C'étaient les années 2000, Worst 2000's, le meilleur du pire de la décennie. Plutôt que de s'esquinter à chercher le classement parfait des ersatz futiles d'une décennie qui aura eu

C’étaient les années 2000, Worst 2000’s, le meilleur du pire de la décennie. Plutôt que de s’esquinter à chercher le classement parfait des ersatz futiles d’une décennie qui aura eu du mal à faire passer la pilule du siècle nouveau, ne vaut-il mieux pas chercher à se guérir de ses troubles obsessionnels compulsifs ?

De ces projets fantasmés qui nous hantent dès le réveil et qu’on n’a que très peu de chances de mener à bien, même d’ici une vie ou deux. Nicolas Hulot déjeune-t-il en pensant à sauver le monde ? Woody Allen se réveille-t-il en sursaut avec une idée de scénario incestueux ? Qu’importe. Ce qui est certain, c’est que je ne me brosserai plus les dents en pensant à voir les Horrors en live.

Il est 18h et il fait nuit noire. Comme un soir de novembre, au Trabendo. Surtout un soir de concert des Horrors. Les quadras fans des Cure jouent des coudes entre les teens Baudelaire-squelette et les branchés pour se rapprocher de la scène. Ils viendront, les affreux de Southend-On-Sea. Mais d’abord, Factory Floor dépose un CV anonyme, redondant et transcendant, puissant et emprisonnant. Se reposer sur un matelas à eau de claviers-marteaux, ou la meilleure façon de gifler des paires d’oreilles à coups d’archet sur six cordes. Mais aussi, le trajet le plus direct pour la prison des artistes sans futur. Trois nouveaux londoniens qui n’ont plus d’autre alternative que de s’éclater les tympans avec leurs propres gimmicks.

Ils leur avaient prédit le même non-avenir, les experts, aux Horrors.

Et ils leur avaient répondu de la meilleure des façons, les Horrors, aux experts. En dégainant un album surpuissant, profond comme une blessure de guerre, grave comme un incident nucléaire. Alors on en a bouffé de la noirceur au synthé (pas de la noirceur au rimmel, hein), on en a redemandé du shoegaze sauce psyché, on en a contracté des syncopes mélancoliques à taper les pieds au sol le regard absent. On l’a éprouvé ce Primary Colours. On s’est levé avec Sea Within A sea, on a couru après le train avec Three Decades, on a transpiré nerveusement avec Mirror’s Image, on s’est perdu dans des rêves désabusés avec Scarlet Fields, on s’est libérés du poids de la colère avec New Ice Age, on a relativisé avec Do You Remember, on s’est couché avec Sea Within A Sea. Et le temps était venu de le passer à l’épreuve du live. Ca, ils l’ont bien compris les Horrors.

Ils montent sur scène et, enfin, je peux réaliser. Ah, c’était vous messieurs, cette année à tourner en rond et trouver ça distrayant, c’était vous ces longues heures à tenter de comprendre comment une chanson pouvait me coûter de longues heures d’introspection. Oui, c’était vous, je vous reconnais. J’ai épluché votre album jusque dans les moindres recoins de sa pochette. Allez, défendez-vous, jouez-le à la note près, torturez-le pendant deux heures, tant qu’il est sans défense. Allez-y, et qu’on n’en parle plus.

Ils ne me feront pas ce plaisir, c’est tout entendu.

Primary Colours subit l’ablation de ses rares défauts et se voit greffer des ambiances toujours plus hallucinantes, jamais trop pesantes. Ils jouent fort, beaucoup trop fort mais c’est bien le minimum requis pour ne pas laisser filer une seule chiure de seconde de cet orgasme solitaire. Autour de moi, les mères de famille ont beau pogoter avec des lycéens roux ou atteints de mucoviscidose, il est hors de question que je partage avec qui que ce soit ce sentiment d’expiation des pêchés de paresse et de convoitise.

Perdus entre deux rares lumières blêmes, les cinq marionnettes en noir se barrent au bout d’une heure, nous laissant tous bouche bée. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? C’était eux ? Ils sont partis où ? Deux jours pour redescendre, pour ne plus entendre mes oreilles siffler. Deux jours à décortiquer d’énièmes fois ce foutu disque, à chercher une issue de secours. Parti pour boucler le dossier Primary Colours, me voilà comme un con, face à une nouvelle page blanche. Ecarter les névroses pour éviter qu’elles ne dégoulinent dessus s’avère mission impossible. Nouveau labyrinthe, et toujours la même bande-son. This is not the end.

www.myspace.com/thehorrors

 

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