Le premier livre des éditions Audimat est la traduction d’un pavé passionnant de Simon Reynolds qui s’intéresse au séisme qu’a constitué le glam rock ainsi qu’à ses multiples répliques sismiques, de Marc Bolan et Bowie à Marilyn Manson et Lady Gaga.
Comment est-ce possible d’écrire un pavé de 650 pages sur un sujet aussi futile (du moins en apparence) que le glam rock ? Si Simon Reynolds s’intéresse à ce genre aussi éphémère que manifestement mineur, c’est parce que ses répercussions s’observent bien au-delà de sa courte période d’effervescence. Que reste-t-il du glam aujourd’hui ? Le souvenir de quelques icônes d’abord, Bowie en tête, Marc Bolan ou Alice Cooper dans une moindre mesure, de quelques groupes et de leur musique ensuite (Roxy Music, Sparks, Queen…). Mais aussi et surtout un ensemble d’attitudes, de postures, d’artifices, qui préfigurent en partie le punk et la new wave mais qu’on retrouve aussi au cœur d’une partie de la musique populaire actuelle. Si le glam constitue une révolution, ce n’est pas seulement parce que le genre rompt avec le sérieux et la grandiloquence du rock progressif. C’est parce qu’il inaugure une nouvelle ère de la pop qui consacre plus que jamais les egos et leur mise en scène.
Du glam rock à TikTok
Le glam amorce les mutations d’une industrie musicale de plus en plus préoccupée non seulement par la théâtralité et le glamour, mais aussi plus bassement par le storytelling et création de produits ultra-marketées. Le Choc du glam est aussi un livre sur la célébrité et le showbiz. En forçant le trait, on pourrait presque dire que le glam n’est ici qu’un prétexte pour parler de musique et de pop culture en général, voire de sujets de société, mais ce serait évidemment mensonger car Reynolds rend aussi un hommage sincère à quelques figures tutélaires du glam (la toute fin du livre consacrée à la mort de Bowie est un moment fort). Au fil des pages, on se plaît à penser que les maîtres du glam auraient été les rois de TikTok avec leurs egos boursoufflés et toutes leurs excentricités. Car c’est bien l’une des conséquences majeures de la tempête glam : plus que jamais l’artiste doit inventer sa légende pour se vendre, créer une sorte d’image de marque en exploitant les ressorts du scandale et de la mise en scène. D’ailleurs Bowie, qui était chanteur mais se rêvait acteur, était peut-être plus que toute autre chose un publicitaire de génie. Si le glam s’apparente à un épiphénomène, il a en réalité une influence décisive sur l’industrie musicale et une bonne partie de l’imagerie de la pop des années 70 à nos jours. Simon Reynolds cherche ainsi à réhabiliter le glam, à lui restituer sa véritable place dans l’histoire du rock. Le glam, ce n’est pas seulement une musique tape-à-l’œil pour ados en quête de frisson et de paillettes (même si les postures et la révolte soigneusement mise en scène ont tout pour plaire aux ados – je me revois à 16 ans avec mon t-shirt des New York Dolls). Il y a pour lui un retentissement sous-estimé du glam, un bouleversement profond dans la façon d’envisager le divertissement musical.
Ce qui fait tout l’intérêt de ce livre érudit et passionnant, c’est qu’il ne se contente pas, loin s’en faut, de parler du glam. Les digressions constituent le sel de l’ouvrage. C’est précisément parce que ce livre ne parle pas QUE du glam qu’il est passionnant. Si le glam n’est pas trop votre came, pas de panique donc ! Vous apprendrez mille choses sur des sujets aussi divers que le théâtre kabuki, le bouddhisme, la pantomime, le narcissisme, le dandysme, le male gaze, la critique platonicienne de la mimesis, l’occultisme d’Aleister Crowley, l’histoire des castrats et du falsetto…… Simon Reynolds parvient habilement à faire dialoguer le Rocky Horror Picture Show avec Frank Sinatra, Marc Bolan avec Tolkien et le dandy Beau Brummel, Bowie avec Susan Sontag, Julia Kristeva, RuPaul et Donal Trump… C’est un livre érudit dans le bon sens du terme, précis, exhaustif, documenté, dense. Mais carrément intello, autant le dire.
Les développements les plus intéressants sont sans surprise consacrés à David Bowie qui incarne plus que quiconque cette musique de poseurs voire de pubards. Bowie était selon Simon Reynolds « singulièrement à l’aise avec le déploiement stratégique du mensonge, le mécanisme de la hype, et l’idée de la pratique de se vendre soi-même » : on ne saurait mieux dire. Reynolds consacre pas moins de 4 chapitres à Bowie dans lesquels il n’y a absolument rien à jeter, et revient sur ses débuts timides dans l’industrie musicale, sur son séjour à Los Angeles marqué par la paranoïa et l’occultisme, sur sa fascination morbide pour le fascisme (déclarant en interview que la Grande-Bretagne aurait bien besoin d’une bonne dictature, envisageant un temps d’écrire une comédie musicale sur Goebbels !). En filigrane, on redécouvre le côté calculateur voire manipulateur de sa personnalité. Bowie a fait de son narcissisme un produit, des boursoufflures de son ego une vertu. Il est fascinant en ce sens de réaliser qu’il est à la fois l’influenceur et le produit à vendre.
Certains développements sur les stéréotypes de genre et les normes de la masculinité à l’aube des années 70 s’avèrent particulièrement intéressants et auraient très bien pu faire partie de l’Histoire de la virilité d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (le troisième tome traite justement de la « virilité en crise »). On sent par ailleurs l’apport subtil des gender studies dans cet ouvrage qui donne vraiment envie de lire l’autre livre de Reynolds, The Sex Revolts, dont la traduction française va sortir aux éditions de La Découverte très prochainement. Mais quelques réserves s’imposent car l’ambiguïté sexuelle exhibée par quelques-unes des grandes icônes glam, qui tranche avec le virilisme triomphant des stars des 60s, n’est hélas que trop souvent mise en scène ou contrefaite. Si le glam vient questionner les représentations de la masculinité dans le rock, célébrer l’androgynie, et recycler certains des codes homosexuels, il n’en reste pas moins vrai que l’histoire de ce genre, à quelques exceptions près comme Suzi Quattro auquel le journaliste consacre un développement, est dominée par les hommes, souvent hétéros ou plus ou moins bisexuels de surcroît. Dès lors, il peut être tentant de considérer le glam comme une appropriation culturelle de plus, Bowie symbolisant ce vampirisme. Le journaliste revient d’ailleurs longuement sur les rapports ambigus de Bowie avec la contre-culture gay, entre admiration et appropriation, et le compare aux comédiens black face qui imitent et volent la culture afro-américaine qu’ils admirent sur le mode du « je t’aime donc je te vole ».
L’autre question centrale de cet ouvrage est la mimemis et la part de vérité ou de mensonge dans l’art. Reynolds s’intéresse à cette vieille dichotomie entre musique underground ou commerciale. Le culte de l’artifice des artistes glam exhibant paillettes, maquillage et costumes contraste de fait avec l’authenticité revendiquée des tenants du rock psychédélique. Les rockers glams glorifient l’exubérance et le sens du spectacle, valorisent à outrance les apparences, multipliant les masques. Les ambitions d’acteur de Bowie rappellent à quel point il est un hypocrite au sens étymologique du terme : celui qui porte un masque. Et qui exerce sur son public une sorte de fascination ou de charme.
Ce livre intelligent et captivant est chaudement recommandé à tous ceux qui s’intéressent à la musique en tant que fait social, et ce même si le glam les rebute a priori.
12 commentaires
Je n’ai jamais bu les paroles de la presse anglaise , Simon Reynolds et consorts ne m’ont jamais fait bander et je ne leur accorde aucun crédit , pour moi c’est tous des Wankers ultra prétentieux qui au final connaissent que dalle à la musique , par contre ils sont passé maitres dans l’art d’inventé des termes et des scènes qui n’existent pas , en 1988 ils nous parlent d’oceanic rock puis soudain en 1994 de post-rock et en France les pigistes en plastique et les journaliste à la petite semaine de GONZAI ou Magic rpm et des inrocks et consorts prennent cela pour argent comptant.
On s’en fout.
j’aime me glamer sous les hospices du cancre
Ça devient un peu pénible ces procès permanents sur l’appropriation d’untel sur untel. Peut être que dans l’autre sens le glam a servi la cause gay va savoir.
Le glam c’est impitoyable, soit tu es »remarquable » parce que tu apportes quelque chose de nouveau, différent voire dérangeant et tu t’appelles Bowie, Roxy, Slade, Sparks, Adam & the Ants,Japan ou Queen soit tu te ridiculises et tu t’appelles Sweet, Gary Glitter, Suzy Quatro ou… tu quittes trop vite le courant comme Queen et Adam and the Ants et tu te ridiculise …dommage mais trop tard
J’aimerais bien savoir à quel moment de leur carrière vous trouvez que Queen se ridiculise…
Est-ce que Bashung plagiant Dire Straits sur ses premiers vinyles ne l’est pas plus ?
« Ballroom blitz » de Sweet çà a quand même de la gueule
Là, pour une fois, chu super d’accord avec Monocle. Ballroom Blitz ça s’appelle pas comme ça pour rien. Ça bombarde sa race monsieur, et c’est pas parce qu’ils ont des looks de Patrick Juvet allemands qu’ils sont ridicules. Trouvez moi un seul artiste qui n’a pas une coupe de gland et des synthés degeulasses entre 85 et 90.
BUY T disks chez 66TH floor, si trouvé ou c’est une remise sur ton achat.
revivalisme ou survivalisme, encore que ??? ce groupe HMLTD 2 45T connus ‘stained/is this what u want’ &
‘to the door/music!’ 2016/2017 apres voir les ‘encyclopedeurs’… bonsoir, je suis dans le noir.
chez philips phonogram en ‘8O ce groupe ! -stop!- « muzik trait d’union, a ce qu’il y parît c’etait pop rock & GLAM-!-