On ne fait pas que du fromage en Hollande, on y compose et enregistre aussi d’excellents disques. La preuve avec cet album méconnu des Beach Boys période 70’s qu’il serait temps de redécouvrir. « Holland », ou la preuve qu’il n’y a pas que « Pet Sounds » dans la vie.
Alors que sort le copieux coffret Feels Flow gavé d’inédits, versions alternatives, a capella et cætera issus des albums « Sunflower » et « Surf’s Up », les deux disques publiés par les Beach Boys en 1970 et 1971, arrêtons-nous sur le trop oublié « Holland » sorti en 1973. L’année précédente, le groupe a enregistré un album intitulé « Carl and the Passions – « So Tough », premier pas vers une émancipation des différents membres du groupe qui ont trop longtemps été relégués dans l’ombre de son génie, Brian Wilson. Mais l’album déroute, on a peine à reconnaître les Beach Boys derrière ces chansons molles et sans saveur. Même Salut les Copains ! s’interroge : « Les Beach Boys ne se surpassent-ils plus ? ». Mais peut-être l’insolent magazine yé-yé est-il à l’origine du coup de fouet salutaire que s’assène le groupe en cette année 1972, décidé à ne plus se reposer sur leurs lauriers en feuilles de cocotier ni sur leur leader, lequel s’est enfoncé dans la dope puis dans la banquette arrière de la Cadillac familiale, laissant le volant à ses frères cadets, Carl et Dennis. Les deux ont réussi à placer quelques titres sur les précédents albums jusqu’à ce « Holland » qui a des allures de galette des rois et dans laquelle chacun aurait une part égale ainsi que sa couronne.
Au passage, le groupe a remplacé le faiblard et second couteau Bruce Johnston par deux musiciens sud-africains, le bassiste Blondie Chaplin et le batteur Ricky Fataar (ce dernier deviendra par la suite acteur dans le film des Monty Python, All You Need Is Cash, une pochade sur les Beatles). Les Beatles justement, leurs éternels concurrents, avaient comme eux fait appel quelques années plus tôt à Billy Preston sur leur album « Let it Be » afin de détendre l’atmosphère qui virait au règlement de comptes (« Okay, well, I don’t mind. I’ll play whatever you want me to play. Or I won’t play at all if you don’t want me to play. Whatever it is that will please you, I’ll do it » lâchera le placide Harrison au bossy McCartney devant les caméras de Michael Lindsay-Hogg).
Il s’en est fallu de peu que ce disque ne s’intitule « France » (quarante ans piles avant l’arrivée d’un certain François Hollande à la présidence), pays dans lequel il devait être enregistré au départ, avant que le groupe ne se rabatte sur les Pays-Bas pour une raison que l’on ignore, si ce n’est que ce pays est un peu l’antithèse de la Californie, ce que cherchaient précisément les Beach Boys en quête de renouvellement (et accessoirement sommés par leur maison de disque de pondre un album qui se vende enfin après plusieurs années de disette). Après avoir été des dieux dans les sixties, le groupe est en effet devenu has-been au tournant de la décennie. Le rock, qu’il soit progressif ou hard, a balayé les ballades pourtant magnifiques des Beach Boys (avec des sommets comme Forever, Surf’s Up, ‘Till I Die) , comme le surfeur qui n’a pas venu voir la vague derrière lui.
« C’était difficile d’être en Hollande. Nous travaillions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans un petit studio reconstruit dans un garage à côté d’un pâturage de vaches. Ouais, c’était dur. Nous n’avions même pas l’électricité en continue, ce qui a en quelque sorte affecté le son de notre équipement. C’était une bénédiction mitigée. » (Al Jardine)
Babas barbus et bedonnants
Les Beach Boys, désormais babas barbus et gras du bide, abusant de crème glacée, de bourbon et divers psychotropes, troquent ainsi leurs chemisettes hawaïennes pour des salopettes et des bonnets de pêcheur de la mer du Nord, emmenant dans leurs bagages leur console en pièces détachées et leurs familles recomposées dans le village de Baambrugge. Avec le recul, Al Jardine, le nain de la bande, se remémore les conditions de travail : « C’était difficile d’être en Hollande. Nous travaillions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans un petit studio reconstruit fait maison au coup par coup dans un garage à côté d’un pâturage de vaches. Ouais, c’était dur. Nous n’avions même pas l’électricité en continue, ce qui a en quelque sorte affecté le son de notre équipement. C’était une bénédiction mitigée. »
Brian aux fraises, chaque membre amène désormais sa propre composition, mêmes les deux nouveaux sont autorisés à placer leur plaintif et de circonstance Leaving This Town, aux accents eltonjohniens des meilleurs jours avec son un superbe solo de synthé hypnotique et lancinant. Preuve de l’harmonie qui régnait encore dans le groupe malgré quelques dissensions (ta gueule Mike), Dennis cède le chant de ses compositions (les délicats Steamboat et Only With You) à son frère Carl, comme si le batteur originel du groupe était encore trop timide pour assumer ses propres chansons. Si on peut regretter que le frère cramé n’ait pas interprété lui même ces deux titres, magnifiques ballades qui n’ont rien à envier à Forever et Lady, deux autres titres de Dennis qu’il avait interprétés, on se réjouit d’entendre Carl qui n’a jamais aussi bien chanté, passant d’un couplet à l’autre d’une voix d’ange à un timbre plus soul qu’on ne lui connaissait, comme dans The Trader, sans doute le titre le plus fort du disque et qui ouvre la face B. Dans ce morceau épique en deux parties, la première funky, la seconde en forme de coda dérivante et luxuriante, le groupe revisite le mythe de l’Americana. La densité de la chanson est à l’image de la vraie nature du disque, celle du désir de rentrer chez soi, d’être perdu dans un pays étranger sans véritable sentiment d’appartenance (« Reason to live, Reason to continue, Reason to go on, Reason to live »).
Gouda et marijuana
L’autre pièce de choix de l’album est le mélancolique California Saga composé de trois mouvements. Le premier des trois est le titre Big Sur, sur lequel un Mike Love, le cousin félon, pour une fois sobre et inspiré chante une Californie fantasmée. Ce n’est que loin de chez soi qu’on en réalise tous les attraits et c’est donc au bord de la Mer du Nord que les frangins enregistrent leurs rêves d’océan Pacifique et de vallées verdoyantes. Même l’ignoble Mike Love donc parvient à composer une belle chanson, comme quoi il ne faut pas nécessairement désespérer (et peut-être songer à visiter les Pays-Bas plus souvent).
Le titre suivant est une composition d’Al Jardine, Beaks of Eagles, chanson à la verve écolo qui débute par une introduction parlée de Mike Love. Pour une fois, les chœurs ne noient pas le morceau comme cela a souvent pu être le cas, mais porte la voix d’Al Jardin qui confirme ses talents de chanteur solo. Délaissant les amourettes de plage pour des adolescents devenus adultes comme eux, les Beach Boys réalise avec « Holland » une forme d’introspection qui s’avère payante.
Sans que l’on sache si c’est l’effet du gouda ou de la marijuana, toujours est-il que le groupe expatrié cherche dans ce disque à innover, joue des effets de guitare, introduit le Moog et divers synthétiseurs, peaufine des chœurs moins envahissants, bref se renouvelle. Les puristes ont une préférence pour la face B, on n’est pas obligé de les suivre.
Comme mis sur la touche par son propre groupe dont il a été le leader incontesté durant une décennie, Brian Wilson est quasi absent du disque et enregistre un conte aimable mais dispensable, Mount Vernon and Fairway, gravé sur un 45 tours qui accompagne le LP. Une fois l’album enregistré et le groupe de retour en Californie, la Warner Brothers qui a financé le voyage fait la moue et lui demande un single susceptible d’être un hit et ainsi d’assurer les ventes du disque. Sursaut d’orgueil de Brian qui rappelle son complice de « Smile », Van Dyke Parks pour composer le titre qui ouvrira l’album, le dynamique Sail on Sailor.
Dennis enregistre sa voix puis part illico avec sa planche de surf sous le bras. Carl s’y colle à son tour mais retient finalement la prise de Chaplin. Le titre rentrera au Top 100 aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Tiré par ce single, l’album, dont la pochette représente le reflet d’un canal d’Amsterdam dans lequel le groupe semble plonger à la recherche de quelque chose de plus profond et transcendantal, se classe à la 36e place des charts US. Contrat rempli donc. Hélas, l’inspiration désertera aussi sec les membres du groupe qui publieront l’année suivante une énième et paresseuse compilation puis l’atroce « 15 Big Ones ». Il faudra attendre 1977 pour qu’ils retrouvent un peu du poil de la bête, des ours en l’occurence, à quoi ils ressemblent étonnement au verso de la pochette de « Love You ». En attendant, plongeons dans les eaux troubles et mélancoliques des Beach Boys avec ce 19e LP en dix ans, le fameux album de la maturité. Il était temps.
7 commentaires
!Haro! avec les (z) OBi! sur les réeditions!
the dirt
new bOOZZEE a n d ants in panties,
J’en peux plus des articles comme ça c’est plus possible respectez-vous au moins!! Salut c’est choucas je suis pas du tout content je ne sais pas pourquoi mais je le sais au fond de moi!! Le rock est mort en 1912 bien avant le traité de Versailles je le sais j’y étais!!Alors juste fermez vos bouches avant de dire des trucs que vous feriez mieux de regretter. Vive l’eau de Cologne c’est quoi mon chêne je veux dire Lloyd Cole and the commotion le seul vrai rockeur avec Coleman Hawkins
Faut pas t’énerver comme ça mon biquet.
Déjà en 1912 tu n’étais pas obliger de tourner la manivelle pour écouter la musique sur des rouleaux.
Ben en 2021 c’est pareil t’es pas obliger de cliquer sur tout ce qui bouge.
Mais je suis d’accord avec toi sur une chose :
Vive l’eau de Cologne !!
la patronne envisage t’elle un article sur the shadracks ?