a étudié des années durant la quasi totalité des drogues dont on sait l’importance chez les rock stars, afin restituer l’ensemble de ses connaissances sous la forme de deux ouvrages. SpeedBall, Une Histoire illustrée des drogues et « Cannabis, entre diable et bon dieu », co-écrit avec l’avocat Vincent Cohen-Steiner.
Bien que voués à rester hors du temps par la forme encyclopédique de l’un et philosophique de l’autre, il se trouve que ces livres s’inscrivent parfaitement dans l’actualité. Pensez donc, à l’heure où l’Allemagne légalise le cannabis, au moment où une maire se fait toper avec 70 kilos de chanvre féminin et quelques lingots d’or, face aux déclarations du propriétaire d’X (ex Twitter) ou de notre ministre de la Justice, la lecture de ces pages paraît bien salutaire.
Une planète, deux ambiances. Tandis qu’outre Atlantique, Elon Musk jure publiquement sur son réseau social X (ex Twitter) qu’il prend de la kétamine uniquement sur prescription de son médecin et seulement pour traiter les mauvaises humeurs, chez nous en France, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, déclare, théâtral, : « Celui qui fume son petit pétard le samedi, ce pétard-là a le goût du sang séché sur le trottoir (…) » avant d’allumer sa trentième cigarette de la journée en commandant une bouteille de Furbury, vin blanc vigoureux et charnu, cultivé et mis en bouteille dans sa propriété vers Collioure.
« En France, tout est permis, même ce qui est interdit » (Winston Churchill)
Un café, une clope, du chocolat, une catin, une pointe, une pilule bleue, du cuir et des fouets, des cartes de Poker, un whisky… partout sur la planète, c’est le même combat entre la tentation et l’abstinence, le bien et le mal, la science et la conscience, avec une constante : Abusus non tollit usum « L’abus n’exclut pas l’usage » un principe de droit romain signifiant que l’abus que l’on peut faire d’une chose ne doit pas conduire à en proscrire l’usage, principe que
certains pays (Suisse, Espagne, Portugal, Nouvelle Zélande, Australie, République Tchèque, États-Unis, Allemagne donc, Chili, Mexique, Israël…) ont fait leur, développant recherche et commerce, changeant les lois si bien que Winston Churchill ne pourrait plus dire aujourd’hui : « En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est
interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis. » Pourtant, en France, ce pays ni libéral, ni libertaire, la politique menée est la plus répressive d’Europe.
Actuellement, nous pouvons nous enorgueillir (ou pas) d’être les premiers consommateurs européens de stupéfiants dans la plus parfaite illégalité, pourtant, le choix de nos dirigeants successifs, de manière déterminée, est celui d’interdire et de culpabiliser l’usager. Mais ailleurs ? « Ce pétard du samedi » en territoire français au
goût de « sang séché sur le trottoir » ne devient-il par-delà les frontières une plante qui ouvre l‘appétit dans les épreuves de la vie lorsqu’elles le ferment, le goût retrouvé, un soin précieux depuis la nuit des temps, dans les cas de chimiothérapies, douleurs neuropathiques, certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes, les symptômes rebelles en oncologie liés au cancer… ?
Il suffit de se déplacer et la loi et la morale prennent d’autres formes. En ce sens, le livre Cannabis, entre diable et bon dieu L’origine de la prohibition du cannabis par Dinah Douieb et Vincent Cohen-Steiner, imprimé en France, pose la question de la légalisation de manière brillante.
Avec pour seul parti pris d’ouvrir le débat non pas au législateur et gouvernements mais aux citoyens, sans prosélytisme et surtout en s’éloignant de la charge émotionnelle, cet opuscule se fixe pour objectif et réussit à l’atteindre de retracer l’histoire et les utilisations du cannabis, que l’on retrouve déjà dans la Bible,
jusqu’à nos jours.
À travers cent ans de législation française, les auteurs développent avec précision et de très nombreuses sources une chronologie passionnante des mentalités et des intérêts industriels et pharmaceutiques.
En trois parties, c’est un panorama des évolutions globales, (dépénalisation, légalisation, commercialisation, recherche scientifique, débats juridiques), qui est dressé dans cet ouvrage. Dès lors, une question pourra nous tarauder, pourquoi les vendeurs échappent-ils aux affres administratives françaises quand le plus
petit des auto-entrepreneur se voit contraint de payer ses cotisations URSSAF avant même d’avoir travaillé, les mules, dealers et autres commerciaux très doués en marketing de la schnouf y échappent privant l’État de recettes fiscales dont il aurait bien besoin. Le débat est posé et il appartient aux citoyens de s’en emparer.
Judith Kush est un pseudonyme. Le mot Kush comme référence au «cannabis indica » originaire d’Afghanistan dans les vallées de l’Hindu traversées par l’antique route de la soie, Kush désignant aussi la Basse-Égypte, l’Éthiopie ou la Nubie. Publié en 2023 grâce à un financement participatif obtenu auprès de bibliophiles, SpeedBall s’impose rapidement comme LA bible des stupéfiants, et de la belle ouvrage avec une iconographie de bon goût
fort intéressante.
L’éternel combat entre le bien et le mal transperce les pages, la drogue corruptrice qui mène à la décadence et l’autoritarisme versus la drogue médecine, et les drogues dans leur diversité vues comme un moyen d’interroger la réalité, d’en tester les limites voire trouver le bien-être, le soulagement devant la souffrance, drogue « Pain Killer », la morphine, drogue anesthésiante que les dentistes expérimentèrent sous la forme de gaz hilarant, drogues festives, celle qui donne envie de danser et faire l’amour, la Colombienne, celle qui pousse au suicide et rend paranoïaque, la bolivienne, et la meilleure paraît-il, la Péruvienne… Drogue nommée alcool, un perturbateur légal longtemps présenté en capacité de lever les inhibitions, drogue de la guerre, le Pervitin, l’arme nazie, drogue excitant les pulsions de mort, la méthamphétamine fournie au personnel militaire (150 millions de comprimés en 1946), l’opium qui donnera son nom à un parfum après que les poètes eurent plané vers les muses en le fumant, drogue pour calmer le besoin irrépressible de sexe…
Deux livres qui trouveront donc une bonne place dans l’enfer des bibliothèques, faisant la part belle aux « Paradis artificiels ». Une exploration tout à la fois théorique et empirique qui l’amène à raconter une histoire stupéfiante des stupéfiants à travers sa propre expérience et avec la gamme de traumatismes l’accompagnant. De la
découverte à l’addiction en terminant par le sevrage, un parcours en speed ball dont on sort les pupilles élargies par tant d’informations.
Pénaliser ou légaliser ? Informer et protéger la jeunesse ou encadrer et surveiller sans punir ? Laissons le mot de la fin à Antonin Artaud: « Législateur, tu es un con. »
Pour commander légalement :
https://judithkush.bigcartel.com
https://canabisdiablebondieu.bigcartel.com
2 commentaires
en bckstage ave tanger au dessus d escaliers ( ? )
na^c t chloé qui pliér les feuilles