17h29 : les balances tournent en jam. Alex et Mark des Rebels of Tijuana balancent une purée funky du diable avec le jeune batteur des Electric Circus. Infiniment groovie, le jeu d’Alex s’avère être un penchant très Herbie Flowers du jeu de Dave Alexander. Il me laisse en rade avec une bouteille de vin pour faire chialer son Ampeg. Les deux scènes balancent en même temps, créant une chiasse dans mon cerveau du au soleil bouillant, le beaujolais « out of my head ». Je me sens enfin chez moi, dans la fureur des sons et le mélange des genres. Mark devient bavard à la guitare. Les premiers irréductibles commencent à arriver. On pourrait fantasmer un genre de horde sauvage… De Hells Angel prêts à en découdre, poussant les musiciens dans leurs derniers retranchements.
Puis Graham Neil est venu les rejoindre. Tendu comme le string de Prince. Râpant les cordes de sa guitare à la manière d’une brûlure. Lancé dans une sorte de morceau JJ Cale accéléré ; le physique du bonhomme, sa façon d’haranguer la petite foule par sa tenue ; le tout pour créer l’événement. L’impression de voir un concert comme on n’en voit plus jamais : après tout il ne s’agit que d’une balance. Il y a de grands musiciens dans ce festival. Des instrumentistes hors pair comme vous n’en voyez que trop rarement sur les scènes. Et avec un niveau pareil, les groupes de rock (entendre ceux qui ne peuvent jouer que leur style) se cassent la gueule. Les idées, ce que l’on pourrait appeler des originalités, ne sont en fait que comme des artifices. Il n’y a pas trente manières de jouer de la musique. Et le tri se fait vite, le tri entre la qualité et l’étendue musicale non contrôlée. Ici, on ne pourrait pas parler de Naïve New Beaters ou autre effet de mode. ça n’a aucun sens. Seule l’excellence donne les meilleurs morceaux.
Réflexion faite sur le concert de She Demons : un groupe dont le beat est tenu par une boîte à rythme alors que le batteur ne fait que des accents. Ou sur Déjà Vu où le chant en français n’appuie pas sur l’efficacité des morceaux. Ce genre d’illogisme complet ne demande qu’à être dépisté comme une verrue sur la plante des pieds.
Extrait de carnet de note :
23H30 : Fireball jouant Dr Gonzo. Le Rhodes cliquètent dans de sympathiques notes saturées allant tirer quelques goutes de sang dans mes oreilles. Morceau de musique fait de bruit blanc, partant dans quelques chevauchés fantastiques de l’électricité. Perdu dans un tas de larsens, c’est ici l’esprit gonzo de la musique qui déforme et tort la réalité sonore à souhait, nous faisant sentir chaque partie de notre corps. Ainsi, nous sommes encore vivants. La foule est sage et je frise au son d’une guitare suffocante appelant l’enfer des culs de jatte. Anti groove et whity comme un linge.
Au petit matin de la première nuit dans la tente, le réveil s’opére avec un caleçon qui colle. Perdu dans une petite clairière aux côtés d’un ruisseau sec. L’impression de campagne et d’herbe sèche collée aux bottes donne des envies de se laisser pousser les rouflaquettes. La richesse de la programmation du Willstock (pas moins de 10 groupes entre 18 H 30 et 2 H du matin) complique la tâche de la couverture.
Comment se souvenir et capter chaque groupe avec un degré d’alcoolémie nous transformant en bêtes sauvages à peine capables de tenir un carnet de notes?
On m’apprend au réveil que A Song a fait un concert formidable. Je me souviens à peine des événements de la veille. Pourtant, en déchiffrant mon écriture de plus en plus grossière, je tombe sur ces quelques extraits :
20H08 : Concert de Déjà Vu
Ayant balancé de la peinture rouge sur les quelques visages souriants dessinés par les festivaliers, je comprends beaucoup sur l’utilisation des amplis Orange.. et sur Deja Vu. De ces rythmiques saccadées post punk disco qui ont donné l’occasion aux ondes FM de nous faire bouffer de la Charley bourrée de reverb. Leurs chansons s’appellent Alison Gray et ils bougent comme de petit bonhomme que l’on met sur les rétroviseurs des voitures. C’est un cadencier à la Luke, joué comme le ferait un vrai groupe de festival. Leur nom a bien de multiples connotations…
20H50 : Concert de Betty Pearl
J’évite soigneusement le filtre de ma cigarette par jeu. Betty Pearl joue une sorte de Jazz rock avec des phalanges de blanc. Vision de l’efficacité qui flirte avec le groove. Le concert s’enfonce lentement dans les parties molles du public, allant de plus en plus vers un son genre « tu bouges ton popotin » … Explosion : Rythmique Head Hunter et groupe really funky. C’est bon, ils ont réussi à agrandir la taille de leurs bites.
1H02 : Concert ????
Mon colon descend doucement le long de mes cuisses. Mais où est donc passé mon couteau ?