Tandis que je m’accroche un peu plus à lui, toujours un peu plus fort et que l’alcool me monte à la tête, résonne en moi Journeys By Vespa. Un peu simple dit comme cela, mais tellement approprié…
La guitare, telle une mandoline, donne le ton. Ce sera doux. Les percussions s’enchaînent pour que le tout forme un slow langoureux, comme notre scooter slalomant doucement entre les voitures et portant nos deux corps, dont le mien un peu trop avachi sur le sien.
Plus vite, plus fort; Boulevard Saint Germain, 3h du matin, la linéarité de la course, les lumières de la ville. Boulevard Raspail, toujours la même rengaine dans la tête. La musique s’amplifie de plus en plus, comme si le morceau avait été écrit pour cet instant. L’histoire de deux gamins sur un scooter se baladant dans une ville abandonnée à leur traversée. Vide, silencieuse, Paris n’est plus la même le soir, dans le quartier si animé des années 60. Chaque mouvement du scooter me fait penser à la basse, qui gronde de plus en plus sensiblement dans ma tête. Tout doucement nous descendons par les petites rues du quartier latin, jusqu’à arriver sur les quais de seine, longeant le Louvre. C’est comme si le morceau avait été écrit pour suivre l’instant, et ça m’obsède. Le bourdonnement du scooter s’incruste tellement bien aux percussions sourdes, ce bruit si sourd en moi et si distant, feutré par le casque que je porte. Je m’accroche un peu plus à lui, je le regarde dans le rétroviseur. Si langoureuse la musique, elle me berce dans mon ivresse.
Sur ce morceau a été inventée la mandoline New Wave. Je ne sais pas si vous vous rendez compte du kitch de l’exploit. Mais quelle claque monumentale: les accords, l’enchaînement. Journeys by vespa: une guitare jouant sur les particularité sonores d’une mandoline. Des percussions avec un rythme décalé. S’infuse dans la douceur des titres une pointe d’inquiétude inexplicable .
Je m’efforce pourtant d’y voir plus clair car j’ai envie de pointer du doigt ce qui m’a touché. L’album « Short Stories for Pauline » des Durutti Column, c’est comme si Polyrock, les Smiths, les Jesus and Mary Chains et Joy Division avaient décidés de se faire un plan à quatre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Neil Reilly, musicien qui se cache derrière les Durutti, a joué sur le premier album solo de Morrissey, ni si Bruce Mitchell, batteur ayant joué pour Reilly – également surnommé Mr Manchester- reçoit des éloges incroyables de Peter Hook, ex-Joy Division et New Order.
Sérieusement, cette batterie, ces percussions, cette absence de voix récurrente; de la mélodie pure. Pourquoi cet album n’est-il pas sorti, bordel de merde ! Trente ans qu’il moisi dans une réserve! Enregistré en 1983 pour ne paraître qu’en 2012, l’album devait à l’époque paraitre sur Factory Benelux. C’était sans compter sur le directeur qui se rétracta pour demander à Reilly de ne composer un album que dans le style de Duet, morceau des Short Stories, dont il était tombé éperdument fou d’écoute. Ainsi naitra l’album « Without Mercy » en 1984.
Redécouverts il y a un an, les titres offrent véritablement de petites histoires. Trois mots: mélancolie, lascivité, sensualité. S’il n’est pas rare de ressentir des émotions en écoutant de la musique, et de la mélancolie sur des morceaux foutrement tristes, ici cela ne dérange non seulement pas, mais en plus j’arrive à mettre des mots sur ce qui me vient à l’esprit en écoutant. C’est un exercice purement scolaire que de résumer à quelques mots ce que l’on pourrait dire en des centaines de phrases; ça l’est d’autant plus en musique, mais là je peut bien dire que ce sont les mots qui me viennent à l’esprit. Du mystère aussi, teinté d’une légère noirceur.
Un jeu sur les cordes, pas toujours intensément symphonique mais juste ce qu’il faut de complexité. C’est si simple une fois écouté, mais si bien orchestré dans l’enchaînement des accords. Cette lascivité des cordes. Du violon sur College, de la harpe sur A Room In Southport, mêlée à un arrière fond sonore de roulements militaires, un piano suave sur Invitations.
Je crois que c’est, en partie, à cela que l’on reconnaît quelqu’un qui a une formation instrumentale. Au mélange des genres, à l’étude que l’on fait à travers le travail des morceaux. Certes il n’y a pas besoin de cela, mais il y a un enrichissement, ou une recherche supplémentaire.
A mes yeux, cet album reflète les cours de piano qu’a reçu Reily, et ce même si la guitare est son terrain de jeu. Si doux, et en même temps avec ce je-ne-sais-quoi de rock’n’roll qui fait la beauté de la musique originaire de Manchester, la plupart du temps, sur la décennie 78-88. A silence par exemple est étrangement proche d’Atmosphere de Joy Division. Le nom tout comme le morceau. Présence basique de la batterie, les guitares, les sons additionnels. Semblable et pourtant pas copié. Comme si le morceaux s’était empreint de l’air mancunienne de l’époque.
L’air. Celle de Paris semblait tellement fade ce soir-là. Je sais ce qu’il me reste à faire : écouter encore une fois les histoires de Reilly; prendre un peu de temps ailleurs. Juste encore un peu.
3 commentaires
Bel article. Et j’adore ce disque
Tu as de bons goûts musicaux
Parfaitement en phase avec cet article. Petite question, savez-vous qui est cette fameuse Pauline? Je ne trouve pas l’information. Pauline Murray?
Merci!