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17 mai 2025

Le nouveau Viagra Boys, c’est la pilule du lendemain

Du punk rock faussement bas du front qui se fout de la gueule du monde moderne, tout en claquant des tubes ? Les Viagra Boys l’ont fait. Et ce que tu vas voir dans leur miroir ne va pas te plaire.

Ventre abondamment tatoué débordant largement du jogging trois bandes, lunettes de soleil un peu cheap, morgue à égalité avec une autodérision certaine : « Je n’aurais jamais cru devenir un jour une icône sexuelle. » Bras en l’air, eux aussi totalement recouverts d’encre, Sebastian Murphy sourit au public de Chicago, en ce 19 septembre 2024. « Vous êtes la plus grande foule devant laquelle on n’ait jamais joué. » Mouais, pas sûr. Les Viagra Boys ont ouvert pour les Queens of the Stone Age en 2023 sur la tournée américaine des stoners. Qu’importe. Les Suédois sont bel et bien là, face à un public conséquent, et au vu de ce qui sort de la bouche de leur frontman, c’est une demi-surprise que ces punks de ce début de millénaire hygiéniste aient pignon sur rue.

Freaks obèses dans des chaises roulantes

Avril 2025. Murphy et sa bande sont de retour en ville, avec un quatrième album, viagr aboys. Et celui qui est allé jusqu’à se tatouer « Los » – pour lose – sur le front n’a pas fini de moquer férocement son époque. Des mauvais garçons utilisant le rock’n’roll circus pour beugler combien le monde actuel peut être laid, stupide et vain, en éclusant des canettes sur scène tout en fumant ostensiblement ? Se pincer avec une clé anglaise s’impose pour s’assurer que tout ça a bien lieu en plein cauchemar climatisé version XXIe siècle.

Tandis que la peau, rougie sous le fer, tente d’évacuer la douleur, appuyer sur play offre une diversion bienvenue.

« Overweight freaks ride around on wheelchairs motorized by electric motors made by goblins in a factory overseas / They’re there to buy drywall and other products that they can eat back at home on the sofa… ». En français : « Des freaks obèses se promènent dans des chaises roulantes électriques fabriquées par des goblins dans une usine outre-mer pour acheter du placoplâtre et d’autres produits qu’ils pourront manger dans leur canapé… »

Man Made of Meat, le premier single, qui ouvre le disque, commence comme ça. La chanson leur est venue après la visite d’un supermarché aux États-Unis.

Plus loin, les Garçons Viagra se foutent ouvertement de la gueule de la culture healthy : « Je me promène avec une caméra dans la gorge, ils me disent que mon estomac est purement et simplement grillé à cause des cigarettes mangées au petit déjeuner, mais que si je suis sept étapes faciles, j’éviterais peut-être de mourir… »

Sacré paradoxe, en vérité : Pyramid of Health emprunte tous les codes de la pop rock song classique : quatre accords imparables et chant en intro, entrée de la batterie à la fin du couplet, refrain ravageur qui pourrait être repris dans n’importe quelle party de n’importe quel homo modernicus avide de sensations fortes pour oublier cinq minutes l’absurdité de sa vie d’étudiant/cadre/startuper/dater insatiable… Avant d’éliminer tous ses toxines le lendemain au Basic Fit du coin.

Encore une ? Store Policy démarre ainsi :

« Don’t eat animals if they don’t sweat / Only do drugs that are real hard to get / Smokin’ crypto is bad for your health / I’m touching myself by the health food shelf… ». Soit : « Ne mange pas des animaux qui ne transpirent pas / Ne prends que des drogues très difficiles à obtenir / Fumer du crypto est mauvais pour la santé / Je me touche au rayon d’aliments naturels… »

Saxo cintré, m’en-foutisme et miroir grimaçant

La minute Google Translate étant terminée, causons musique. On l’a dit plus haut, les gars savent composer des tubes efficaces et galvanisants, à même de conquérir le cœur de ceux dont ils se moquent, mais les Viagra Boys savent aussi bander (pardon) les muscles autrement. Saxo cintré, boucles électros cradingues par-dessus une infernale rythmique comme si les Stooges débarquaient aujourd’hui, spoken word sur du free rock bodybuildé au laptop… Même si on a rembobiné vite fait leur discographie – les Suédois n’ont pas le monopole du m’en-foutisme – on a bien envie de clamer de façon péremptoire que Sebastian Murphy et ses potes signent là leur meilleur disque. Sexy, provocateur, aussi inventif que bas du front, puissant, rentre-dedans, drôle, mordant, miroir grimaçant tendu à nos visages effarés par tant de laideur soudain si crue. Poser un classique, disent les jeunes. Les plus âgés ont beau connaître la chanson depuis des lustres, ça faisait bien longtemps qu’ils n’en avaient pas entendu une version si authentique.

OK, le dernier Viagra Boys ne déclenchera aucune révolution, mais il aide sacrément à avaler la pilule.

Viagra Boys // viagr aboys // Shrimptech Enterprises 

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