L’arbre est d’abord caché par une effrayante forêt : BHL dans les remerciements, accompagné de Carla Bruni-Sarkozy (grande amie de l’auteur) et même un Enthoven comme si cela ne suffisait pas. La quatrième de couverture n’arrange pas le dossier : « On y rencontre Iggy Pop, Warhol, Le Palace (…) la révolution gay. » Tout ce qu’on a lu cent fois ailleurs. Et, pour parfaire le tableau, les chapitres sur le rock et New York dans les années 60 sont complètement ratés. Bref, il y a de quoi fuir. Ce serait une monumentale erreur.
Car le vrai livre est ailleurs, dans ces pages sur la grande bourgeoisie fauchée, dans ces descriptions des dépôts-vente et antiquaires qui écoulent la fin d’un monde (et accueillent l’apparition de Greta Garbo), dans le portrait des patrons du Chalet du Lac, l’évocation des boîtes de nuit blacks… Mais il y a mieux encore : la colocation de l’auteur avec un ancien jockey reconverti en coureur de dot est sans doute le meilleur livre lu depuis cinq ans. Il faudrait aussi faire briller les superlatifs pour écrire ce que l’on pense des passages sur le père et la soeur du narrateur, de ce chapitre sur la passion amoureuse pour Philippe. Là, le tragique reprend ses droits, avec un style charpenté par la syntaxe, vissé par le verbe, laissant l’adjectif à sa juste place, celle de la touche décorative. En 2010, un an après la parution de « L’art d’être pauvre », François Baudot se tue. En 2014, j’ai lu quatre ou cinq fois certains chapitres de ce livre et quand je le cherche, ce n’est jamais très longtemps : il est au pied de mon lit.
François Baudot // L’art d’être pauvre // Grasset