Pour fêter la sortie de leur nouvel album Cyril et de son électro-trottoir ouverte comme une maison close, voici une petite saynète « Ma vie en Sexy Sushi ». Une façon comme u

Pour fêter la sortie de leur nouvel album Cyril et de son électro-trottoir ouverte comme une maison close, voici une petite saynète « Ma vie en Sexy Sushi ». Une façon comme une autre de vous rappeler que même f(r)ictionnées, certaines histoires vraies sont encore plus pathétiques.  Et qu’accessoirement, après 7 ans de DIY fatiguant, Sexy Sushi jouera cette année à Glastonbury (!).
Parce que faire couin-couin sur vos synthés ne fait pas de vous des artistes, et que non, ton cul sur la commode, ce n’est pas une symphonie, ta gueule Sushi. Crève au soleil.

France, circa 2012. Comme dans les meilleurs films de John Carpenter[1], soixante dix ans après l’invasion des allemands à bonnets cloutés, le pays tombe sous l’emprise de Sexy Sushi, le cerveau aliéné par un mélange subtil et distrayant d’électro allemande à danser sur les parkings désaffectés et de joutes verbales à s’en curer le nez avec un tournevis rouillé. Nominés dans la catégorie « Meilleure musique digitale jouée par des amateurs » – la nouvelle catégorie en vogue des Victoires de la Musique, désormais parrainées par Ikea et Durex – pour leur nouveau disque Défonce ma boite à rythmes, auréolés du succès du single « Tu la sens bien, mon coquin », Rebeka Warrior et Mitch Silver doivent se livrer au premier exercice difficile de leur carrière : l’autobiographie, commandée de longue date par tous les hypermarchés Leclerc et autres Cultura de province.

Trop malin pour être honnête, mais trop bête pour être sincère, le duo a fait appel à leur ami bloggeur, Jean-Charles (dit « Coco le craspouille », dans le milieu) pour dérusher des mémoires de la taille d’une disquette 3’5. Comme tous les bons biographes, « Coco le craspouille » n’a pas préparé ses questions. L’histoire de Sexy Sushi, il l’a connaît par cœur. « Deux doigts dans la chatte », aime-t-il à répéter le samedi soir, quand on lui demande l’état d’avancement des entretiens, accompagnant parfois sa maxime d’une démonstration direct live. Aujourd’hui, il a rendez-vous avec Mitch et Rebeka pour la dernière ligne droite avant l’écriture ; une « party de plaisir » comme il dit souvent, en hommage à Teki Latex, le mentor désormais incarcéré aux baumettes[2]. Allongés dans un sofa acheté pour trois fois rien chez But, les trois refont le match en sirotant un Sexy Coca, boisson officielle du groupe, avec vue sur la banlieue Nantaise. A l’image de leur musique, la boucle est presque bouclée :

– « Nan mais allez, sérieux, glou-glou, comment ça a commencé Sexy Sushi, en vrai, sluruuuup? » s’interroge le biographe, en tripatouillant les glaçons de son Sexy Cola.

– « Dans ton cul ! », répond Rebeka, pas peu fière de son effet. Ca fait beaucoup rire Mitch Silver, ça lui en dévisserait presque la casquette. Il embraye :

– « En vrai, ça a commencé chez le dentiste, en 2002, j’étais venu pour me faire couronner une dent – j’ai les chicos pourries mais c’est pas le sujet – et pis là j’ai entendu Stupeflip à la radio en me faisant tricoter la mâchoire, ça m’a retourné l’estomac en vrac. Tout de suite, j’ai compris que c’était plus la peine d’être musicien pour être un artiste, ça m’a décomplexé direct».

Rebeka Warrior surenchérit : « Et puis faut dire qu’avec Je fume pu de shit, Kin Ju’ c’était un peu notre Sid Vicious en plastoque, tu vois. On en avait ras la chatte des discours parisiens prise de tête, on voulait créer des mélodies qui sucent simultanément la queue d’Andy Warhol et celle de Bigard. C’est pas mal ça, hein ?»

Rebeka et Mitch se regardent d’un regard complice, heureux d’avoir su trouver en direct une punchline à sortir pour leur biographie officielle. D’habitude, ça leur prend plus de temps pour imaginer les réponses stupides aux interviews (auxquelles ils répondent souvent par mail, fort logiquement) ; après toutes ces années à raconter n’importe quoi à presque n’importe qui, c’est presque devenu leur marque de fabrique, à Sexy Sushi. Ayant réussi à échapper au destin de tourneur-fraiseur qui l’attendait ici bas, Mitch compile même toutes les coupures de presse, les relisant à l’occasion, entre deux tournées de Quimper à Clermont :

– « Nan mais sinon, t’as qu’à écrire qu’on s’est rencontré dans le 93 en brûlant des voitures, ça fera rire les gens », rajouta Mitch, une main sur son cœur et l’autre dans son slip. « Et rajoute que Rebeka c’était la fille du boulanger, et moi le fils du père fouettard. »

– « Trop LOL ! « s’esclaffe Rebeka, en revissant son soutien-gorge. « Et si on disait que Patrick Dils c’était mon père et qu’il était fan de Krafwerk? »

Jean-Charles interrompt l’interrogatoire, plus de glaçons dans son cola et un zest d’éthique au fond de son cerveau bien vide :

– « Mais, euh, on n’est pas ici pour raconter la vraie histoire, celle que vous avez toujours refuser de donner aux journalistes ? C’est pas un peu fake, tout ça? «

–  « Et puis quoi encore, rien à branler, on n’a rien de vrai à raconter nous ! «  s’énerve Mitch, « on a tout crée de A à Z, notre histoire, notre rencontre, nos fringues, y’a rien d’authentique. Tu crois que le public a envie d’entendre parler de notre adolescence pourrie dans un pavillon nantais avec des parents qui écoutaient Herbert Léonard en mangeant des surgelés ? »

– « Bon, okay les mecs… On se calme, c’est cool. Vous z’auriez pas des glaçons ? »

Faut dire que le procès de la musique pas crédible jouée par deux abrutis à qui on aurait remplacé les neurones par une touche ON/OFF, Mitch l’avait déjà lu des centaines de fois sur Google. Ca l’avait un peu blessé au départ, à la sortie de Tu l’as bien mérité (2009). Alors avec Rebeka, ils avaient composé leur hymne contestataire, le brûlot pour « se vider les couilles » ; leur Anarchy in the UK à eux, ce serait Enfant de putain / Salope ta mère, un titre d’électro-cramouille pour insulter les connards qui « disaient des choses pas sympas sur eux ». En attendant le retour de Mich, parti aux chiottes pour « viser à coté de la cuvette », Rebeka reprit le fil de l’histoire des Sexy Sushi, avec une pointe de nostalgie honteuse :

– « Faut pas lui en vouloir, hein. Mitch il s’énerve dès qu’il faut parler de lui. Il te le dira pas mais Sexy Sushi ça vient surtout d’un… coussin péteur ».

– « Un QUOI ? ». Coco le craspouille avait failli en avaler son citron de travers.

– « Bah oui. Ca devait être au nouvel an 2000, j’étais en train de gerber ma cinquième Téquila sur le parking du Temps d’Aimer (une discothèque nantaise, NDR) quand j’ai vu son visage près des vestiaires : c’était Mitch, déjà au top, avec son survet’, ses mocassins et sa perruque de tennisman hongrois. Il était sur le point de se barrer pour baiser la coiffeuse du coin, mais dès qu’il m’a vu, il a proposé de me ramener chez moi – faut dire que j’avais un beau filet de morve alcoolisée qui pendait sur mes lèvres, ah ah ah ! Alors on a commencé à parler des musiques qui nous éclataient la rate, des Clash aux Béruriers en passant par la minimale d’Europe de l’Est. C’était dingue… »

– « Okay, c’est nice Rebeka. Mais je vois toujours pas le rapport avec le coussin péteur » fait sobrement remarquer le biographe à son interlocutrice.

– « J’y viens, relax max… En sortant de la boite, moi j’étais trop tox’ pour conduire, c’est là que Mitch m’a ouvert la porte de son Kangoo sport avec un regard comico-serial, genre Guy Georges qui rencontre, Benny Hill, tu vois ? Moi, direct, j’crois qu’il va falloir le sucer pour éviter de rentrer à pied, quand tout d’un coup, en m’asseyant coté passager : PROUUUUUUUUUUT ! C’était un coussin péteur, quel farceur ce Mitch ! «

– « Ah ouais, je vois » conclue Jean-Charles, le stylet de son iPad dans la bouche avec quelques réserves au fond du palais.

– « Rigoles pas, c’est là que Mitch m’a sorti la plus belle phrase que j’ai jamais entendu : « Tu sais Rebeka, j’aimerais que notre musique fasse plus de bruit que ce coussin, que ça sonne comme d’électro toute droit sortie du cul ; du punk anal quoi ».  Là, seuls dans le Kangoo, on s’est regardé très fort et on a su qu’on était des âmes sœurs, qu’on allait fonder un groupe et monter vers le haut, ensemble (l’air rêveuse) Mais tu lui dis pas que jt’ai raconté tout ça, hein ?

Mitch revient des toilettes, l’air d’un coq en pâte qui aurait repeint les Water Closet, fier comme un lépreux qui aurait trouvé du sparadrap. Il enchaîne :

– « Putain, délire ! En pissant, j’ai eu une idée de génie pour le prochain album, un truc qui mélangerait D.A.F. et les Golden Shower, ça s’appellera Je t’aime jaune pissou et on mettrait un émulateur Nintendo en loop, dans le clip on mettra deux putes avec des masques de gorilles qui jouiront leurs urines sur des synthétiseurs en or, kes’vous en pensez ? Pas mal, anal !

– « Trop LOL ! C’est über kiffant ! » dit Rebeka

– « … » dit Jean-Charles, « j’aurais vraiment besoin de glaçons. »

– « Bon et sinon, plus sérieux, j’ai repensé à la biographie, prends des notes. On va dire que les compos de Démonte ma boite à rythmes nous sont venues en violant des chiens morts, qu’on a fait toute notre dernière tournée en Vélib’, que notre objectif c’est de devenir ministres de la culture en slip panthère et que notre plus grand rêve c’est de devenir plus célèbre que Minitel Rose et Maurice Chevalier. Tu dis que Rebeka a chopé la peste en plaque sur un concert à Monthargis, pour que ça fasse un peu pathos, et t’étires le tout à partir de Wikipédia et des articles déjà parus. Hopla, la voilà ta bio !

– « Ca va tout péter » dit Jean-Charles, un sourire en coin.

La suite, on la connaît, on l’imagine. Formé en mars 2003 sur un malentendu (au sens littéral), ayant gravé à la force de son poignet quatre disques sur CD-R avant d’être récupérés par les branchés à pull jacquard, Sexy Sushi enchainera bien quelques disques de plus, des chansons faites de bouts de ficelles et de blip-blip pour les kids défoncés au whisky-coca. Après avoir vendu des milliers des disques dans les hypermarchés, Sexy Sushi y reviendra sûrement par la porte de derrière, démonstrateur en charcuterie ou Disc-Jokey du rayon variété.
Il se peut aussi que rien de tout cela ne soit arrivé, qu’on ait tous vécu cette électro provinciale et ringarde dans un autre espace temps, une dimension parallèle avec Sid Vicious, Philippe Risoli et le duo de Tenue de soirée imbriqués dans un seul et même corps. N’empêche, quand les confessions intimes rencontrent la bêtise artisanale, ça donne Sexy sushi, de l’electroclash visqueuse comme un saumon grillé sous les néons d’une grande surface.

Sexy Sushi // Cyril // LabelMaison (PIAS)
http://www.myspace.com/sexysushimusic

Illustration: Terreur Graphique


[1] Lire le scénario de In the Mouth of Madness, 1994, pour mieux comprendre.

[2] Déprimé par l’insuccès de Je t’aime en rose fuchsia (2011), Teki viole deux groupies mineures (pléonasme, remarquez) avec des pailles en plastiques. « On n’a rien senti », confesseront-elles plus tard au tribunal.

10 commentaires

  1. sexy sushi vous pourriez au moins apprécier le nom, c’est magnifique, ca fait appel à pas mal de références en matière de visuel jap et de tout ce qui en dépend, bilip bilip, j’aime beaucoup l’intitulé Cyril j’ai l’impression qu’on aura jamais eu l’occasion de rendre hommage à quelqu’un de pareil, j’aime aussi la dynamique qui se dégage de leurs compositions, elles sont belles comme le soleil qui attend un peu avant de déclarer sa flamme au ciel et qui brûle d’envie de nous faire rougir. Bref, l’essentiel est dans ce sexe sous sushi qui nous sert de belles petites entrées plats, déservis par un peu de problématiques lourdinques genre ouais Despentes, qui es-tu pour faire le coq et te croire si menaçant, perso je trouve la démarche intéressante, mais bon, c’est parce que j’essaye de réfléchir aux cormorans de ton époque qui se placent en tant que reliques, ou reliquats copicarbone copycat aha copyright lasser comme dirait lassie wouf biding biding boh comme dirait les profs et soeurs de touts les buildings qui nous exaspèrent, le triomphe rend les gens vraiment bilbozé, eh oui, mais bon sexy sushi sous chient du verbe osé comme par exemple :  » je veux tuer jean pierre pernaut  » c’est vrai que c’est subversif comme une théière de chez sodexho, mais bon on essaye de rester calme malgré la pression alimentaire qu’ils nous refourgent chez castorama, le pays où la vie est moins chère donc moins importante que chez les sushis, heureusement qu’ils sont là pour parler de poisson cru et de fluide merde comme disait rocky aurore picture, à l’époque, right, un pas en avant, deux pets en arrière, à l’école ils apprennent qu’à roter à la fin de ta clope, c’est la vie, oh oui

  2. Cela stigmatise tellement bien notre époque… Tant par le côté DIY qui donne indubitablement un crédit factice du genre « je suis trop sous la terre, ouai je suis trop underground » alors qu’en cela n’est que vide dans le vide, particule et pixels dans le flux perpétuel.

  3. ce scenario peut marcher avec bcp de groupes tellement c’est truffé de chose fantasmé
    je dis ça car je connais sexy sushi.

    en fait je connais pas naive new beater & la du coup je crois que j’aurais rigolé.

  4. Vous n’allez pas suffisamment faire vos courses chez Leclerc pour comprendre Sexy Sushi.
    Sexy Sushi, c’est un nom de code pour Surimi.
    Rayon frais, promotion.

  5. Un super groupe à comprendre et à apprécier avec un second degré parfois délicat. Aux paroles crues, parfois révélatrices d’une âme torturée. Original, spécial, grossier, mélancolique, sarcastique. Vive Sexy Sushi

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