Si la reformation d’Oasis s’annonce comme un formidable coup financier et n’apportera pas grand-chose sur le plan musical, pas mal de commentaires sur les réseaux visent à les réduire à un minable aimant à beaufs. C’est vite oublier l’immense groupe qu’il fut pendant quelques années. Au point de marquer pour toujours une génération.
Les musiques qu’on écoute adolescent nous marquent toute notre vie. C’est une forme d’évidence qui saute aux yeux en prenant de l’âge. Elle avait été développée par un journaliste américain il y a une dizaine d’années. Mark Joseph Stern le justifiait sous l’angle neuronal par les premiers shoots de sérotonine qui restent gravés dans notre cortex auditif. Mais aussi pour des raisons psychologiques en reprenant la théorie du « pic de réminiscence » qui fait qu’on se souvient mieux des choses vécues en tant que jeune adulte que du reste. Je peux par exemple vous citer les résultats de l’OM en 1993 et je ne me souviens aujourd’hui même plus du dernier résultat de mon club favori. En 2008, une étude anglaise – forcément – allait plus loin en établissant que ces années entre 12 et 22 ans permettaient « l’émergence d’une identité stable et durable » et font ce que nous sommes aujourd’hui.
« Definitly Maybe » d’Oasis est sorti en août 1994 et je venais d’avoir 16 ans. Quelques mois plus tôt, une émission musicale diffusée de nuit – c’était comme ça à l’époque – qui devait être Rock Express de Laurence Romance proposait un reportage sur un jeune groupe de Manchester pour sa première date à Paris à l’Erotika. Deux frères plein de morgue se chamaillaient gentiment dans un bar sur fond de leur premier single Supersonic. Il y avait tout : l’attitude, la dégaine, la musique.
Autant dire qu’à ce moment-là je n’avais jamais entendu parler des Stone Roses et que ma connaissance des Beatles devait se limiter à quelques titres. Le choc esthétique était là et si je m’en rappelle aujourd’hui c’est que ça m’a forcément marqué pour toujours. La suite en Gazelle et parka trop grande est connue avec l’urgence d’un premier album parmi les meilleurs jamais sortis, la guéguerre avec Blur et l’explosion mondiale avec le second porté par le char d’assaut Wonderwall. Rare titre venu d’une forme d’underground – ils étaient quand même chez Creation, label de My Bloody Valentine, Primal Scream ou The Pastels – à avoir conquis l’univers avec Smells Like Teen Spirit ou peut-être Killing In The Name of.
A part quelques titres, j’ai arrêté d’écouter Oasis après « Be Here Now ». Tout le délire Union Jack, coupe de cheveux de mods et rock gras ne m’intéressait plus du tout. Je les ai ratés en live à leur pic, je ne suis même pas allé les voir au Dôme de Marseille en 2000 et leur séparation en 2009 m’avait presque rassuré. Si j’ai toujours suivi Liam Gallagher sur les réseaux sociaux parce qu’il est très marrant, chaque titre écouté de sa carrière solo comme celle de son frère Noël m’a profondément ennuyé.
Pourtant j’ai accueilli avec un certain sourire l’annonce si attendue de leur reformation il y a quelques jours. Je ne sais pas si j’irai les voir pour leur série de concert pour des raisons purement financières et pratiques. Je n’attends absolument rien artistiquement de ce retour. Mais alors pourquoi écrire sur ce come-back en racontant ses souvenirs adolescents ? Car si la majorité des réactions est positive et que cette tournée va être un succès historique, pas mal de commentaires ont eu tendance à m’agacer : entre des tweets ou articles de quinquas aigris en parlant comme du dernier des groupes de merde dans des termes assez ignobles, d’accusations de groupe de beauf allant jusqu’à les taxer de tous les maux (réactionnaires, homophobes, etc…). Soit l’habituel dépotoir à ciel ouvert de notre époque avec un soupçon d’élitisme.
Il est pourtant tout à fait envisageable d’aimer Coil ou Les Rallizes Dénudées tout en continuant à vibrer à l’écoute de Live Forever. Et c’est vite oublier la présence messianique de leur frontman et surtout un songwriting frôlant la perfection pendant une poignée d’années. Hormis les titres précités, allez composer des hymnes comme Some Might Say, des Columbia, des Champagne Supernova ou sortir des faces B comme Aquiesce ou toutes celles regroupées dans « The Masterplan » ?
Il est assez facile de taper sur les générations plus jeunes. Les Arctic Monkeys par exemple ne me font rien mais pourquoi leur vomir dessus ? Tant mieux s’ils ont marqué les trentenaires. Les boomers nous ont assez fait chier avec les Stones ou Pink Floyd, d’autres ont eu les Sex Pistols, The Cure ou The Smiths. Plutôt que ces combats d’arrière-garde de poussiéreux, l’approche la plus touchante sur cette reformation viendrait du très sérieux site anglais The Quietus. Dans un article intitulé Oasisters : Meet Liam & Noel’s 21st Century Female Fan Army, il interroge plusieurs très jeunes filles absolument fans des frères Gallagher en Russie ou au Brésil. Elles sont surexcitées par ce retour. Il n’y a pas à se moquer d’elles non plus, même si elles n’étaient pas nées au moment de la sortie de « Definitly Maybe ». C’était mon cas pour « Unknown Pleasures » de Joy Division.
Finalement, Oasis c’était la puissance éternelle de la jeunesse.
Crédit photo Une : Flickr Dunk.
4 commentaires
« Les musiques […] marqueNT toute notre vie »
SmellS like teen spirit
Pas très fan d’oasis, j’ai toujours préféré les pur jus pressés.
C’est tout pour aujourd’hui 🙂
Bien dit la partie sur les musiques qui vous marquent entre 15 et 22 ans. Pour le reste, 1994 j’étais déjà trop vieux mais je plussoie à l’idée que ça saoule ces haters, au sombre prétexte 1. que c’est vieux (plus de 3 ans), 2. que le son a changé. Ils oublient que leur cul vieillit aussi et que c’est toujours un cul.
Sachant ce que la tournée va leur rapporter en pognon
et apparemment n’ont pas l’intention de refaire un disque
350£ la place en ce moment
Une belle arnaque