Ou l’histoire de deux musiciens à Toronto obnubilés par une seule et unique chose : faire un concert dans un bar de leur quartier.

« Si le pitch vous paraît stupide, vous n’avez encore rien vu. » La phrase est signée Matt Johnson, réalisateur, comédien et accessoirement l’un des acteurs principaux de la série Nirvana The Band The Show. Avec son compagnon de route Jay McCarrol, ils sont les deux têtes pensantes derrière l’une des séries les plus drôles et déroutantes de ces dernières années.

Matt et Jay vivent dans une petite maison et sont tous les deux dans un groupe, Nirvana The Band. Le premier est le leader, le second un (excellent) pianiste et ensemble, ils jouent un style aussi déconcertant que le nom de leur série, entre la comédie musicale et l’improvisation, sur des thèmes eux aussi inventés à l’arrache deux minutes avant la répétition.

Le cousin de Seinfeld

À l’instar de Seinfeld (dont Gonzaï a consacré un numéro en mai 2018), Nirvana The Band The Show est une série à propos de rien. À chaque épisode, la même question : comment réussir à jouer au Rivoli, un vrai bar de la ville qui organise des concerts. Pour les deux amis, jouer dans cette salle est le coup de pouce dont leur carrière a besoin pour (enfin) décoller. Seulement, au lieu d’y aller et de demander à pouvoir jouer, Matt et Jay imaginent à chaque épisode des moyens toujours plus loufoques et compliqués pour arriver à leur fin, comme pirater les ordinateurs du Rivoli pour s’auto-inscrire sur la liste des concerts ou participer à la parade qui passe devant le bar pour se faire remarquer.

Le style de la série est également troublant. À la manière d’un mockumentary (documentaire parodique que les Américains et Britanniques affectionnent), ils filment beaucoup de scènes à l’improviste et en caméra cachée, dans la rue, dans des magasins ou lors d’évènements (parades, Sundance Festival, etc.). « On ne va pas vers les gens en leur disant ‘‘on va venir vers vous jouer et faire telle chose, mais surtout, restez vous-même’’. Ça ne marche pas, personne n’est capable de faire ça. » Résultat, ils filment et capturent les vraies réactions des gens de Toronto. En fonction de ces scènes filmées, souvent à l’insu de tout le monde, ils changent parfois l’histoire ou le déroulement d’un épisode.

Un exemple : lors de l’épisode 5, Matt convainc Jay que pour jouer au Rivoli, il faut sortir un film (rien à voir, on est d’accord). Ils font donc un court-métrage où Jay est censé être la star, sauf que Matt se met en scène au montage et fait passer Jay pour un pédophile. Une fois fini, Matt part au Festival Sundance où il va directement dans la cabine du projectionniste en inventant une histoire pour faire passer film à l’écran. Il réussit et la nouvelle fait le tour des chaînes de télévision. Matt prend toute la lumière et délaisse Jay pour réaliser des interviews. 

« Si on devait expliquer à une chaîne ce qu’on va faire, il y aurait beaucoup de discussions et on devrait répéter la scène avant de la filmer. »

Vers la fin, on assiste à une scène non prévue où une jeune femme vient le voir et lui tend une flasque pour qu’il boive un coup. Matt répond qu’il n’a jamais bu d’alcool de sa vie, mais que ça pourrait bien devenir sa nouvelle passion. Une petite partie de la suite de l’épisode se focalise alors sur la découverte de l’alcool par Matt, qui part faire la tournée des bars. 

Ces instants capturés à l’arrache donne une originalité et une spontanéité à la série. Et peuvent ainsi faire changer, à tout moment, le déroulement d’un épisode. « Je pense qu’on fait peut-être ce que personne d’autre ne fait. On improvise des scènes, on a plein de dialogues et au montage, on ré-écrit presque totalement l’épisode » concède Matt lors d’une interview.

nirvana

Surprise sur prise

Cette absurdité est la pièce maîtresse de Nirvana The Band The Show. La série n’a pas réellement de fil conducteur, et à chaque nouveau rebondissement, un élément encore plus stupide que le précédent vient chambouler leurs plans. Mais surtout, cette manière de filmer à l’arrache une scène et de « voir ce qu’on va en faire après » est le point fort de la série. « Si on devait expliquer à une chaîne ce qu’on va faire, il y aura beaucoup de discussions en amont et on devrait répéter la scène avant de la filmer. La conversation arriverait avant le tournage alors qu’avec notre manière de faire, tous les débats qu’on peut avoir à propos de l’histoire, de la censure, des blagues, etc, tout se passe sur le plateau »

Avant que la série ne soit diffusée sur la chaîne Viceland en 2017, Matt et Jay avaient déjà réalisé 10 épisodes entre 2007 et 2009, qu’ils avaient eux-mêmes mis en ligne sur leur site – et qui ont été supprimés depuis. Aujourd’hui encore lorsqu’ils passent devant le Rivoli, le staff les reconnaît et ils cherchent la caméra cachée quelque part. « Même quand on passe juste devant sans filmer. »

Nirvana The Band The Show est disponible sur la chaîne Viceland.

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