Pour la nouvelle année, Tristram nous offre un inédit de Burroughs en terres françaises : Le Porte-Lame. De l’anticipation pure et toujours sale entre drogues, détritus et ruines de fer dans la ville de New York. On est en 2014, l’œuvre est écrite dans les 70’s. Voilà le scénario d’un film imaginé par le beatnik le plus instable du mouvement. Quatre-vingt pages qui s’enfilent comme du lait et suite auxquelles on se dit que tout ça ne tardera pas à arriver.
Malgré la valeur sûre qu’est William S. Burroughs, il faut toujours se méfier des inédits qui sortent trente piges après leur conception. D’ailleurs, Le Porte-Lame n’est pas un incontournable, mais il reste une pièce qui pouvait être manquante et qu’il fait bon de lire pour zieuter nos métros et nos villes autrement.
Nous sommes en 2014 et les laboratoires s’en mettent plein les fouilles. La thune marche sur l’espoir quand les maladies se développent sur le modèle de cellules infectées. La médecine d’avenir sera, cette année-là, à l’image du trafic de came dans une tour crasseuse à côté de chez toi. Le porte-lame c’est celui qui court, transpirant dans ses oripeaux, entre de sombres caves pour y récupérer doses et ustensiles nécessaires pour les médecins clandestins. En ces temps, alors qu’il devient impossible d’être correctement soigné via un système disons plus traditionnel, on se rend compte qu’on n’est jamais mieux guéri que par soi-même. La traque de porte-lames s’intensifie pour coincer les gros bonnets de la médecine d’à côté, et laisser faire le marché comme les puissants l’avaient pensé.
Dissection du futur
Drogue et homosexualité reviennent dans ce flash littéraire qui construit ses scènes sur le socle de la médecine. L’auteur se rappelle encore ses études dans le domaine, lorsqu’il vivait dans les allées de Vienne. Si les décors ne varient pas d’un iota dans le vaste monde des œuvres avant-gardistes, Burroughs y rajoutera cette bistouri-touch’ traumatisante qui accentuera l’aspect malsain, et non sans humour, du roman. L’écriture y est épurée au possible, « cut » façon Burroughs. Phrases courtes aux mots justes, Tristram tente, en parallèle, le pari de l’illustration. C’est en recouvrant chaque page de frises représentant des bobines de film que l’éditeur a peut-être voulu me rappeler, à moi lecteur, que tout ça n’est que du cinéma. L’écriture absorbe, faisant qu’à chaque fin de chapitre, une douce impression me mouille le front l’instant d’une seconde : est-ce que j’ai besoin d’un docteur ? Les rails du métro sont effectivement rouillés. N’y a-t-il pas un enfant qui court et que j’entends hurler au bout de ce tunnel où de l’eau perle ? Ce tunnel aux respirations bruyantes et métalliques. C’est peut-être le Porte-Lame de demain qui marche au loin.
William Burroughs // Le Porte-Lame // Edition Tristram
5 commentaires
j’aime burroughs et ça donne envie. faut pas mettre ce genre d’article en période de frénésie de consommation.
Le livre n’est plus un objet culturel mais un objet de consommation. Y a plus aucune différence entre un libraire et un cassier, ou un chef de rayon de chez Carrefour.
Quant aux inédits post-mortem des écrivains, la littérature en pulule : de Byron à Wilde en passant par, Casanova, Céline, Dante, Hemingway, N de Nietzsche, P de Pessoa, S comme Schopenhauer, Shakespeare; il y a même un Z avec Zweig.
Et tant mieux, je dirai même que c’est une preuve de qualité et de vérité de l’auteur. Un écrivain n’écrit pas pour être éditer…enfin à l’époque. Aujourd’hui c’est un peu différent : on édite et ensuite on écrit, presque.
Faisons un jeu! attendons 2014 pour lire « Le porte-Lame » sur ebook, et comparons la fiction imaginative des 70′ à la réalité que sera demain.
Je défie Gonzai ou n’importe quel magazine, journal, webzine, de faire un article d’une oeuvre déjà écrite mettant en scène notre contemporanéité. exemple le plus facile : « 2011 odyssée de l’espace ».
c’est 2001, l’odyssée de l’espace… Après tu as une suite : « 2010 », mais c’est un peu tard maintenant.
Merci de m’avoir rectifié, surtout parce que ce n’était pas une « coquille » faute de frappe mais une erreur de cerveau. Je ne sais pas comment j’ai pu sortir ce 2011 odyssée de l’espace. C’est un bug cérébrale entre les 17minutes inédites retrouvées ces jours-ci, et mon zèle intériorisé…Du coup y a rien pour 2011?… Bon bah, j’ai plus qu’à attendre tranquillement 2012.