La question peut paraître étrange, mais si l’on écarte tous les plus de trente-cinq ans, des jeunes gens écoutent-ils encore régulièrement la musique de Jimi Hendrix ? A l’heure où Stan Cuesta consacre un ouvrage roboratif au sujet, comment appréhender Hendrix sans tomber dans une sorte de mysticisme du disque vinyle antique et dans un discours d’historien rébarbatif ?
Premier écueil sur lequel je vais éviter de m’échouer, c’est de vous expliquer comme j’ai découvert la musique de Jimi Hendrix. Cela remonte aux années 1990, internet et les plateformes de streaming n’existaient pas, il faut encore lire des magazines papier et des livres pour trouver des informations, et chiner chez les disquaires pour trouver la musique. Mais surtout, c’est une époque où Jimi Hendrix, bien qu’artiste du passé, est encore diffusé sur les radios comme étant un classique du rock au milieu de Deep Purple, AC/DC, Metallica ou U2.
En 2024, ce n’est plus le cas, hormis dans quelques émissions spécialisées de radio, et encore. Jimi Hendrix est désormais un glorieux vestige de l’histoire du rock, à qui on consacre des livres en papier et des documentaires sur Arte pour boomers. Les jeunes gens, eux, découvrent la musique sur les réseaux sociaux, et les plateformes de streaming, et sont en très grande majorité attirés par un son très éloigné du rock et du blues : le rap, l’électro-pop, et tout ce que l’on affecte du terme de musiques urbaines. Jul, Kendrick Lamar, Taylor Swift ou Dadju sont à des années-lumière des racines musicales du monde du rock qui a dominé le marché musical des années 1960 au tout début des années 2000.
Jimi Hendrix signé Stan Cuesta
Le journaliste et chroniqueur de Rock & Folk (entre autres) Stan Cuesta a publié en fin d’année 2023 un ouvrage sur la discographie de Jimi Hendrix aux Editions du Layeur. Le travail qu’il représente est colossal, et a même pris un an de plus que prévu tant l’écoute et le classement de tous ces disques a nécessité des heures et des heures de recherche.
Un ou deux petits oublis sont à signaler pour le maniaque que je suis, comme l’unique album de Billy Cox’s Nitro Function, passionnant disque post-Hendrix gargouillant de wah-wah psychédélique. Est-ce un choix éditorial d’avoir écarté Billy Cox ? Je ne m’avancerai pas. Mais cela est bien peu comparé à l’immense collection présentée, qui n’oublie en fait quasiment rien, pas même les premières sessions d’enregistrement publiées par Hendrix en tant que musicien d’accompagnement entre 1964 et 1966. Cuesta est conscient de sa soixantaine et d’avoir connu une époque bien différente. Il s’en amuse, et fait preuve de petites saillies humoristiques sur certains albums clairement putassiers. Il n’assomme pas non plus le lecteur de détails historiques pour se consacrer sur l’essentiel des disques : leur musique. Pourtant, à la fin de la lecture de ce bel ouvrage que l’on ne peut que saluer car sans doute le plus complet du genre en français, on ne peut que constater qu’une chose : il s’adresse évidemment aux fans de Jimi Hendrix, donc des gens d’un certain âge, voire d’un âge certain. On peut y faire le tri entre les innombrables albums posthumes plus ou moins inédits et les lives, y trouver ceux qui ont pu vous échapper. Mais clairement, ce travail méticuleux ne peut pas s’adresser en priorité à une majorité de gamins entre quinze et vingt-cinq ans. Ce n’en était pas le but non plus, mais le constat est là, du moins dans mon esprit.
Fort de ce dernier, du haut de ma quarantaine bien tassée, et écrivant pour un site et un magazine sans doute peu lus par cette même génération Z, refusant que cette dernière poursuive sa descente aux Enfers de la musique McDo de plus en plus pauvre, j’ai fait le pari fou de sélectionner quelques disques dont la qualité est absolument symbolique du talent de Jimi Hendrix. Et qui sait, le mythique gaucher pourrait encore apporter quelques bonnes idées à la musique d’aujourd’hui. Soyons fou.
La déflagration initiale
Je ne vais pas m’appesantir sur la vie de James Marshall Hendrix, alias Jimi Hendrix, né le 27 novembre 1942 à Seattle aux USA. Yazid Manou, le spécialiste français et même mondial de Jimi Hendrix, m’en tiendra peut-être rigueur, mais je vais couper à travers champs.
Comme nombre de musiciens de sa génération, il découvre la musique avec la radio, et apprend la guitare en autodidacte en tentant de reproduire à l’oreille ce qu’il entend sur les ondes ou sur disques. L’oreille est excellente, et malgré le fait qu’il soit gaucher jouant sur une guitare de droitier, il obtient rapidement des résultats assez stupéfiants. Afro-américain d’origine il n’intègre pas les groupes blancs proto-psychédéliques du milieu des années 1960 mais fait ses armes sur le circuit rhythm’n’blues. On le retrouve régulièrement derrière les Isley Brothers, mais aussi Little Richard, Curtis Knight et Lonnie Youngblood. Jouer de la guitare sur scène le rend vite indiscipliné, et il a tendance à s’enflammer et à s’imposer naturellement sur le devant de la scène au détriment des musiciens vedettes qu’il accompagne. Il se fait saquer à plusieurs reprises, avant d’être réembauché, car beaucoup trop talentueux pour être mis de côté. Il finit par former son propre groupe, Jimmy James And The Blue Flames, avec un certain Randy California à la seconde guitare, qui n’a que quinze ans en 1966. Ils jouent dans les clubs de New York jusqu’à ce que l’ancien bassiste des Animals, Chas Chandler, ne le repère sur les conseils d’une amie. Désireux de manager un nouvel artiste, il invite Jimi Hendrix à partir pour Londres. Ce dernier accepte avec le regret de devoir laisser le petit prodige Randy California derrière lui, trop jeune pour pouvoir avoir un permis de travail. Ce dernier ira former Spirit à Los Angeles.
La scène rock anglaise commence à être en ébullition entre la montée du blues-rock avec les Rolling Stones et les Yardbirds, et celle du psychédélisme avec Cream, Beatles, et Pink Floyd. Jimi Hendrix débarque avec toute sa naïveté et sa coolitude typiquement afro-américaine. Chas Chandler lui organise des auditions pour trouver une section rythmique : Mitch Mitchell prendra la batterie et Noel Redding la basse et les choeurs. Le groupe devient le Jimi Hendrix Experience et effectuera notamment ses premiers concerts en France en première partie de Johnny Hallyday à l’Olympia en octobre 1966. Cela alimentera une légende de découvreur à Hallyday, alors que la France est à l’époque en réalité le terrain de jeu favori des jeunes groupes britanniques devant se faire les dents avant de partir briller aux Etats-Unis (Who, Beatles, Rolling Stones, Kinks, Animals…).
Le Jimi Hendrix Experience est également programmé dans les clubs britanniques et commencent à réaliser ses première sessions studios en fin d’année 1966. Hendrix éblouit toute la scène anglaise, pourtant à l’avant-garde musicale rock, par son absence absolue d’inhibition sur scène qui contraste avec sa timidité et sa discrétion en coulisses. Le son de sa guitare est distordue, gavé de licks soul et blues, pétri de wah-wah et de fuzz. Son toucher est extra-terrestre, se moquant de tous les référentiels sonores antérieurs. Son attitude scénique l’est plus encore, en particulier pour un afro-américain de l’époque. Il joue avec ses dents, mime l’acte sexuel avec sa guitare, joue fort, et semble possédé par un démon intérieur qui traumatise les étudiants de HEC au début de l’année 1967.
le premier album de Jimi Hendrix Experience, « Are You Experienced », sort le 12 mai 1967, et est en soi une révolution sonore. Cependant, sa sonorité en 2024 souffre des limites de la captation de l’époque. Et malgré toute une série de merveilleux morceaux, il ne peut être justement apprécié aujourd’hui que par ceux qui sont conscients de son importance historique.
Si l’on veut avoir une écoute juste de la musique de Jimi Hendrix de ses débuts à la sonorité accessible, il faut se tourner vers le double album réunissant les prestations à la BBC par la Famille Hendrix. L’album s’appelle « BBC Sessions » et est sorti en 1998. Tout n’est pas indispensable. Ce qui l’est vraiment, c’est le premier disque. On y découvre le Jimi Hendrix Experience en pleine combustion interne avec un Foxey Lady incandescent en ouverture. Ce qui fait le coeur de cet album, ce sont les sessions du 13 février et du 6 octobre 1967. Le son de l’âme hendrixienne s’exprime par la reprise du Catfish Blues de Muddy Waters avec un son de guitare prodigieux, maîtrisé, et posé sur une section rythmique puissante et précise. Le son a merveilleusement bien vieilli, et l’on y découvre toute l’effervescence de la guitare de Jimi Hendrix, qui se contient alors à de courts solos déjà impressionnants. Stone Free est du même tonneau. Son décollage est contenu, retenu, pour mieux mettre en avant la fureur du son de la guitare qui monte. Les roulements de caisses de Mitch Mitchell sont d’un autre monde, à la fois frénétiques et inspirés du jazz. Dans ce contexte d’enregistrements radio qui sont des sessions studio en live, Hendrix chante de manière posée et décontractée, et on découvre un vocaliste exceptionnel, capable de nombreuses nuances rock et soul, entre rage et douceur. Le classique Hey Joe est dans une de ses plus belles configurations, Hound Dog est un vieux classique rock sur lequel le guitariste s’amuse avec ses musiciens et le public. Il fera de même avec l’émouvant blues Hear My Train A Comin’ qu’il jouera à quasiment tous ses concerts jusqu’en 1969 mais n’enregistrera jamais. Le chef d’oeuvre absolu réside dans l’instrumental Driving South. Toute la finesse du jeu de Jimi Hendrix s’y exprime, avec les milles nuances dont il est capable pour faire vivre la musique sans aucune parole. Il y a bien sûr de la dextérité, mais surtout de l’impressionnisme pour donner vie à des images intérieures sur lesquelles l’imagination s’envole, et c’est là l’un des grands talents de Jimi Hendrix.
L’envol américain
Jimi Hendrix est américain, mais il n’a pour l’heure jamais joué en tant que Jimi Hendrix Experience aux USA. Son premier album « Are You Experienced » accroche une cinquième place des ventes dans son pays grâce à plusieurs simples qui ont du retour sur les radios : Hey Joe, Purple Haze, Foxey Lady… le coup de grâce est porté avec le set au Monterey International Pop Music Festival en Californie.
Le Jimi Hendrix Experience s’y présente le second jour, le 18 juin 1967. Les Who sont passés avant et ont détruit leur matériel sur scène, dans un esprit pas vraiment hippie. Hendrix s’y produit en look totalement psychédélique avec un pantalon rouge, un boa de plumes, un bandeau fleuri dans les cheveux. On le remarque déjà dans le public les heures précédentes avec sa veste d’officier napoléonien achetée au marché aux puces de Saint-Ouen en 1966. Hendrix jauge la concurrence, et ne se fait pas trop de souci. Il est accompagné par Brian Jones, le futur ex-leader des Rolling Stones, dans un état de décomposition lysergique avancé. C’est lui qui présente le groupe sur scène avec une voix traînante et mollassonne. Puis le Jimi Hendrix Experience envoie Killing Floor de Howlin’ Wolf à une vitesse stratosphérique. Le trio est certes gavé d’acide, mais la prestation musicale est ébouriffante. La section rythmique fait des prodiges, à commencer par un Mitch Mitchell possédé. Hendrix joue vite, très vite, créant un maelstrom de blues acide aux confins du proto-metal. Son chorus se soulève comme un avion de chasse au décollage. Les notes semblent dégouliner du manche comme de la lave, imbibées de fureur. Il en sera ainsi tout au long de ce set de trois-quarts d’heure, avec des versions de Foxey Lady, Hey Joe et Purple Haze absolument dantesques. Hendrix avoine également Like A Rolling Stone de Bob Dylan, créant une version hard-électrique à ce morceau country-folk. Le sommet est atteint avec Wild Thing des Troggs sur lequel il brûle et détruit sa guitare dans un rituel dansé vaudou qui va surpasser la folie des Who quelques heures avant, et va conclure un concert bouleversant. Si l’on veut saisir la folie et la fureur de Jimi Hendrix, cet enregistrement est absolument parfait.
Le compositeur
Jimi Hendrix était un garçon soigneux, et il ne cessa de s’améliorer comme arrangeur et producteur. Il fut aussi rapidement un compositeur, reprenant finalement peu de chansons des autres. Sa plume fut rapidement unique et acérée. Seule Hey Joe ne fut pas de sa plume parmi les premiers simples à succès. « Axis : Bold As Love » (décembre 1967) mit l’accent sur sa patte de compositeur avec des chansons comme Little Wing ou Castles Made Of Sand, sur lesquelles il se montre plus économe à la guitare pour se concentrer sur la mélodie et les textes. « Electric Ladyland » en 1968 sera son grand œuvre. Ce double album réunit des captations studio et live, comme l’impressionnant blues-rock Voodoo Chile avec Steve Winwood à l’orgue. Il y a aussi des éclaboussures magnifiques de rock acides, blues’n’soul comme Crosstown Traffic, Gypsy Eyes, Long Hot Summer Night, All Along The Watchtower (une reprise de Bob Dylan), Come On (de Earl King), et le sublime final incandescent Voodoo Chile (Slight Return), le morceau heavy’n’psychédélique ultime. Jimi Hendrix y déploie une gamme de talents exceptionnelle, entre compositeur, arrangeur et interprète exigeant. Le disque n’a quasiment pas pris une ride en terme d’expérience sonore, et bien qu’il puisse choquer les oreilles de jeunes gens trop abreuvées aux boîtes à rythmes, on ne peut qu’être admiratif devant ces morceaux venus d’un monde nouveau.
Assez curieusement, ce nouvel album, qui plus est double, ne va que très peu abreuver les sets en direct, hormis le vertigineux Voodo Chile (Slight Return). Les arrangements étaient-ils trop complexes à reproduire ? Connaissant le talent du bonhomme, tout aurait pu être réorchestré sans problème. Hendrix était surtout encouragé à jouer ses vieux tubes et à faire les mêmes gimmicks sur scène comme jouer avec ses dents, ce qui avait une forte tendance à l’exaspérer. Il trouvait le public américain trop conservateur, à moins que ce soit lui qui ce soit bridé lui-même.
Hendrix est de toute façon assez mal entouré, et ce n’est pas le manager Michael Jeffery, qui a remplacé Chas Chandler, qui va arranger les choses. Jimi tourne sans cesse, il ne prendra que deux petites semaines de vacances au Maroc durant toute sa courte existence en tant que star du rock. 1969 sera consacrée à la route et à l’assemblage d’une nouvelle formation après les derniers concerts de l’Experience fin février 1969.
L’enregistrement live de ces derniers feront leurs premières apparitions sur la bande originale du film « Experience » de 1971 passée totalement inaperçue, et la compilation officielle « The Jimi Hendrix Concerts » de 1982 avec un Stone Free datant du 24 février 1969. Hendrix y est flamboyant, partant dans une incandescente improvisation de plus de dix minutes. Il y développe un jeu de guitare richissime, et comble l’absence de nouveautés dans les set-lists en développant au-delà des limites ses propres morceaux. Sur ce morceau, Hendrix est en apesanteur, soutenu par un Mitch Mitchell prodigieux et un Noel Redding plus discret, le guitariste ne supportant plus que ce dernier se prenne également pour un soliste, mettant en péril les improvisations. Les sets au Royal Albert Hall de février 1969 dont est issu ce Stone Free seront publiés par le label Charly sous le nom de « The Last Experience », et la totalité du set du 24 mérite largement l’écoute avec quelques merveilles à revendre, ce Stone Free restant l’un des plus beaux diamants de l’art hendrixien.
L’improvisateur
Lorsque l’on parle d’improvisation et de solos, on provoque de nos jours un mouvement de rejet instantané. C’est que cet art s’est perdu, et n’est encore pratiqué que par des artistes blues-rock et soul-funk intéressant un public dégarni et bedonnant. C’est pourtant par ce biais que la plupart des grands artistes des années 1960-1970 cherchaient de nouvelles pistes de composition, de nouvelles idées de chansons, de nouvelles approches de leur musique. Jimi Hendrix en fut l’un des maîtres, et en 1969, il a entrepris un travail de remise en question en jammant énormément sur et hors de scène avec son nouvel équipage : Mitch Mitchell à la batterie et Billy Cox à la basse, ainsi qu’avec de nombreux musiciens de passage dans les clubs new-yorkais.
Les innombrables lives parus depuis trente ans montrent un musicien en quête de sens au coeur d’un monde de la musique en pleine ébullition créatrice. Le funk de Sly Stone et de James Brown, ainsi que le jazz fusion de Miles Davis ont fait leur apparition, et Hendrix y perçoit une liberté de ton plus grande qui l’intéresse. La spéculation sera intense sur des sessions réelles ou supposées avec Miles Davis, Sly Stone, ou les guitaristes jazz Larry Coryell et John MacLaughlin. Hendrix possède désormais son propre studio à New York, les Electric Lady Studios, et peut travailler comme bon lui semble en compagnie du producteur et ingénieur du son Eddie Kramer. De nouvelles chansons se construisent, empruntant cette voie nouvelle, en vue d’un album à paraître pour la fin de l’année 1970.
Pour l’heure, Hendrix doit se débarrasser d’un vieux contrat avec le producteur Ed Chalpin, qu’il avait signé à ses tous débuts avant de l’oublier lorsqu’il partit en Grande-Bretagne. Mais devenu star, Chalpin réclama son dû. L’idée trouvée pour s’en débarrasser est de sortir un album live qui servira de rémunération au producteur et scellera définitivement cet ancien accord, du moins c’est ce que Jeffery pense.
Le tout est organisé très vite pour le Nouvel An 1969-1970 au Fillmore East de New York. Mitchell est retourné en Grande-Bretagne pour les fêtes de fin d’année, il est remplacé par le batteur funk Buddy Miles. Le trio est appelé Band Of Gypsys et devient le premier et unique trio entièrement afro-américain d’Hendrix, ce qui vient aussi répondre aux critiques des mouvements d’émancipation noir-américains qui lui reprochèrent d’être un musicien pour blancs.
Le live « Band Of Gypsys » sort en 1970 sous forme simple, un second volume sortira en 1986, puis un double cds sera édité par la famille Hendrix en 1999. Mais la version ultime, avec la totalité des enregistrements des quatre concerts des 31 décembre 1969 et 1er janvier 1970 est finalement sortie sous la forme d’un coffret en 2019. C’est elle qu’il faut pour comprendre le vrai don d’improvisateur de Jimi Hendrix à son plus haut niveau. Accompagné de deux musiciens efficaces, carrés et discrets (Miles et Cox), le guitariste joue de manière précise et détendue. Il n’y a pas une trace d’esbroufe tout au long de ces quatre sets. Il se « contente » de jouer prodigieusement bien. Il offre également de nouvelles compositions, mettant largement de côté son ancien répertoire. Power Of Soul, Lover Man, Izabella, Ezy Rider, Machine Gun, Earth Blues… sont à l’unisson de cette nouvelle approche. Même les quelques vieilles scies scéniques comme Fire ou Stone Free sont propulsées dans un nouvel univers sonore, exubérant mais plus précis techniquement parlant. Machine Gun va devenir le tour de force de ces concerts et des suivants, imitant le bruit des mitrailleuses de la Guerre du Vietnam, et les mêlant à un funk rampant et âcre. Hendrix y est à son apogée. Par la suite, durant ses concerts, il se perdra de temps à autre, tournant en rond, comme à nouveau pris d’un vertige, incapable de sortir de son image de guitare-héros prodige des années 1967-1968. le concert de l’Ile de Wight en août 1970 pour son retour en Grande-Bretagne sera particulièrement laborieux, alternant moments de grâce et pataugeage en direct. Jimi Hendrix était fragile psychologiquement parlant, et le succès de son nouvel album avec de nouvelles compositions explorées depuis les sets au Fillmore East avec le Band Of Gypsys lui aurait sans doute fait le plus grand bien, ainsi que la concrétisation de certains projets jazz ou funk. Mais il n’en aura pas le temps, disparaissant le 18 septembre 1970.
Epilogue
En fin d’année 2023, Sony Legacy publiait un nouveau live inédit du Jimi Hendrix Experience. Le filon ne semble pour l’instant toujours pas tari, et la demande est suffisante pour qu’une major comme Sony prenne la peine de le publier. Il s’agit du show du 18 août 1967 à l’Hollywood Bowl. Il avait été capté par une radio, la prise de son est donc très bonne pour l’époque. Hendrix et l’Experience y jouent très bien, même on n’y retrouve pas le feu du show de Monterey. Ceci étant, les interprétations de Killing Floor et Catfish Blues sont excellentes, et montre un Jimi flamboyant, alors en pleine conquête des Etats-Unis. Deux morceaux sont désormais attendus : la version électrique de Like A Rolling Stone de Bob Dylan, et la reprise des Troggs, Wild Thing. Hendrix ouvre le set avec une version de Sgt Pepper Lonely Heart Club Band des Beatles, ce qui monte à cinq sur neuf morceaux le nombre de reprises, ce qui révèle sans doute le manque de confiance certain du guitariste en ses propres compositions, jouant la sécurité plutôt que l’audace. C’est bien dommage, car lorsqu’il lance un Purple Haze, on change de dimension musicale. Cela fera en tout cas un bon live d’Hendrix sur les têtes de gondole des rayons disques, et cela maintiendra encore un peu la visibilité de ce musicien culte au vingt-et-unième siècle.
Jimi Hendrix de Stan Cuesta, aux éditions du Layeur. En commande ici.
6 commentaires
venez vous embourbés a perpignan, ils sont a fond sur le floyd pink
Premier concert du Jimi Hendrix Expérience à Evreux, ou se trouve aujourd’hui la galerie Chartreine.
C’est quand même une drôle de question, le titre de votre article !
Qui vous en empêcherait ?
Le bon titre aurait été : est-ce que la musique de Jimi Hendrix est aujourd’hui datée ?
Et la réponse serait : discographiquement parlant, oui.
Trop dans l’exubérance sixties, avec des musiciens parfois un peu balourds (Noel Redding).
En fait, il faudrait avoir la possibilité de réécouter Jimi tout seul avec sa guitare, et nous redécouvririons alors à quel point ce gars était magique et céleste…
peut on encore faire ecouter/decouvrir??
Lé gilés bouzes vont niqués la vache
les ricains avé le purple haze, les français ont eu honte avec jo-jo nini