Dans le cinéma, 3 minutes, ça représente quasi une belle bande annonce bien étirée, cet indice qui en montre un peu sans en dévoiler de trop non plus, ce truc malin qui aguiche pour donner envie d’aller voir plus loin. Plus loin, à quelques pas de chez soi, en fait, dans une grande salle (ou, pourquoi pas, une plus petite, à moins de pas et à moindre frais… chez soi) où le film tourne dans son intégralité.
Dans le Très Court Festival qui démarre aujourd’hui, 3 minutes, c’est le temps demandé par les chefs d’orchestre de l’organisation pour raconter quelque chose, je sais pas moi, une historiette, un souvenir, rendre un hommage, mettre au point un gag, faire passer un « message » ou plus largement « se raconter » pour que le spectateur ait là aussi envie d’aller voir plus loin ou plus exactement de donner les moyens à ces réalisateurs d’y aller, plus loin. Ce réflexe naturel qui fait qu’on se dit, comme après un bon moment écourté avec quelqu’un, « la prochaine fois, ce sera plus long » (cela dit, c’est aussi une phrase qui peut être prononcée après un coït par un éjaculateur précoce optimiste mais bon). Loin de moi l’idée de me remaker avec le même discours qu’il y a 4 ans sur le court métrage et son importance capitale, mais près de moi l’idée de recommander d’assister à ce Festival avec son lot de surprises thématisées (des films d’animations, des films « Trash’n’Glam », des films de femmes, des films d’hommes aussi…). Bref, pour montrer un peu de quoi il s’agit sans en dévoiler de trop non plus, voici l’interview courte de Rubin Steiner, membre du jury.
Pour parler de cinéma, c’est le sujet ici, tu t’intéresses à Bref ? Pas la série évidemment, la revue de courts-métrages.
Figure-toi que je n’ai jamais lu Bref. C’est comme, par exemple, Les Nuls que j’ai découvert longtemps après tout le monde étant donné n’ai jamais regardé Canal +. Sinon je ne suis pas du tout un spécialiste de cinéma. De toute façon, c’est simple : quand je ne maîtrise pas quelque chose à fond, je dis que je n’y connais rien. Après, j’ai un avis bien arrêté sur ce que j’aime ou pas. Le reste, c’est de la littérature. Je trouve les points de vue intéressants, d’autant plus quand on connaît les gens qui les donnent. Je viens de lire les Cahiers qui parlent des résultats de Cannes où ils trouvent que tout ce qui est plébiscité, c’est de la merde, et qu’on a pas récompensé ce qu’ils adorent, ça me fait marrer.
Normal, ils ont leurs marronniers : il y a des réalisateurs qu’ils ne défendront jamais comme d’autres qu’ils couvriront de louanges quand bien même le film sera faiblard. Par principe, par éthique, par ligne idéologique.
Oui, c’est comme Le Masque Et la Plume, j’aime bien parce que, à force, on les connaît, on sait ce qu’ils racontent. Cet avis-là est pertinent pour moi. Je sais ce que ça veut dire quand untel et untel dit que c’est de la merde. Quand tu connais la personne, tu sais que ça pourrait vraiment te plaire.
Comment tu t’es retrouvé membre du jury du Très Court ?
J’ai eu un rôle de programmateur au Louvre sur les Duos Éphémères, comme une espèce de mini-festival, 5-6 soirées programmées par des musiciens. L’idée, c’est de choisir des thèmes par rapport à des musiciens, en allant chercher des films rares, voire inédits, et projetés dans leur format d’origine. Cette année, j’ai proposé aux Zombie Zombie pour un trip d’espace, de science-fiction ; finalement, ils ont accompagné des documentaires sous-marins. Egyptology aussi : au départ, on était parti sur le concept de l’Égypte mais ça s’est encore barré dans l’espace. Nous, on a joué sur des images autour du corps, quelque chose d’arty, abstrait en noir et blanc. Ou encore French Cowboy, qui ont joué sur des épopées américaines.
Tu trouves le temps de t’occuper tout ça ?
Oui, là encore on a enregistré un album l’été dernier, je viens de finir de le mixer, il sortira en octobre. C’est justement ce qu’on a fait notamment au Louvre. Ça ne s’appelle plus Rubin Steiner, mais Drame. Je suis à la basse, il y a deux synthés, batterie-percu… On s’est enfermé pendant 3 jours et on a passé notre temps à enregistrer des impros, on s’est retrouvé avec 6h de musique à sortir des segments de 10 minutes.
Pour le festival, tu as dû voir beaucoup de films ?
Tous ceux de la sélection du moins, 45 très courts de 3 minutes. Si tu additionnes, ça équivaut presque à la durée standard d’un long métrage. J’ai trouvé qu’il y avait une grande écoute mutuelle, pas la parole des spécialistes, pas de concours de bites… On était pas d’accord, j’ai trouvé ça chouette.
Il y a un film avec Kirsten Dunst mais elle ne fait rien dedans, elle est juste de dos
Ah ouais, c’est démocratique.
Oui, avec des avis tranchés. Il n’y a pas de réalisateurs connus, pas d’acteurs connus donc tu ne juges pas les films sur les noms… Ah si, il y a un film avec Kirsten Dunst mais elle ne fait rien dedans, elle est juste de dos, elle ne bouge pas.
3 minutes pour un film, c’est suffisant ?
Au départ, je pensais que c’était un exercice de style et, en fait, non : il y en a qui ont du mal à aller jusqu’à 3 minutes. J’ai vu des films vraiment nuls à chier. Ça permet de se rendre compte, ça donne une échelle de valeurs, très personnelle évidemment. Ça met en avant ceux qui sont vraiment formidables.
Toi, tu aimes quel genre de cinéma ?
Ce que j’aime, c’est quand c’est… du cinéma. Quand on est projeté hors du réel – je dis ça alors que j’adore les frères Dardenne. J’aime quand on est à la limite du fantastique, de l’étrange, dans l’image, la mise en scène. De la même manière que quand je vais voir un concert, j’ai envie que ce soit un moment suspendu, irréel, avec les lumières, l’ambiance.
http://trescourt.com/fr
Au Forum des Images, les 12, 13 et 14 juin 2015