Le Point Ephémère, c'est comme point de chute. Un soleil couchant. Un vent glissant sous le pas d’une por

Le Point Ephémère, c’est comme point de chute. Un soleil couchant. Un vent glissant sous le pas d’une porte sombre, le sentiment sordide d’un appel à la fuite. Pas d’angle, pas de théorisation bancale sur un mouvement qui a fait les pages de nos médias chéris, mais le simple récit d’une prise de conscience. Le refus du bon sens. De la belle mélodie, de la voix sucrée et de la sonorité charmeuse. Le sentiment d’avancer sans se buter continuellement contre le révoltant. Et puis solennellement, annoncer qu’à l’heure actuelle, je sais qui je ne veux pas être : un rouquin folkeux.


J’arpente les allées du métro, tête baissée, le regard qui dévie inlassablement sur ma montre. Je suis en retard. Très en retard. La douce voix d’Alice Lewis, ses enfantillages de grande fille et son regard faussement décomplexé s’envolent sous les brouhahas du quai qui ne peuvent la retenir. Il est 21h, Alice sort de scène et m’adresse un léger sourire d’excuse. Mon air désolé semble la toucher. Oui, je suis pardonné. L’entrepôt glacial du Point FMR semble m’attendre, la porte entre-ouverte pour la suite de la soirée. A reculons, poussé par ma simple curiosité, j’atterris tatoué du poignet dans l’antre inexcusable des goûts inexcusables. Ils le sont tous, des inexcusables. Franchement, s’extasier devant ce chien errant, à la fois pitoyable et répugnant relève de la psychose. Les bras bringuebalants, le regard perdu, la démarche suicidaire et cette tignasse de renard empaillé. Appelez immédiatement la police du goût. L’effraction est lourde, tu vas le payer. Criminel !

Et soudain, le vide.

Mon seuil de tolérance explose. Mais il faut que je reste. Hâte de découvrir la voix d’un(e) shemale californienne. Ce n’est pas tous les jours. Connais pas ce type. Jamais écouté. Peut-être que mon analyse futile et superficielle se verra flinguer par son talent. Merde, son nom m’échappe. Ma voisine bobo me rencarde, voilà Brett Dennen. J’ai toujours combattu le « néo folk » dans son ensemble. Que ce soit l’attitude perverse de ceux qui la louent, ou la débilité profonde de ceux qui la chantent. Mais j’ai trouvé en ce lundi soir ma palme d’or à moi. Il réussit en l’espace de trois accords à compiler les défauts les plus répugnants de notre génération folk minimale et racoleuse. Une performance unique. J’en viendrais même à saluer la fougue et la joie de vivre des pandas de Cocoon. Pour  dire comme mon désarroi est lui aussi unique. J’ai rarement senti autant de dégout pour une performance. Mièvre par son timbre, soporifique par son acoustique, vomitif par sa nonchalance communicative. En plein cauchemar, le public trentenaire s’apparente à une horde de zombies, les yeux rivés sur le gourou, la cervelle cramée et la bave jaunâtre qui longe leur faciès liquéfié. Pas un bruit. Il suffit que ma voix s’élève quelque peu pour sentir l’agacement des mutants. Là, à me regarder me marrer. Comme si je venais de commettre la faute capitale.

« Attends mais en plus, ils connaissent les titres par cœur ! »

Etouffé, à bout de souffle, je décide de quitter l’FMR pour pomper copieusement la pollution nicotinique externe. M’offrir un brin de soulagement bien mérité. A peine dix minutes avalées qu’il faut déjà y retourner. Courage mon brave. Stupeur. Avachi sur sa guitare, le miracle espéré secrètement – une immolation naturelle et soudaine-  n’arriva pas. Et le pire, son titre commencé avant ma pause-survie ne cesse de se poursuivre. Encore et encore. Ou alors serait-ce moi qui ne saisis pas les nuances musicales de son génie ? Quoi qu’il en soit, le chiant n’a vraiment aucune limite. Il s’arrête. Les applaudissements sont nourris. Ce n’est pas fini. Et le voilà reparti, susurrant à peine deux mots que le public commence déjà à s’enflammer, saluant haut et fort sa nouvelle performance. Moi qui me persuadais que cette populace indigeste n’était là que par pur hasard, problèmes d’orientation ou sénilité avérée. Non, ils ont fait un choix. Payant de surcroit. Tout espoir est dorénavant éteint. Je lâche mon poteau-accoudoir et prends la porte.

D’une simple anecdote, délicat d’en tirer de grandes analyses. Mais l’histoire se répète, indéfiniment. La Flèche d’Or ferme? Pas grave car le lendemain, le Point Ephémère ose programmer cet usurpateur à carreaux. Ce genre musical si noble n’y arrive tout simplement plus, et tout disparaît progressivement dans un dégoût crève cœur. Et c’est sans cesse la même conclusion désespérée et vieillotte. Une conclusion à nom propre. Sufjan Stevens.

http://www.myspace.com/brettdennen




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