Les années 2000 ont marqué l’âge d’or des séries télévisées et nous prions que pour que cet âge d’or ne connaisse pas de fin. Les séries sont d’ailleurs de moins en moins télévisées, depuis qu’il est possible d’enchaîner des saisons entières, des visionnages-marathon. Mais depuis, régulièrement, une critique revient : pourquoi c’est si long ? Pourquoi faut-il aux auteurs entre six et neuf saisons pour arriver au terme de leur propos ?

C’est une question que se poseront nécessairement celles et ceux qui ne sont pas fans d’une série en particulier, et qui la regardent non par passion, mais seulement pour le plaisir. Pourtant, dès lors que l’on se retrouve enrôlé dans un de ces marathons de visionnage, on se rend rapidement compte que les situations sont tirées en longueur ; tandis que lorsqu’on suit une série semaine après semaine, on a moins de recul. Alors, qui tire sur les auteurs qui tirent sur les scénarios ?

La tragédie, une valeur sûre.

lost_writers_roomEcrire, c’est avoir une idée en tête, et toutes les bonnes idées ont une fin ; même à plusieurs, on ne peut délayer indéfiniment. Donc quelqu’un tire les ficelles : ce sont les producteurs qui, quand la série marche, pratiquent l’acharnement thérapeutique sur la poule aux œufs d’or, ou quand elle vacille en termes d’audience, la mettent à mort malgré les masses qui la chérissaient.
Ne nous alarmons pas, certaines séries comme Breaking Bad ou The Shield nous proposaient, en plus d’un discours subversif, un parcours tragique. L’avantage de la tragédie, c’est que l’on sait que les protagonistes ne finiront pas les doigts de pieds en éventail sur une plage des Bahamas. Il y a un moment où la situation ne sera plus tenable, où il y aura rupture. Du coup on est tranquille, on sait que tout ce qui se passe sert l’action (ou presque). Vous ne vous retrouverez pas devant cet effroyable dilemme : dois-je sauter cet épisode barbant ? La série vaut-elle encore le coup d’être regardée ?  Heureusement ou hélas, la tragédie ne concerne qu’une infime minorité de nos programmes tant aimés ; la plupart du temps, on embarque, et l’on se retrouve perdu en mer, ou alors la série est interrompue, et l’on se mord les doigts, voire l’entrejambe pour les plus souples d’entre nous.

Les comédies les plus courtes sont les meilleures

Dans certaines séries légères, comme Les Simpsons, Futurama ou 2 Broke girls, la trame principale est faible, sinon inexistante. Les deux premières se sont bonifiées avec le temps, et la troisième n’est qu’un passe-temps sans conséquence et sciemment vulgaire. C’est ce genre de séries qu’adorent les chaînes françaises, parce qu’elles peuvent nous repasser quarante fois les mêmes épisodes, les mêmes deux jours de suite, ou encore dans le désordre comme le Quinté. Et sans être un puriste, je n’assimile pas pour autant le visionnage au PMU.
A ce titre, Malcolm a atteint un sommet d’humour, mais seulement pour les trois dernières saisons, ce qui prouve que certains programmes peuvent se bonifier sur la longueur. Mais là aussi les commanditaires ont bien fait de s’arrêter à la septième saison, et je pense que cela représente une limite absolue, qui ne devrait pas être franchie. Je mets au défi quiconque de se remater un jour la saison finale d’How I met your mother, actuellement en cours, celle de Weeds ou de Scrubs, laquelle fut avortée à juste titre en sa dixième année. Toutes les bonnes séries devraient avoir une fin digne, même lorsqu’elles sont comiques. Je vois mal Molière ou Brecht bâcler la fin de leurs pièces parce que l’essentiel dans la comédie, c’est de s’être bien marré.

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L’addition s’il vous plaît

En général, les auteurs ont fait le tour de l’idée au bout de la deuxième saison, et certains producteurs ont la bienséance de s’y borner, comme ceux de Stargate Universe. Desperate Housewives n’a été intéressante qu’une seule saison, et si elle avait été close en deux ans, elle serait vraiment devenue « culte », malgré toute l’horreur que j’ai pour ce terme, tandis que son rallongement n’a fait que la dégrader. Les exemples de gestion calamiteuse de la durée des séries américaines sont innombrables.

Mais encore, n’est-ce pas l’incurie de la télévision française, qui a mis vingt ans à comprendre un concept aussi évident que celui de saison ? Au pays des grands feuilletonistes que furent Balzac, Zola ou Sue, cela illustre brillamment le mépris de notre télévision pour son public. Simplement, il faudrait aussi que les producteurs américains, qui se targuent désormais de financer de l’art, cessent de prendre Amour, Gloire et Beauté comme modèle et traitent enfin les séries comme des œuvres au même titre que les films, avec un début, un milieu et une fin. Heureusement Netflix, la célèbre plateforme de visionnage américaine, en devenant producteur de séries, telles que House of Cards, montre la voie : nous aurons peut-être un jour la certitude de jouir d’histoires complètes.

1 commentaire

  1. HBO est un modèle du genre dans les années 2000 en production de séries.
    je pense que chaque épisode à son importance, chaque saison est un nouveau chapitre.
    Apres je pense qu’on arrive à la fin d’un format de serie « Tragédie » de qualité qui dure 50 mn par épisode (Sopranos, The Wire, Breakind Bad…)
    parce que au final avec le telechargement et de moins en moins de diffusion Télé ou y vont trouver les bénéfices?
    on se souviendra surement dans 20 ans des années 2000 comme on se souvient des années 70 du cinéma américain.
    En série comédie je conseil la série britanique The IT Crowd excellente (un peu dans l’esprit de Black Books)

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