Ca se passe dans un club de strip-tease, Willem Dafoe est le patron, l’affaire marche plutôt mal, la propriétaire veut son loyer, le principal financeur retire ses billes, les danseuses menacent de faire grève. Le patron joue tout son argent au loto, mais ne retrouve pas ses tickets. Il est recommandé de voir Go-go tales avec une ou deux autres âmes perdues dans une salle presque vide, un dimanche soir ou un mardi après-midi pour en goûter toute la saveur.

Que dire d’autre de Go-go tales ? Pas grand-chose en fait si l’on s’en tient à l’intrigue. Mais est-ce que c’est vraiment l’intrigue qui importe quand même les personnages semblent s’en foutre, telle Asia Argento qui livre ici le pire lap-dance de l’histoire (du lap-dance, du cinéma et de l’histoire tout court) ? Quiconque a traîné un peu sur le tournage d’un film sent bien que ce n’est finalement pas vraiment de strip-tease qu’il s’agit. Ferrara a fait quelques poussifs essais dans le documentaire (voir ou plutôt ne pas voir son laborieux Chelsea Hotel). Go-go tales, derrière la fable, raconte avec finesse ce qu’est faire un film, ou plutôt ce qu’est faire un film d’Abel Ferrara. Et qu’on ne sorte pas la Nuit Américaine, la mise en abîme, le spectateur dans le film et l’écran dans l’écran, parce que le film, finalement, on s’en fout un peu dans le système Ferrara. Le résultat n’est pas quelque chose de tangible, on ne touche pas, c’est le processus, c’est l’addiction, une addiction telle que même quand on a gagné le gros lot, qu’on tient son prize in cash, une pensée naît, une voix qui vous dit qu’il faut en faire un autre. Et on ne le fait pas pour les spectateurs, personne ne vient dans le club de strip-tease de Ray, que des copains, quelques touristes égarés que l’on met d’ailleurs parfois à la porte.

De toute manière lorsque l’on est en train de réaliser un film, l’histoire du film passe au second plan. La question reste alors de savoir si la script couche avec le chef opérateur, comment traiter l’ego de ses comédiens, comment arriver à surmonter la suite naturelle de catastrophes qui s’abattent sur n’importe quel tournage, comment surtout trouver l’argent, financer quelque chose qui finalement n’est pas un business comme l’est le salon de coiffure du frère de Ray, mais une affaire de famille. Comme sur un tournage les comédiens une fois leur rôle joués vont glander dans les loges ou au bar (au cinéma on dit le « catering »). Du coup tout ce qui arrive à l’écran n’est pas lié à une dramaturgie, mais à l’avancé difficile du tournage, à la possibilité pour le Show de continuer malgré tout. Ferrara cinéaste de l’excès nous dit avec nonchalance sa plus terrible addiction son besoin profond, impérieux et égoïste de filmer.

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