De quel bois (sacré) Hollywood est-il fait ? Et si Los Angeles, malgré sa verdeur, n’était qu’une ville antique croulant sous le poids des mythes qu’elle engendre ? Quel fil de laine, punaisé sur la carte de L.A., relie Cecil B. DeMille à Toutânkhamon ? Le meilleur bouquin de cette rentrée est une enquête du détective-poète Alessandro Mercuri.

Relisons plus attentivement le titre. Holyhood. En changeant deux lettres, le « bois de houx » (Hollywood) se permute en « quartier sacré » (Holy hood). Promesse, donc, d’une promenade dans une cité où le divin côtoie l’impur. L’auteur, maintenant. Le franco-italien Alessandro Mercuri nous avait déjà déposé, chez le même éditeur art&fiction, Le dossier Alvin, formidable livre où un petit sous-marin d’exploration, Alvin, est le véhicule d’une plongée dans les profondeurs de la pop culture du XXe siècle.

Cette fois-ci, l’auteur lui-même est le pivot du livre. Son enquête démarre un soir du début des années 2000. Alors qu’il séjourne dans un hôtel de Koreatown, à Los Angeles, Alessandro Mercuri loue par hasard dans un vidéo-club Witness to Murder, polar de 1954, où justement l’action se situe dans l’hôtel-même où il réside. Cette coïncidence est le point départ d’une enquête prenant la forme du Grand Sommeil, ce classique noir avec Bogart : peu importe « qui a fait le coup », seul le voyage compte.

On peut dévoiler le secret de cette investigation, puisqu’il n’en est pas un : Los Angeles, et in extenso la Californie, est un territoire relativement neuf, pourtant il enfante du mythe à gogo. « Ainsi, du haut du Park Plaza Hotel à l’abandon, je me laisse bercer par le songe de la Californie, cette île imaginaire autrefois perdue dans la fiction. », écrit l’auteur, au début du troisième chapitre.

Résultat de recherche d'images pour ""Hollywood" Alessandro Mercuri"Dans ce récit azimuté, le lecteur croisera, entre autres : une aspirante actrice se jetant dans le vide depuis le haut de la lettre « H » du panneau géant Hollywoodland (il perd ses quatre lettres en 1949) ; le projectionniste d’une salle de cinéma muet qui a collé un contrat sur la tête de son boss/amant ; une guide spirituelle persuadée d’avoir été kidnappée par les petits hommes verts, un réalisateur de péplum haranguant, tel un Napoléon du 7e art, son armée de figurants depuis le sommet d’une pyramide de carton-pâte. Sans oublier John Wayne, Ed Wood, le sculpteur Hiram Powers, Hernán Cortés ou la reine Calafia.
Tout comme Le Grand Sommeil perd rapidement les spectateurs dans les recoins d’une histoire tortueuse, Holyhood nous égare en savantes digressions. Les notes de bas de page, parfois elles-mêmes constituées de sous-notes, peuvent faire jusqu’à plusieurs pages. Cet écheveau de détails historico-philosophico-scientifique ressemble au Judge Harry Pregerson Interchange – ce célèbre échangeur autoroutier de L.A. qui est d’une monstrueuse complexité vu du ciel, qui nous emmène toujours quelque part quelle que soit la voie empruntée.

Résultat de recherche d'images pour "Judge Harry Pregerson Interchange"Photos, tableaux, gravures, cartes, rapports et autres coupures de presse viennent enrichir un propos érudit et vertigineux, où l’on voltige d’une époque à une autre, d’un pays l’autre, en finissant toujours par retomber sur ses pieds. Le livre est sous-titré Vol.1 – Guadalupe, California. Le détective-poète Mercuri n’en a donc pas finit avec L.A. puisqu’un second tome est à venir. Ils seront à ranger aux côtés des bouquins de Greil Marcus, Simon Reynolds ou Mark Fisher, autant de pierres de Rosette permettant de mieux déchiffrer notre pop culture.

Alessandro Mercuri, Holyhood, Vol. 1 – Guadalupe, California, chez art&fiction

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