AU REVOIR SIMONE
Des femmes s’emmêlent (ou pas)
Révolté à l’idée de laisser tomber mes Simones dans un
Révolté à l’idée de laisser tomber mes Simones dans un non-sens rédactionnel horripilant, je décide en ce début de journée bien dégueu de contre-attaquer. Je vous offre une bien belle revanche mesdemoiselles, ce soir à l’Alhambra. Soyez à la hauteur ou je ne pourrai définitivement plus vous défendre. Et mon cœur pris en otage, je céderai à la moisissure de l’opinion gonzo. Sous une pluie battante, agrippé à mon parapluie, les chaussures qui gouttent, la gorge qui saigne et la pensée si pragmatique. « Qu’est ce que je fous là ? ». Barbès en milieu d’après-midi sous la pluie. Beurk. Allons bon, une bonne cause à l’attention de Gonzaï, ça ne se refuse pas voyons. DIY Boogie au Centre Barbara, une collection d’échoppes au but primaire : vendre un contenu soit trop cher, soit trop moche. Comme généralement dans ce genre de manifestations, les gens boivent pour oublier que la caisse restera vide en fin de journée. Et qu’une fois de plus, l’idée même d’échec sera sacrifiée au profit d’un optimisme vaseux qui entraînera ces mêmes échoppes, à la prochaine manifestation indépendante. Et Gonzai dans tout ça ? Un stand délaissé, vandalisé par la vieille d’à côté. Ses dessins s’entassent sur NOTRE table et elle tente, à l’instar d’une poissonnière toute fripée, de les refourguer. Le pire c’est qu’elle parle toute seule. Trop flippante cette meuf. Fallait qu’on tombe sur la dégénérée de service. Evidemment Gonzai n’a rien à vendre. Donc rien à présenter. Je me tire lâchement. Un responsable arrive. Arrache violemment notre écriteau. Honteux, notre concept du vide n’a pas été apprécié à sa juste valeur. Après avoir fait le con devant la « webcam2merde » d’un Théolier survolté, il est vraiment temps de se casser. Oh putain, je sens qu’on va se marrer les enfants, c’est Rock’n’Roll ce soir. Comme toute première, enthousiaste et un peu inquiet de découvrir cette salle attitrée Jazz, l’Alhambra. Il pleut toujours. Les lampadaires s’éveillent. M’arrête discuter avec des refoulés. « La personne n’est pas là machin, c’est la galère, on est sous la pluie, tu n’as pas une place nanana nanana ». Mais je me suis rapidement aperçu que la personne attendue par ces deux braves trentenaires (et qui ne viendra jamais) n’est autre que mon pourvoyeur attitré de ce soir. Préféré la presse aux potes, un choix. Deux, trois regards. Qu’est ce que c’est que ce merdier ? Un. Que des vieux. Deux. Que des couples. Trois. Que des vieux couples. Tous assis, se parlant de manière courtoise et sirotant leur Coca-Cola. What’s the fuck ! Oh putain, je sens qu’on va se marrer les enfants, c’est Rock’n’Roll ce soir. Deux groupes précèdent Au Revoir Simone, dans le cadre du festival « Les femmes s’en mêlent », Diving with Andy et un groupe de Toronto dont le nom m’échappe. J’ai préféré acheter une bière, fumer avec les hommes flyers du dehors et sacrifier mon petit coin de mur, moi, l’homme debout parmi les ignares assis. Donc oui, le nom m’échappe et on s’en branle. Par contre, je n’irai pas jusqu’à switcher Diving With Andy, groupuscule sans prétention, délicat et attachant. Un voile de voix, des arrangements pop rose bonbon. C’est frais, mignon et pas trop con. A leur décharge, refourgué dans l’anti-chambre Universal Classics, Diving With Andy manque cruellement de rythme. Putain, dans cette ambiance feutrée bobos amoureux, la nausée ou le sommeil, que choisir ? Vingt deux heures, la belle Erika dévoile enfin ses formes et arrange ses claviers. La tension est à son comble…Non en fait, on est proche de la bulle. Des mollassons par rangées, des rires forcés et des galoches intimistes. What’s the fuck Deux ! Suis-je seul ? Seul à être encore excité par un live ? Ou êtes-vous seulement des débiles, tombés là par hasard ? Comment se comporter en bon branleur dans une ambiance aussi trou de balle ? Faire chier le monde, un peu, pour rigoler. Je m’avance au premier rang. Je discerne quelques places vides. Mais jamais ne ferai cet affront à mes Simones. Pauser mon cul dans un fauteuil et quoi encore. Je m’accoude sur scène, mon regard vide, illuminé par la grâce des trois new-yorkaises. La réaction ne se fait pas attendre. On me gueule déjà dessus. « On voit rien. Assis devant. Décale-toi merde ». Allez, cette mauvaise blague à assez duré. Pas envie de gaspiller ma bière cette fois. Ils ne méritent même pas mon crachat. Je reste donc collé à la scène, tout à droite. Après un Point Ephémère remarquable, j’en veux encore. Toujours plus. Une froide beauté, l’amour suicidé? Au Revoir Simone est bien loin de pseudos considérations eighties. Elles ont dépassé cette caricature peu heureuse depuis la boucle finale de leur premier album (Verses of comfort, assurance & salvation). Elles sont devenues post et avant-gardistes. Puis, esseulées dans la simplicité, recroquevillées dans un populiste FM vrombissant, elles se sont perdues (The Bird of Music). Et Still Night, Still Light – qu’elles jouent intégralement sur scène – marque le retour de l’hiver en plein printemps. Accumule les sonorités, les assemble, les détruit. Instrumentalise notre désir de revanche et de haine. L’adoucit pour le rendre ironique. Un vent glacial de vierges suicidées. Leurs regards me rassurent. Leur musique me panique. Mais ma panique est heureuse, mon amour suicidé, mes frissons brûlants. Trois beautés prêtes à tuer pour retrouver la simplicité. Je suis ému. Touché. Egalement prêt à tuer. Pour qu’enfin Au Revoir Simone soit écouté. Debout. www.myspace.com/aurevoirsimone