Le premier album solo de Damon Albarn est paru le jour des quarante ans de Penelope Cruz qui est elle-même née le jour des vingt-neuf ans de la mort de Benito Mussolini… Etrange coïncidence, vous en conviendrez, surtout qu’« Everyday Robots » était tellement attendu que je pressentais avant même de l’écouter qu’il allait changer la face du monde.

J’ai mis vachement de temps à comprendre qui était Damon Albarn et je pense que lui aussi ne le savait pas vraiment, ni où il allait. Le grand public l’a connu en 1994 lorsque Blur a inondé les ondes et les culottes des filles avec l’album « Parklife » et son mémorable single Girls and Boys. Dans le clip, on voyait Albarn surjouant son côté branleur avec une veste de sport fermée jusqu’en haut, une boucle d’oreille en or et une coupe de douille faussement négligée. Il avait la classe. Les trois autres musiciens du groupe étaient des minets qu’on imaginait bien s’encanailler dix ans plus tôt dans des soirées rallyes de l’ouest londonien en dansant le rock versaillais sur Enola Gay.

L’affaire semblait entendue : ces quatre types étaient issus de la middle-class et pouvaient se payer le luxe de ne pas bosser et de jouer dans un groupe toute la journée, non sans un certain talent. Ils étaient en outre capables d’une subtilité musicale dont étaient dépourvus leurs concurrents d’Oasis, plus rock et bas-du-front. Tout les opposait à ces derniers, d’extraction plus modeste. La pop, la finesse et Chelsea d’un côté ; le rock, la balourdise et Manchester City de l’autre.

Pourtant, Damon Albarn aurait bien aimé avoir un peu plus de street credibility et s’emploie toujours à gommer ses origines plus de vingt ans après ses débuts. Ce n’est pas moi qui le dis mais James Blunt : « Albarn a une cuillère en argent coincée dans le derche. » Depuis, j’aime bien James Blunt et ses punchlines. Il faudrait que j’essaye d’écouter ses chansons, mais pas maintenant, j’ai un article à écrire.

L’efficace « Parklife » succédait à une autre réussite intitulée « Modern Life Is Rubbish ». Les deux albums étaient fortement influencés par les Kinks et David Bowie ce qui, vous en conviendrez, est foutrement original pour un groupe pop anglais. Toutes les chansons n’étaient pas géniales mais une fraîcheur bienvenue se dégageait de ces compositions à la structure classique. On était alors en 1995 et les notoriétés de Blur et d’Oasis culminaient à leur sommet, principalement parce que les frères Gallagher et les médias avaient artificiellement créé une rivalité entre les deux groupes. Noel Gallagher, l’intellectuel sourcilleux d’Oasis, avait même exprimé sa volonté de voir crever Albarn et le bassiste Alex James du SIDA. Les mecs de Blur eurent l’intelligence de ne pas en rajouter dans cet antagonisme débile. Passons.

blur-12_268114_bigDans le même temps, Oasis parvenait à inonder la planète de millions d’exemplaires de ses albums merdiques –gardons Columbia et Hey Now si la fin du monde était proche et qu’il nous fallait sauver deux titres – et prenait le large dans cette rivalité tandis que Blur peinait à faire évoluer sa musique anglocentrée : « The Great Escape », leur album suivant, utilisait les mêmes ficelles que les précédents sans toutefois en posséder le charme et la spontanéité. Blur tombait à l’occasion dans la facilité – Charmless Man, merci bien, et le groupe s’effaçait dans les médias au profit de leurs concurrents mancuniens.

Le simple fait de penser qu’Oasis ait pu devenir le plus grand groupe de rock au monde l’espace de quelques années me troue le cul rétrospectivement. J’espère sincèrement que leurs fans ont eu des raisons valables de les idolâtrer à ce point. A part le souvenir de la première main dans la culotte sur Wonderwall, je n’en comprends pas les raisons. Ce succès était sidérant et j’aurais probablement moins d’aigreur à leur endroit si leurs disques étaient restés plus confidentiels. Même les albums de Suede étaient meilleurs que ceux d’Oasis, c’est dire. Et le simple fait de penser à cet âne de Liam Gallagher les genoux fléchis et la tête inclinée pour arriver à la hauteur de son micro trop bas sur scène me fout dans une rage folle. Des groupes comme Supergrass ou The La’s auraient amplement mérité de jouir d’un dixième de la notoriété d’Oasis.

La baudruche s’est dégonflée d’elle-même quand l’album « Be Here Now » est sorti en 1997. Un juste retour des choses. Pour le coup, les frères Gallagher se sont vraiment pris pour des artistes. Quand on vous dit que vous êtes génial, il ne faut surtout pas y croire, c’est le plus sûr moyen de se prendre les pieds dans le tapis la fois d’après. Les Gallagher et leurs sbires pensaient pouvoir prendre plein de coke et enregistrer l’équivalent de « Rumours » ou « Station to Station », alors qu’il en est sorti un disque pompeux et vain qui, dans un monde plus juste, aurait valu à ses auteurs de finir leurs jours au fond d’une mine à Norilsk. L’Histoire a jugé : Oasis n’avait ni le talent de Fleetwood Mac, ni celui de David Bowie. Souvenons-nous qu’aucun canard n’a osé sur le coup émettre la moindre critique sur ce tas de merde à sa sortie, car une dévotion irrationnelle entourait ce groupe et les critiques avaient peur de se planter en émettant la moindre réserve quant à ses qualités musicales. Une vaste blague au moment où des Britanniques réellement doués publiaient des albums de musiques électroniques indispensables à intervalles réguliers : Aphex Twin, Future Sound Of London, Global Communication, Boards of Canada, LFO, Orbital, notamment. Ce sont ces artistes qui ont fait les années 90 au travers de leurs expérimentations et certainement pas le rock empâté d’Oasis, ni de la britpop en général. Le retour à la pop anglaise des 60s était sympathique mais certainement pas novatrice. Mais je m’égare.

A l’époque, personne n’aurait misé un kopeck sur Blur. Je commençais à me lasser du groupe et étais persuadé que l’Histoire rendrait justice à Pulp dont les chansons lettrées et sophistiquées surpassaient à mon sens toutes celles de la concurrence. Peau de zob. Le groupe de Jarvis Cocker est vénéré par les plus de trente-cinq ans et tend depuis à sombrer dans l’oubli. Cela me déprime car ils sont parvenus à créer une œuvre originale et attachante, en dépit de l’influence écrasant exercée par Roxy Music et l’incontournable Bowie. Pulp est à la pop ce qu’Yves Chaland était à la bande dessinée : un truc d’esthètes snobinards et fiers de l’être. « This is Hardcore », leur pénultième album paru en 1998, est une merveille et certains morceaux comme Something Changed ou David’s Last Summer comptent parmi les meilleures chansons de la pop anglaise. J’ai dit.

Curieuse trajectoire que celle de Blur qui a opéré un premier changement de cap peu après, probablement parce que l’idée de rester associés à ce mouvement britpop alors en perte de vitesse foutait les jetons à ses membres, et les musiciens ont pris la tangente lors de l’enregistrement de l’album « Blur » en 1997. Partiellement réussi, et donc partiellement raté, Albarn et ses copains proposent des compositions plus alambiquées, influencées par l’indie rock US de l’époque, Pavement en tête. On s’emmerde un peu même si on appréciera la démarche consistant à se détourner des formules gagnantes du passé. Avant cela, l’écriture particulière des chansons de Blur les rendaient facilement identifiables : le groupe s’en écartait et proposait des titres plus expérimentaux ou énervés. Certes, l’album était beaucoup trop long – un travers dont Blur a toujours été coutumier – oubliant qu’un disque de rock doit compter au plus douze chansons et ne pas excéder quarante minutes (l’apparition des CD a permis l’allongement de la durée des albums et contribué logiquement à en amoindrir la qualité, mais ce n’est la le sujet qui nous occupe).

La réussite des deux albums suivants de Blur – qui sont à cette date les deux derniers – indique que le changement de direction opéré par le groupe a été la meilleure des décisions, artistiquement parlant. En 1999, « 13 » creuse encore le sillon expérimental amorcé sur « Blur » et les chansons Coffee & TV, Trimm Trabb et Caramel comptent parmi les meilleures du groupe. Le dernier album de Blur est commercialisé quatre ans plus tard et c’est leur chef-d’œuvre. Il est difficile de décrire la musique de « Think Tank » car elle ne ressemble en rien à ce qu’a fait Blur auparavant et les influences du groupe à ce moment-là ne sont pas évidentes à établir. La conception en est douloureuse : le guitariste torturé Graham Coxon – vieux pote d’enfance d’Albarn – se fait virer du groupe en raison de son alcoolisme et la musique est plus dépouillée qu’à l’accoutumée. L’enregistrement de certaines pistes au Maroc facilite les incursions vers la world music. L’album est une réussite incontestable que l’on considère comme étant le premier album solo d’Albarn, et la seule faute de goût est probablement d’avoir confié la pochette à Banksy, le graffeur surcoté et complaisant. L’artiste Julian Opie avait fait du bien meilleur boulot en réalisant celle de la super compilation « Blur: The Best Of » que vous devez vous procurer si vous ne l’avez pas déjà ! Rares sont les groupes qui parviennent à faire de meilleurs disques le temps passant. D’ordinaire, la créativité et la spontanéité s’émoussent au fil des albums. Talk Talk, les Beatles, Bowie, Miles Davis et les Flaming Lips y sont parvenus en se réinventant et en explorant de nouvelles voies. Blur aussi, ce qui n’était pas gagné tant leur identité sonore et leur écriture étaient marquées lors de leur période britpop.

Le groupe était passé pas loin de la catastrophe, ses membres n’ayant pas donné leur part aux chiens question défonce. On a appris rétrospectivement qu’Albarn avait carburé à l’héroïne pendant pas mal d’années. Scandale ces jours derniers quand il enfonce le clou en vantant les mérites des opiacés dans une interview parue dans Q, capables selon lui de stimuler sa créativité. Alex James a quant à lui déclaré avoir claqué près d’un million de livres sterling en coke et champagne pendant sa carrière. Il se dit qu’il baisait des groupies à couilles rabattues, totalement drogué. Ceci étant, il aurait eu tort de se priver, toutes les meufs hétéro que je connais ont envie de baiser Damon Albarn ou Alex James voire les deux en même temps. Le bassiste a depuis acheté une ferme et s’est lancé dans la production de fromages. De bite. On pourrait croire que le débonnaire batteur Dave Rowntree, membre le plus âgé du groupe, était resté en dehors de ces excès. Que dalle ! Il sniffait lui aussi comme un tapir… Rowntree a lui aussi calmé le jeu et trouvé des occupations plus tranquilles : le développement informatique, l’activisme politique et le droit, puisqu’il a passé les diplômes d’avocat lors de la mise en sommeil du groupe en 2006. Heureux homme.

Rendons grâce à ces mecs qui ont réussi à enregistrer autant de bons disques en prenant des substances aussi diverses, et en quantité. On devrait leur décerner une médaille pour ça. Quand tant de groupes ont produit des trucs merdiques ou se sont séparés à cause des toxiques, Blur a continué sa progression. Le groupe s’est reformé pour une tournée triomphale en 2009 et leur concert du 5 juillet 2009 dans le cadre des Nuits de Fourvière était mémorable, je garde des souvenirs vivaces de cette soirée exceptionnelle et enfumée. L’avenir de Blur s’inscrit en pointillés aujourd’hui même s’ils ne sont pas officiellement séparés.

blurContrairement à Robert Smith qui n’a jamais osé se lancer en solo alors qu’il faisait la pluie et le beau temps au sein de The Cure, Albarn monte le projet Gorillaz dès 2001, avec Jamie Hewlett pour l’habillage graphique de ce groupe composé de quatre membres virtuels inspiré par les mangas. Comme s’il n’osait pas encore franchir le pas et cherchait des filtres et des masques pour vendre sa musique plutôt qu’en son nom propre. Les disques de Gorillaz sont un syncrétisme heureux d’électro, de hip hop et de pop super bien gaulé. Si les années 2000 n’ont pas engendré de mouvement musical novateur et excitant, ce genre d’albums a mis un peu de sel au milieu de toutes les daubes d’Arcade Fire, Tool ou Wilco qu’on nous a vendues comme étant des merveilles.

Rétrospectivement, ce sont des albums plus accessibles et plus pop qui m’ont le plus marqué : « FutureSex/LoveSounds » de Justin Timberlake, « The Love Below » d’Andre 3000 et le formidable « Demon Days » de Gorillaz donc, écrit par Albarn et produit par Danger Mouse. Je n’ai pas vraiment d’argument pour étayer ce que je dis, c’est simplement ce que je ressens. On pourra toujours objecter que Wilco est un super groupe mais je répondrais alors que c’est mon article et que j’écris ce que je veux. Avec « Demon Days », Albarn a montré qu’il faisait partie de ces grands songwriters, avec un univers et une vision qui lui sont propres. Un artiste, en somme. On sentait que le disque avait été conçu lors de l’un de ces moments de grâce, où tout réussit à son auteur. Pas de temps morts et un paquet de chansons mémorables. Ces moments de grâce ne durent généralement qu’un temps. Les autres disques de Gorillaz n’ont pas exercé le même attrait, « Demon Days » était simplement le bon album au bon moment en 2005. Remarquable.

D’autres collaborations occupent son temps, notamment des disques de musiques africaines que je n’ai pas écoutés. La posture néocoloniale visant à débarquer chez des indigènes pour leur piquer leurs idées m’a toujours semblé limite, sous couvert d’ouverture aux autres cultures. Mentionnons également le supergroupe The Good, The Bad and The Queen qui, outre Albarn, réunit un membre de The Verve, Paul Simonon des Clash et Tony Allen qui était le batteur de Fela. L’album qui en résulte fera grand bruit à sa sortie mais est somme toute assez quelconque. C’est un disque de l’entre-deux, ni bon, ni mauvais.

J’avais un peu de temps de cerveau disponible à l’époque et j’ai commencé à élaborer ma théorie selon laquelle Damon Albarn était le nouveau Brian Eno. Après avoir quitté Roxy Music et avant de sucrer les fraises et de produire des groupes terrifiants comme U2 et Coldplay, Eno était devenu l’une des personnalités les plus influentes et passionnantes de ces quarante dernières années. Soit par le biais de ses albums solos, soit en produisant d’autres artistes. La world music l’avait inspiré et il en avait intégré certains éléments dans ses productions. Enfin, ses activités de touche-à-tout autodidacte l’avaient poussé à multiplier les collaborations fructueuses avec d’autres artistes tels Bowie, les Talking Heads ou Conny Plank pour des résultats remarquables. Cela ne vous rappelle personne ?

Pour les sceptiques, ajoutons qu’Eno était friand d’anagrammes puisque la cinquième piste de l’album « Before and After Science » s’intitulait King’s Lead Hat, soit une permutation des lettres composant le nom Talking Heads. Dix-sept ans plus tard, Albarn s’amusait avec les lettres de son nom pour titrer la chanson Dan Abnormal sur « The Great Escape ». Monkey : Journey to the West, l’opéra pop adapté d’une légende chinoise et adapté par Albarn et Hewlett sonnait comme une réponse à « Taking Tiger Mountain (by Strategy) », le super deuxième album solo de Brian Eno inspiré d’un opéra communiste chinois… On retrouve plein d’allusions à l’œuvre d’Eno dans celle d’Albarn et je suis infoutu de vous dire si ce dernier en est conscient ou non. La remarquable chanson O Green World de Gorillaz fait écho au titre de l’album « Another Green World » d’Eno toujours, et paraît échappé des sessions de l’époque. Les ressemblances sont multiples et j’étais convaincu qu’Albarn allait suivre les traces de Brian Eno et devenir le Grand Manitou de la pop du XXIème siècle.

Si la moitié des musiciens rock de ces quarante dernières années aurait vendu sa mère pour se réincarner en Keith Richards – Chrissie Hynde, Johnny Thunders et Joe Perry en tête – l’autre moitié aurait prostitué ses grands-parents pour avoir le cerveau et le talent de « One Brain », l’anagramme de Brian Eno cette fois. Kevin Barnes n’a fait que s’inspirer de la chanson The Paw Paw Negro Blowtorch pour composer pas moins d’une dizaine d’albums sous le nom d’Of Montreal. Damon Albarn fait visiblement partie de la seconde famille d’artistes.

Voilà ce qu’il faut retenir de cette brillante démonstration exposée dans les paragraphes précédents : Albarn était la réincarnation d’Eno avec plus de cheveux sur le caillou, et il allait mettre tout le monde d’accord en contribuant à la création de chefs-d’œuvre musicaux.

Eh bien figurez-vous que cette théorie que j’avais mis un temps monstrueux à peaufiner a volé en éclats il y a deux semaines lorsque j’ai écouté « Everyday Robots », le premier album solo de Damon Albarn. Inutile de vous dire que j’attendais ce disque avec impatience. Résultat : je suis bien embêté car je n’ai pas grand-chose à vous en dire.
Il ne s’est pas passé grand-chose pendant l’écoute de ce disque. Je pourrais l’entendre cinq cent fois d’affilée que je ne serais pas plus inspiré. On lira probablement ici ou là que c’est « l’album de la maturité », une manière polie de dire qu’on se fait chier à cents sous de l’heure. Aucune mélodie ou refrain n’accroche vraiment l’oreille, la musique déroule, le temps dure longtemps.

J’ai l’impression que « Everyday Robots » dure une vingtaine d’heures, il m’a été impossible de l’écouter deux fois dans la même journée. Il rejoint ainsi la cohorte des albums chiantissimes qui me donne envie de me jeter d’une falaise au bout de trente secondes, tels « Spiderland » de Slint ou « Blonde on Blonde » de Bob Dylan. Le fait que « Blonde on Blonde » soit un double album le rend d’ailleurs deux fois plus soporifique que « Highway 61 Revisited ». La seule bonne chanson de l’album est celle qui le clôt, Heavy Seas of Love et figurez-vous que c’est Eno qui assure les chœurs. Le monde est petit. Dans le cadre de la promotion de « Everyday Robots », Albarn a raconté qu’il avait fait la connaissance d’Eno voici douze ans dans… une salle de sport londonienne. Ite missa est.

Bien sûr, je ne m’attendais pas à ce que les deux bonshommes sympathisent dans un squat de junkies de l’est londonien mais une rencontre dans un studio d’enregistrement ou une galerie d’art contemporain aurait eu tellement plus de gueule. Pour la postérité. A la place d’Albarn, j’aurais relaté cette anecdote consternante sans en préciser le lieu. Et je trouve cette sincérité absolument révélatrice de l’état d’esprit du musicien. Ce dernier n’ a guère pris de risque : probablement d’humeur maussade, comme le laissent préjuger les thèmes abordés et l’atmosphère de l’album, Damon Albarn a probablement pensé que l’exhibition de sa dépression garantirait l’adhésion de son auditoire et susciterait son empathie. Cela ne fonctionne pas : ses chansons sont inoffensives et peinent à toucher leur cible. Albarn est angoissé par le temps qui passe, en a fait un album et va se dépenser ensuite en courant sur un tapis roulant, perdant ainsi quelques calories. La belle affaire. Ne lui jetons pas la pierre : je crois simplement que le musicien n’était pas dans les meilleures dispositions pour sortir un bon disque, il s’est embourgeoisé et le confort n’est pas le meilleur aiguillon pour raviver une créativité en berne.

Que s’est-il passé pour qu’il publie un disque aussi terne et indigne de son talent ? Le robot du quotidien, c’est Albarn qui a composé des chansons sans âme ni passion. Son discernement a été altéré, probablement par un excès ou une absence de narcotiques. Il y a eu manifestement un problème de dosage. Albarn doit se bouger le cul et à prendre des décisions radicales s’il espère un jour publier un nouveau bon disque. Ou appeler ses copains de Blur et leur donner rendez-vous au studio.

Damon Albarn // Everyday Robots // Parlophone (Warner Bros)
http://www.damonalbarnmusic.com/

Damon-Albarn-Everyday-Robots-Album-Packshot

19 commentaires

  1. Je n’ai pas écouté l’album, mais si ratage il y a, il est annoncé par cette horrible pochette : ce type tête basse sur son tabouret (avec des marqueurs aux pieds ?!) , son sourire de presque pendu, sa parka trop grande, son fatal trop serré, ses chaussettes burlington … Un pur avis de défaite !

    1. C’est vrai que la pochette est bien naze. En terme d’image, ça fait un peu « je me mets à nu devant toi, public, avec mes tourments. » Par qui est-il conseillé ?

  2. Bonjour Romain…..Exactement le même ressenti avec cet album, après un 1er titre assez sympa, cet album tourne et je fini par l’oublier, rien de vraiment accrocheur, pas de mélodie qui reste en tête…. Je préfère retourner sur mon trip du moment avec l’excellent album de « Timber Timbre »…..

  3. Merci Didier pour ton commentaire ! Bon, je note les références de Timber Timbre et j’espère qu’on aura l’occasion d’en parler lors d’un déjeuner à Marseille ou Paris. Professionnel bien sûr.

  4. Très bonne chronique et bonne vision de la carrière de Damon. Il était une forte personnalité dans les années 90, aujourd’hui c’est juste un mec de 40 ans qui s’emmerde. Ca vous rappelle des gens?
    N’écoute pas Timber Timbre si tu as trouvé chiant Blonde on Blonde, c’est de la folk music aussi. Reste en à Brian Eno, qui a fait du son pour danser toute sa vie, c’est bien connu.

    1. Merci pour ta remarque, c’est gentil. J’aime bien la folk music, hein ?! Enfin plus Joni Mitchell que Devendra Banane…

  5. C’est cool de pouvoir lire ici un vrai long papier sur Albarn. Oui, Blur a enquillé chef-d’oeuvre sur chef-d’oeuvre (ou pas loin) en s’en foutant plein le pif, ce qui est en soi une performance admirable que ces crétins d’Oasis n’ont jamais pu égaler. Non, Gorillaz est un projet totalement surestimé, c’est juste un peu de musique et beaucoup d’image, un truc de transition. La deuxième vie d’Albarn a commencé peu après, quand il s’est ouvert aux musiques africaines (même mouvement que celui qui l’avait vu fuir l’anglo-centrisme des débuts pour accepter l’idée d’une scène indie américaine alors en pleine effervescence). J’aurais aimé en lire davantage sur ce geste d’ouverture vers le monde : Albarn va ici beaucoup plus loin qu’Eno, puisqu’il utilise sa notoriété pour faire jouer, tourner et vivre des artistes dont tout le monde se tape en Occident. Son projet « Africa Express » en est le meilleur exemple. Produire de bons disques n’est aujourd’hui plus sa priorité : sa priorité, c’est de profiter de la vie, des gens, de sa fille, du temps qu’il lui reste à parcourir le monde. Alors son disque en solo, franchement, who cares ?
    Ce mec est un héros.

    1. Mon cher Madonna, je te réponds un peu tard.
      Le premier album de Gorillaz a glissé sur moi, je n’en garde aucun souvenir. Je trouvais ce projet vain et superficiel, et j’ai révisé mon jugement en écoutant « Demon Days » dont je pense beaucoup de bien (tu l’as lu dans l’article). Je note ta recommandation sur « Africa Express », je t’avoue que j’ai du mal avec tous ces mecs qui vont en Afrique chercher des idées et montrer oh combien ils sont ouverts sur le monde… Merci !

  6. Moi je suis pas d’accord. Ok, l’album est terne et plat. Mais il reste un gros release de l’année, et il reste aussi musical que toute autre musique. Je ne saurais pas juger tout ça du haut de mes 15 ans, mais je peut te dire que si cet album est là, c’est qu’il peut être aimé, tout comme on aime les vieux Coldplay qui foutent les larmes à se pendre (je parle de XY, Parachutes et A Rush of Blood to the Head). Je pense aussi que c’est une bonne chose qu’Albarn sorte de son ordinaire. Il ne fait pas un release solo pour faire du Blur ou du Gorillaz, mais pour faire que qui lui plait et ça me plait aussi. Sinon très bonne critique, c’est cool d’avoir un truc bien rédigé, long et bien subjectif.

  7. « et il reste aussi musical que toute autre musique » : je ne sais pas à quoi tu tournes mon bon swagito, mais c’est de la bonne came qui défonce bien les neurones. bien à toi.

Répondre à The Thin White Plouc Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages