Je me suis égaré dans de nombreux lieux de la capitale dernièrement, à la recherche guerrière d’un talent indiscipliné et caché. Une démarche il est vrai bien utopique car malgré ma détermination acharnée, c’est bien seul que je rentre. Quelque peu résigné, plutôt très fatigué, je décide de revenir à la source même du critique. Insérer un putain d’album. Ecouter et juger. Une sensation étrange de réalité. Et surtout de liberté. Car subir me révolte. La toute puissance du bouton stop.
Il m’a fallu un temps précieux et compté pour découvrir Crystal Stilts. Je vérifie, heures après heures, comme un foutu paranoïaque devant sa pizza ramollie au micro-onde, le site officiel de la Route du Rock 2009. L’attente me prend à la gorge. La programmation du meilleur festival français se fait attendre. Dans mon angoisse adolescente, je balance la violence rose bonbon des Vivian Girls sur mon ordinateur. Toujours ce même plaisir égoïste, la tête en bascule et le regard douteux sur les formes d’une voisine de palier. C’est ainsi qu’apparait pour la première fois le groupe Crystal Stilts à mes yeux. J’apprends que Frankie Rose, la petite brunette aux bras musclés des Vivian Girls joue également avec les Crystals. Certainement une connerie incestueuse entre new-yorkais, que nous, pauvres cons d’européens, ne pouvons comprendre. Pendant ce temps, ma pizza continue de se ramollir. Ça y est, la programmation partielle est balancée. Un gros coup, My Bloody Valentine. Du bon gout, The Horrors. Et encore ce faux-semblant de Crystal Castles qui rôde en queue de peloton. Il est temps de partir écouter.
De l’or noir
Symbole d’une culture qui refuse d’abdiquer, Crystal Stilts explose de justesse et de génie. Partant de leur seul album Alight of the Night, je découvre ébahi la toute puissance d’un psychédélisme flouté par un garage hargneux, pétri dans son écrin d’argent minimal et brumeux. Une sorte d’amalgame grandiose bousillant le consensus new-yorkais et redonnant vigueur à un Rock lâchement délaissé au profit d’une post-pop bien trop mièvre. Un synopsis sans cadre, des Warlocks au Brian Jonestown Massacre. On navigue de pub en pub, la bière qui coule, le regard qui tombe et l’air fier de soutenir un groupe encore sincère. De son humble utilisation, le clavier délivre des morceaux parfois aigris dans leur labeur noir charbon (Bright Night, The SinKing) et purge l’or, tout aussi noir, au fond du caniveau (Prismatic Room, Crystal Stilts). La beauté, elle, peut s’écouter et s’apprécier. Elle laisse entrevoir la profondeur vocale de Brad Hargett et sa simplicité touchante (The City in the Sea). Sublime.
Car mon fils, tu ne pécheras plus.
Crystal Stilts ouvre ses longs bras maigres pour accueillir le déchu parmi les déçus, moi et ma pauvre carcasse, les pieds qui saignent dans des Repettos troués, abusé par une moralisation moderne du dégout et une acceptation dépressive du répugnant. Pas de jugement non. Juste le regard annonciateur de déluge. Crystal Stilts, apôtre des temps modernes, gourou maudit, guide abusé, tête baissé, je te suis, les yeux fermés. Car tu es la voix qui a su s’élever et appuyer sur ce maudit bouton stop. Et me montrer enfin, le chemin à ne pas emprunter.