« La plus belle chose à Tokyo, c’est McDonald’s. La plus belle chose à Stockholm, c’est McDonald’s. La plus belle chose à Florence, c’est McDonald’s. Pékin et Moscou n’ont pour le moment rien de beau. »
Bien que rédigées au début des années 70, je serais très étonnée que ces lignes ne fassent naître un sourire sur les lèvres des petits Français très attachés aux traditions culinaires mais incapables de faire cuire un poulet et qui trouvent que José Bové est un con même si, quand même, il ait un peu raison. Alors que le sobrement intitulé The Philosophy of Andy Warhol vient de me tomber entre les mains, je crois qu’il est temps pour moi de reconsidérer le cas Warhol.
Jusque-là, je n’avais jamais éprouvé la moindre sympathie pour un type dont la seule représentation que j’avais en tête était l’image du freluquet à côté de la plaque dépeint dans le film d’Oliver Stone, The Doors. De lui, je ne connaissais que quelques portraits aux couleurs criardes et, d’aussi loin que je m’y suis intéressée, son travail m’a toujours paru être du foutage de gueule en bonne et due forme. J’aurais donc volontiers rejoint le clan de ceux qui crient à l’imposture — dans l’hypothèse où mes connaissances dans le domaine de l’art contemporain n’auraient pas été proches du néant.
Il faut peut-être dissiper un malentendu : fruit de la retranscription d’enregistrements provenant du magnétophone dont Warhol ne se séparait jamais, The Philosophy n’a pas réellement vocation à apporter un éclairage sur l’œuvre du premier roi du Pop. Amour, Gloire, Beauté, Pouvoir des Sous-vêtements… cette accumulation de conversations et de réflexions personnelles de l’artiste se borne à former un patchwork — souvent décousu — d’une quinzaine de chroniques aux thèmes universels ou racoleurs, selon l’idée que l’on se fait du personnage.
« (…) au lieu de parler très tôt aux enfants des mécaniques et du vide inhérents au sexe, peut-être serait-il préférable de soudainement leur en révéler les détails lorsqu’ils atteignent 40 ans. (…) À l’époque où les gens découvraient le sexe à 15 ans et mouraient à 35, ils avaient évidemment moins de problèmes que nos contemporains qui découvrent le concept à 8 ans environ et ont une espérance de vie de 80 ans. C’est une longue période pour faire le tour d’un seul et même concept. Le même ennuyeux concept. »
Se mettant en scène comme un parfait antihéros ayant fait de l’auto-dérision et du détachement un mode de vie, Andy prouve qu’il est un dandy. Un de ces êtres désabusés et désinvoltes qui apportent une attention extrême au superflu, à défaut de trouver un sens à quoi que ce soit d’autre. D’une superficialité loin d’être innocente, ses chroniques sont pleines d’un vide réjouissant.
« Tout est plus glamour quand on le fait au lit. Même peler des patates. »
La surprise arrive entre le récit par le menu détaillé d’une après-midi de shopping et un développement apparemment exhaustif sur les meilleures techniques de nettoyage de la maison. Warhol expose alors sa conception du lien supposé unir l’Art et le monde des affaires, finissant au passage de scandaliser ses détracteurs :
« Le Business de l’art est l’étape après l’Art. J’ai commencé en étant un artiste commercial et je veux finir en étant un artiste du business (…). J’aimerais être un Businessman de l’Art ou un Artiste du Business. Être bon en affaires est la forme d’art la plus fascinante. »
Au travers de ses chroniques, Warhol poursuit un travail de sape du mythe faisant de l’artiste un être supérieur, indifférent aux réalités économiques qui font tourner le monde. S’il se plaît à la marge en s’appliquant à faire du détachement un art, il se satisfait tout autant de faire siennes les règles du marché.
Alors non, je ne prétendrai pas avoir saisi l’essence du Pop Art ; je n’affirmerai pas non plus avoir compris le cheminement artistique de Warhol. Je peux néanmoins considérer son travail en laissant de côté l’air pincé qui aurait été de rigueur une semaine en arrière. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis… Et si je me réécoutais l’Album Blanc de La Compagnie Créole ?
The Philosophy of Andy Warhol // Penguin Books
241 pages
3 commentaires
Andy Warhol est Dieu.
Et il porte une perruque:
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=EYX2OVT3eBg#at=20
Bon article, pour les fans du style Pop art de Warhol, je leur conseille de se faire tirer unportrait pop art personnalisé, c’est toujours mieux qu’une vieille boite de soupe Campbell !