Perdus dans leur grand roman rock’n’roll, ils étaient nés pour perdre. Après douze ans d’existence et quatre albums, les cinq chevaliers de l’Apocalypse semblent avoir raccroché les gants et frappé le dernier clou sur le cercueil avec une tournée, fin 2017, aux allures de solde de tout compte. Mais c’est alors que ressort des profondeurs un formidable documentaire pirate, « Drunk in the house of lords », qui permet de rembobiner l’histoire autodestructrice de ce groupe qu’on appelait Poni Hoax.

De l’alcool, des clopes, des musiciens qui se mettent sur la gueule backstage, une tournée anglaise qui vire au cauchemar, la grandeur et le déclin d’un groupe filmé en temps réel, avec tout ce que cela suppose d’instants uniques et de « je m’en fous que la caméra filme, je vais te dire ce que je pense vraiment espèce de connard »,; le documentaire Drunk in the house of lords, diffusé sur la page Youtube de Matthieu Culleron, journaliste musical pour France Inter, raconte tout cela, et un peu plus. C’est peut-être le plus grand documentaire contemporain sur l’histoire d’un groupe de rock en France, post-années Myspace.

On dit « documentaire », mais c’est un film. En 56 minutes, tout est dit sur l’impossibilité de réussir et chaque scène semble être un mode d’emploi pour l’entrée en asile avec tous les reclus du whow-shitness. Synopsis : une bande de cinq potes, tous érudits, mais tous un peu stupides une fois mis dans la même pièce, tentent de conquérir la France avec des morceaux anxios. Depuis 2006, ils inspirent le chaos. Leurs disques sont tous ultra produits, leurs lives ressemblent à une nappe de fond de bar dégueulasse avec des cendres et des traces de bouteilles de bière séchées comme du sperme sur la robe de Monica Lewinsky.
Dans ce docu, on découvre donc la vie la vraie, sans mensonges ni tricheries, des Poni Hoax. C’est sans filtres. Les bras cassés sont encore un peu jeunes et pas encore en état de guerre, mais pas loin, et en plein enregistrement de leur deuxième album « Images of Sigrid ». C’est l’heure de l’électro-rock, son agonie plutôt. Ces cinq là marchent dessus et font marche arrière pour retuer le mort. C’est tellement beau qu’on redécouvre le même « Images of Sigrid », dix ans plus tard, avec étonnement. Ker, dans le flot ininterrompu de ses déclarations dignes d’une réunion chez les AA, prophétise Tinder (Antibodies et le sexe à la chaine, sans visages), la boulimie des réseaux sociaux (Hypercommunication et la société nouvelle des hypertextes qui créent de l’inconnaissance) et la vie disco post 11 septembre 2001. Ce n’est pas encore l’époque des hésitations entre major (Sony) et labels indie (Tigersuhi). Ce doute artistique cristallisera plus tard la trajectoire exemplaire de ces tombés pour la France ayant à peu près tout foiré, jusqu’à leur récente sortie de route, pas clairement dite, avec une tournée d’adieu qui refuse vraiment de dire son nom.

Seppuku

On dit « foiré », en fait c’est l’inverse. Oui, à l’échelle industrielle, Poni Hoax restera comme une plantade. Mais si vous avez grandi intra-muros dans la seconde partie des années 2000, leur premier album éponyme (2006) ressemblait à une libération, un vortex indescriptible prenant sa source dans un Paris sale avec un chinetoque 75% bourré 110% vociférant des choses incompréhensibles qui devraient faire pour la jeunesse la même impression qu’un ado découvrant Bukowski en 1978. On n’y comprenait pas grand chose, mais c’était fait avec classe.
C’était la fin des années Paris Dernière, planait encore cette ambiance électrique sur la Capitale, un truc de paumés prêts à tout pour y arriver, quitte à faire des chansons. Les rois de la nuit, à ce niveau, et qu’on le veuille ou pas : c’était Poni Hoax. Un groupe pas poli, je-m’en-foutiste, insultant son public parce qu’il n’en a rien à foutre, s’insultant lui-même sans retenue et se marrant dans son propre vomi non sans avoir cité Chet Baker, Yves Adrien, Ian Astbury ou Carlos. « Poni Hoax ça vendra jamais de T-Shirts, c’est un truc underground, c’est pas un marché » dit un fan sceptique dans ledit docu. C’est non seulement complètement vrai, c’est dit de façon martial, mais ça ne suffit pas : Poni Hoax, depuis le départ, était programmé pour rater sa cible immédiate (le grand public, le succès international). Pour la postérité par contre, faut voir.

Cherchez les garçons

Alors oui, patience. Le documentaire arrive. Pour les plus impatients, il est disponible en fin d’article. Si l’on parle de Taxi Girl, c’est parce l’histoire du rock français est trop faite de gentils garçons pour que le groupe de Darc et Mirwais, en comparaison, ne soit pas placé direct sur le podium des outlaws. Renégats drogués, anti-système avant que l’expression ne devienne un écusson marketing, ils planteront 30 ans avant Poni Hoax leur carrière en beauté à cause de la dope, de l’alcool et de ces dissensions internes qui donnent toujours naissance à des divorces, des projets parallèles, des retrouvailles ratées et parfois même, des décès prématurés. Hey, personne n’a jamais dit qu’on accouchait des grands destins dans des suites 4 étoiles, ni qu’on pouvait construire des mythes autrement que des incompréhensions. Pour Taxi Girl, ce sera Cherchez le garçon, pour Poni Hoax, She’s on the radio. Dans les deux cas, des accidents qui donneront aux groupes assez de confiance pour tout cramer d’un coup. C’est l’essence (sic) de All Things Burn, l’un des plus grands morceaux jamais écrits par Poni Hoax. Ces gens-là n’étaient pas là pour faire semblant, chaque scène du documentaire en atteste : Vincent Taeger (le génial batteur sorti d’un film d’Audiard), Laurent Bardainne (le clavier-compositeur tourmenté) et Nicolas Ker (l’hyperactif sans pédale de frein) aimaient la destruction. Ce sera leur perte de sortie.

Ker voulait être l’équivalent du chanteur de Joy Division, il sera Yann Cœur-Triste.

Il faut avoir déjà vu ce même Nicolas Ker s’arracher le larynx de concert en concert, avoir assister à l’évolution du personnage, son délabrement physique intensif, pour comprendre que l’histoire du chanteur se lit comme un roman photo où chaque page tournée est un pas de plus, assumé, vers la décrépitude. Ce n’est pas un film, c’est le Jim Carrey de The Truman Show tentant de s’évader du cirque. Chaque destinée étant liée à celle des autres, ce sera la garantie d’un suicide commercial pour le groupe. Ker voulait être l’équivalent du chanteur de Joy Division, il sera Yann Cœur-Triste, une version sublimement ratée, à la fois fasciné par l’esthétique cyber-punk de William Gibson, les poèmes de Jim Morrison et les bombes larguées sur le Cambodge de son enfance. A partir de là, la grande roue commence à tourner et Poni Hoax, aussi vite qu’il est monté en haut, se retrouve éjecté. On continue de regarder en l’air, mais plus personne. Quand la roue s’arrête, les membres ont disparu. Erratum : ils ont sorti deux albums dans les années 2010 (« State of War » et « Tropical Suite »), mais la fête est déjà finie. Le groupe, lui, continue de s’engueuler. Puis de lutter contre ses démons pour devenir les Depeche Mode de la ligne 2 du métro.

La dernière séance

Le dernier album de Poni Hoax, « Tropical Suite », est sorti en 2017. Je ne l’ai pas écouté. Pas osé ruiné l’image décadente que je m’étais du groupe, pas envie, peur d’être déçu ; les gens disent qu’il est « très bien, enfin mieux que « State of War ». C’est peut-être vrai, peut-être pas ; d’ailleurs c’est quoi qui est vrai dans l’histoire d’un groupe, exception faite des milliers de kilomètres dans des vans pourris à dormir les yeux ouverts tant la fatigue est grande et le succès loin, loin ? C’est d’ailleurs l’une des plus belles séquences ; le groupe esseulé, soudé comme un paquet de clopes, roule vers une nouvelle destination. Le grain dégueulasse de la vidéo hésite entre le jour et la nuit, on ne sait plus très bien où l’on est, idem pour le groupe ; Laurent Bardainne fixe le toit de la camionnette en attente d’une illumination, Ker recharge ses batteries les yeux mi-clos ; c’est la fin, le groupe le sait, comme des dizaines d’autres avant eux (Taxi Girl mais aussi Elli & Jacno, Alain Kan, Edwige avec ses Mathématiques Modernes et bientôt La Femme), ils ne crèveront pas le plafond du succès. Trop ambitieux, trop destroy, trop sur scène comme dans la vraie vie. Dans un commentaire Facebook, quelqu’un dit que « le docu sur Metallica, à côté c’est du Rohmer ». Peut-être que les événements proches de nous sont plus touchants, surement que la tuerie du Bataclan nous a tous plus ému qu’un énième attentat à Jérusalem parce c’était en bas de chez nous, mais oui, Drunk in the house of lords est un moment de grâce ultime porté par des acteurs tellement bons qu’ils n’arrivaient plus à enlever leurs costumes.

Ce n’est pas l’histoire du plus grand groupe de rock du monde, c’est l’histoire du groupe qui voulait devenir le plus grand du monde.

Depuis le départ, tout n’était donc que cette rumeur hurlée de salle en salle, de ville en ville, avec une somme conséquente de moments chaotiques backstage, tous plus grands que les chansons que ces musiciens auraient souhaité nous raconter. Aujourd’hui, restent ces images rares et précieuses de la vie d’un groupe sur la route en train d’exploser. C’est beau ou pathétique, selon votre degré de sensibilité. Ce n’est pas l’histoire du plus grand groupe de rock du monde, c’est l’histoire du groupe qui voulait devenir le plus grand du monde ; c’est l’histoire de tous les groupes, c’est l’histoire du rock et c’est qui séparera pour l’éternité les ravis de la pop qui réussissent des moutons noirs qui se viandent avec panache. Le documentaire se conclue par une version crépusculaire de Budapest, leur Mannequin à eux ; premier et dernier hit toxique du groupe ; une boucle bouclée aux airs de nœud coulant. Merci pour tout ça.

15 commentaires

  1. poni hoax c’est du sous sous Magazine ,howard devoto du sous sous David bowie ,Nicolas Ker est un sous sous Philippe katerine pour branchouille parisienne ,mais pourquoi c’est il acoquiné avec la petassse d’Arielle Dombasle ? »C’est peut-être le plus grand documentaire contemporain sur l’histoire d’un groupe de rock en France, post-années Myspace. ».Punaise mon cher Obergruppenführer klingons BESTER DE GONZAI il faut que tu arrête d’urgence le crack et la Méthamphétamine. PONI HOAX est cliché du rock a lui seul

  2. Tristement totalement d’accord, sur le groupe, sa musique, le doc, sauf sur un point qui me semble totalement incompréhensible au vu de la teneur de l’article, le fait de ne pas avoir écouté le dernier album. Et comme le signe qu’elle n’était peut être pas totalement assumée, la phrase tentant de le justifier a été vite griffonnée avec une faute d’orthographe et un mot manquant. Le dernier album est magnifique, apaisé, mature, réinventé. Je serais tenté de dire le meilleur bien qu’une telle classification ait peu de sens. Il devient le chant du Cygne d’un groupe unique, même si je ne peux me résoudre à croire que Poni Hoax nous a offert là son dernier cri… Finalement, je ne pourrais que trop vous recommander d’oublier vos peurs, de faire confiance à Nicolas Ker et sa bande, et de l’écouter, pour revenir ici nous dire tout ce qu’il vous inspire. Ps. un autre documentaire a été tourné lors de la création de Tropical Suite, et j’espère avoir un jour la chance de le voir…

  3. PONI HOAX C’est peut-être le plus grand documentaire contemporain sur l’histoire d’un groupe de rock en France, post-années Myspace.Punaise BESTER c’est la plus grosse diarrhée verbale que tu est jamais écrit.Pour la peine je te donne une promotion tu sera désormais Reichsführer-SS BESTER DE GONZAI lol

  4. C’est quand même hallucinant, dans les 3/4 des articles qu’on trouve sur le net il manque des mots…. Relisez-vous sérieux c’est la moindre des choses !

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