Une intro suspense où les special guests pourraient s’appeler Ennio Morricone ou John Carpenter, suivie d’un sans-faute en douze morceaux qui mettent la fessée aux pseudo-popeux qu’on nous vend à longueur de newsletters, de buzz sur les réseaux sociaux et de mauvaises émissions télé : avec leur premier disque, les Écossais de Django Django font mieux que créer la surprise : ils créent tout court.

Pas de guitares larsen, pas d’envolées psycho rock, pas de hurlements au bout d’une track de dix minutes, pas de concept décliné sur 1h20. Et pourtant. On croirait écouter des chercheurs de studio. De la prog pop ? Quelque chose comme ça. Claquée avec la nonchalance de jeunes inconnus qui mettent tout ce qu’ils ont, et puis on verra bien. Ces quatre scotland guys exilés à Londres en ont sous la semelle, vraiment. Donnant l’impression d’être à la fois érudits, déjà émancipés de leurs aînés et surtout, surtout, à l’aise dans leurs baskets (et leurs derbys en cuir, à en juger par les vidéos de la concurrence). Pour dire du mal, il y a leur nom : cet horrible doublon, en vogue chez les gratouilleurs d’accords, qui est assez moche. Un nom qui évoque un guitariste manouche qui fumerait du mauvais tabac à rouler entre deux soli joués à la vitesse d’une roulotte kitée sport. Voilà bien tout ce qu’on peut moquer chez eux. Car une fois le bouton play enclenché, c’est la fessée.

Les Beach Boys vocalisant depuis les Highlands, tandis que le doigt du producteur reste appuyé sur le bouton d’urgence.

Car des premiers albums qui déboitent tout d’emblée, ça se compte sur les doigts de la main gauche de Django Reinhardt (Perrine Desproges, je sais que cette vanne appartient à ton père, mais cet homme a beaucoup compté dans ma vie aussi, y a pas que toi qui es allée chialer sur la tombe en face de celle de Chopin au Père Lachaise, alors bon, hein, ça va), et à moins de faire preuve d’une mauvaise foi digne d’un webzine qui en aurait fait sa profession, reconnaître que « Django Django » en fait partie haut la main (droite de Django R… bon, ça suffit, j’arrête) s’apparente au minimum syndical. Mais comme on est grassement payé à Gonzaï, je vous mets quelques paragraphes en plus.

Django Django mérite donc toutes les unes de la presse spécialisée, des invitations télé et du temps pour nous expliquer ce qui leur a pris de faire aussi fort. La bio raconte qu’ils ont bossé pendant quatre ans dans leur chambre, mes oreilles et mes pieds me disent de danser, de chanter, de monter le son, de faire une thèse sur l’élégance d’une pop qu’on n’avait pas entendue depuis belle lurette. Notons au passage que s’ils vivent à Londres, nos jeunes garçons talentueux sont écossais, pas anglais. I say that, I say nothin’…

Breaking news :  La Quiero a Morir, reprise de Francis Cabrel par Shakira, est, selon le site Purecharts, le single le plus téléchargé en France ces derniers temps (10 000 par semaine). Pays de merde.

Mais revenons à nos sheeps (non pat’won, pas les trucs jaunes qu’on met dans un bol à l’apéro) et à cette furieuse banane qui nous vient quand on écoute, par exemple, Hail Bop (soyons honnêtes, il y a quatre secondes de chorus qui ressemblent au pire du top 50 millésime 1983). MGMT peut aller se rhabiller : ici, le soleil brille sous les cheveux, pas à l’horizon. Envie de taper dans ses mains, tout simplement. Juste derrière, Default fait sauter le système nerveux en trois accords zigzaguant entre une putain de mélodie et un tempo inédit. Tous les tubes devraient avoir ce degré d’exigence, le monde serait plus joli. Mais ce qui scotche vraiment, c’est leur sens du rythme. Sans lui, Firewater serait quelconque. La basse métronome lorgne sur le jeu vidéo, limite chip music (idem pour Zumm Zumm), quand une guitare far west déboule sans prévenir. La voix, haut perchée, s’en fout. Et va son chemin. Ces gamins sont impayables. Et la fin du morceau, renversante de naïveté fédératrice.

Voilà, on pourrait en rester à ce trip très pop. Ce serait déjà chouette. Mais les bougres vont voir ailleurs avec Waveforms, version en couleurs des angoisses tribales de These New Puritans. Rajoutez des chœurs maîtrisés sur le bout des ongles des Beach Boys, des crescendos toutes les quatre mesures, et vos hanches chaloupent sans s’en rendre compte (prends ça, Vampire Weekend). Pour la larme à l’œil, pas de problème, ils savent aussi faire des ballades : Hand of Man se promène sur un arpège arc-en-ciel et vos yeux font la danse de la pluie. 2’28 de douceur assumée. Ouch.

Breaking news : selon le Figaro, les cinq artistes français les mieux payés sont David Guetta,  Eddy Mitchell, Jean-Louis Aubert, Mylène Farmer et Johnny Hallyday. PA-YS-DE -MER-DE !

Jerk 2.0, ballades de lovers, pop songs malignes, tubes de dancefloor, bon. Et puis ? Et puis le feu à ton système nerveux, camarade. Mais l’air de rien, hein, sans disto ni hurlements. Love’s Dart est comme ça. Ses incantations murmurées, son gimmick joué avec je sais pas quoi, son art du peu, ça fout le feu. Et Wor, le diable au corps. Sirène, guitare au galop, basse tapie dans l’ombre, refrains impeccables : mon royaume pour écouter ça à cheval. Il y a aussi Storm et cette fièvre qu’on n’attendait pas chez ces faiseurs de pop. Du couplet/refrain au triple galop, pour pouvoir s’écrier que Life is a Beach. Bien joué, les boys.

Prophète de la musique

Bilans et autres tops de la fin 2011 encore tièdes, pas facile de tirer des plans sur la comète, ni de lire correctement dans cette boule de cristal gagnée avec l’abonnement contracté à Pitchfork (je déconne, rien à foutre d’un site qui se touche sur un truc aussi pourri que Chairlift, c’est à se demander si ces gens n’ont pas un sac à merde à la place des oreilles, bref) ; il n’empêche, en un seul disque, Django Django bouleverse la donne, au pays des tubes à 0,99 €. Car le groupe rappelle qu’on peut pondre des bonnes chansons de 3’30 en étant TRÈS TRÈS exigeant. Pas sûr, malheureusement, que ça suffise à révolutionner une industrie qui s’assoit depuis ses débuts sur la qualité. Pourtant, rappelons-nous que John Lasseter, de chez Pixar, en a fait son business plan, et que ça ne marche pas si mal. Anyway, « personne n’est venu nous mettre la pression, ni nous imposer un producteur pour enregistrer un album en deux semaines. Peut-être que la prochaine fois nous devrons nous soumettre aux exigences d’un tyran… » nous dit David MacLean, leader du groupe. Espérons déjà qu’il y aura une prochaine fois. Et que, en position de force suite à un succès planétaire (l’espoir ne se téléchargeant pas sur Megaupload, on a encore le droit de rêver), c’est eux qui choisiront leur producteur.

En attendant, je mise quelques shillings sur Django Django : on tient là un des meilleurs albums de 2012. Comment ça, l’année vient juste de commencer ?

Django Django // Django Django // Because
http://www.myspace.com/djangotime 

14 commentaires

  1. *shit*
    Il ne t’a sans doute pas échappé cher Bester que David McLean n’est autre que le frère du leadeur du Phantom Band, autre groupe que nous affectionnons tous les deux si je ne m’abuse. Et j’ai envie de dire tout s’explique.

    Salutations..

  2. Je rajoute également quelques shillings sur la plus grande fraîcheur qui nous soit arrivée dans les esgourdes depuis The Beta Band.

    pour info, je me suis permis de faire un lien depuis notre fiche album sur ce billet (entre autres) pour donner envie aux lecteurs du collaboratif Classement des blogueurs de découvrir cet album joyeux et pêchu. Merci.

    Et vous êtes bien évidemment bienvenus sur le Classement des blogueurs pour découvrir des albums, en proposer, et donner vos avis par des notes.

    À bientôt (je déteste ce genre de comms d’info qui ressemble à de la retape, alors que non ! ^^).

  3. Je suis bien obligé de rectifier ce que dit Ju, puisque si David MacLean a effectivement un frangin musicien dans un groupe en Band, c’est dans The Beta Band, non pas The Phantom Band. Ouais je sais que j’ai 9 mois de retard, mais que voulez-vous, je suis tombé enceint de l’album de Django Django.

  4. Je m’en étais rendu compte aussi. J’espérais secrètement que personne ne remarque. Honte à moi. J’aime tellement le Beta Band qu’il m’a induit en erreur..

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages