Réputé pour faire tourner les globes oculaires comme un double vinyle, Hornby revient à l’écriture avec Juliet Naked, nouveau roman dans la grande lignée des précédents, la musique toujours en trame de fond. A poil, Nick ? Pas vraiment, c’est même tout le contraire : Hornby rhabille pour l’hiver, le ciel couleur jean délavé.

Réputé pour faire tourner les globes oculaires comme un double vinyle, le sosie de Brian Eno revient à l’écriture avec Juliet Naked, nouveau roman dans la grande lignée des précédents, la musique toujours en trame de fond. A poil, Nick ? Pas vraiment, c’est même tout le contraire : Hornby rhabille pour l’hiver, le ciel couleur jean délavé.

Dingue, comme un succès peut vous coller à la peau. High Fidelity fête cette année ces quinze ans d’existence et on n’a pas encore trouvé mieux pour exprimer la détresse des grands dadais mélomanes préférant cocher la case divorce plutôt que de céder leur intégrale de Marvin Gaye. Pressage américain d’origine, s’entend. A la manière des rock stars qu’il pastiche sans trop de ménagement, l’auteur anglais avait mille raisons (31, si l’on se réfère à la bibliographie Hornbyesque) de sombrer lui aussi dans le cliché romanesque de l’homme qui écrit toujours la même histoire. Pour résumer, la pauvre vie névrosé d’un musicien et/ou d’un fan face à ses vertiges, obligé de trier ses playlist pour faire le tri dans ses angoisses pathétiques avec un gosse à ses pieds, pour faire office de touche STOP.
Etonnamment le dernier né, Juliet Naked, fait désormais tourner le cadran plus vite que la platine, imposant officiellement Hornby comme l’auteur de références pour permettre aux rockeurs de bronzer sur la plage sans pour autant passer pour des cons. Une écriture simple – à la limite du dénudé, adjectif de circonstance, des anti-héros immédiatement sympathiques dans leurs failles et la même histoire qui tourne en boucle de récit en récit, changeant de vêtement pour l’occasion selon les modes. Dans Juliette à poil, on retrouve les mêmes ingrédients synthétisés comme suit. Attention, ne pas reproduire l’expérience chez soi, concept breveté par Nick depuis 1995 :

ROCK’N’ROLL + FEMME = EMMERDES
NÉVROSES – PLAYLIST COMMENT TENTER DE SE SUICIDER EN 13 CHANSONS = DÉNOUEMENT

L’histoire de Juliet Naked, on y vient. Annie et Duncan sont un couple mal assemblé comme on en croise des dizaines, post-étudiants assortis comme un fan de Sinatra et une groupie de Lady Gaga. Reclue par la force des choses – et des destins mal choisis – à Gooleness, miteuse station balnéaire d’Angleterre, Annie supporte quotidiennement la passion dévorante de son quarantenaire de mari pour Tucker Crowe, songwriter alcoolique rangé des voitures depuis Juliet, l’album qui l’intronise simultanément au panthéon des rock stars mondiales et dans le club très confidentiel des salauds égoïste dépourvus de sentiments – un artiste comme les autres, finalement. La machine s’enraye lors Duncan, hanté par la retraite de son idole, décide de s’envoler aux states pour marcher sur les traces de Tucker Crowe, jusqu’à visiter les toilettes de ce bar où, un beau soir de 1986, le chanteur met un mystérieux terme à sa carrière. Absurde et monomaniaque, la traque du serial fan redouble en apprenant qu’un nouvel album de Crowe, sobrement intitulé Juliet Naked, est sur le point de sortir, avec les alternative takes de son album préféré. Fantasmé à plusieurs milliers de kilomètres, Tucker Crowe fera bien évidemment son apparition dans la vie de Duncan et Annie, non sans grand bordel. Du pur Hornby, qui ne déroge pas aux grands principes, l’histoire débute ainsi.

Vaudeville anglais comme on n’en lit assez rarement – pour peu qu’on lise plus de 3 livres à l’année, Juliet Naked s’avère comme à l’habitude pince-sans-rire, surprenant, drôle et sentimental, parce que la vie ne servirait à rien si la femme n’était pas là pour nous demander d’écouter la musique moins forte. Plus que les caractères ou la trame d’écriture, là où l’auteur de Haute Fidélité parvient à surpasser, c’est dans l’évolution des détails avec leur temps. Cousin saxon de Larry David, bloggeur reconverti par défaut qui sait, Hornby dépeint le monde qui l’entoure avec l’acuité d’un kid de seize ans. Héro d’un roman des 80’s, Duncan aurait été président d’un fan club officiel, placé dans les noughties il s’avère patron d’un de ces sites de fans incollables sur leur sujet – Tucker Crowe, au risque même de perdre leur femme. Appliqué aux aficionados de modélisme, de philatélie ou de pêche à la ligne, le scénario marcherait aussi bien. Mais puisqu’il est ici question de rock’n’roll et de stars déchues – Tucker a 52 ans, un enfant de cinq ans et trois divorces, Duncan s’extasiera de l’arrivée de Juliet Naked comme des milliers d’internautes trop prétentieux, en tentant d’être le premier à poster la bonne nouvelle : « Il serait le premier à chroniquer l’album, s’il était rapide. Mieux : il serait le premier à signaler son existence à la communauté ! ». Satyre un brin vicieuse du 2.0. où tout le monde cherche tant bien que mal à étirer son kilobit plus rapidement que le voisin, Juliet Naked touche au but dès les premières pages, parvenant même à décrire précisément ce sentiment qu’on aura tous vécu au moins une fois à l’insertion d’un Cd dans le grand jukebox d’Itunes : « Duncan n’aurait pas pu supporter que les informations (les morceaux de chansons, NDR) s’affichent illico sur l’écran, comme s’il était la sept centième personne de la journée à présenter cette requête ». Des victoires pathétiques (insérer un album qui ne soit PAS reconnu par Itunes), la solitude désespérée (ne pouvoir le dire à personne sans passer pour un évadé d’asile), le surplus d’information (le fameux Google check qui empêche désormais la disparition de qui que ce soit), tout y passe, jusqu’à l’insertion de fiches wikipédia consacrées à Tucker. Modeste dans l’écriture, Hornby ne fait pourtant pas les choses à moitié, parvenant finalement à convaincre le lecteur que Tucker Crowe n’est pas fictif, que l’auteur – comme pour ses autres ouvrages, s’est contenté de mélanger vraie culture populaire et fiction. Haute Fidélité s’imposait comme un modèle de mixeur à playlist, Juliet Naked ne tient que sur du faux. Et pour autant le livre conserve un rythme pop, se lit à la vitesse d’une chanson de Phil Spector.

Scénarios prévisibles mais plaisir inchangés : à quel rock star pourrait-on finalement comparer Nick Hornby ? Mick Jagger (trop facile, et faux de surcroit), Johnny Halliday (non, je déconne), Paul Weller (pour la visée sociale), Neil Young (pour la longévité) ? Avec ses cinquante kilos tout mouillés, Hornby cache une sacrée paire de testicules cachées au fond de l’encrier, suffisamment pour imposer Juliet Naked devant 31 Songs (trop rock critic) et About a boy (trop neuneu). Big enough pour les tracas du quotidien, assez drôle pour une immersion sur grand écran. Qui sait, John Cusak est peut-être disponible pour une nouvelle adaptation.

Nick Hornby // Juliet Naked // 10/18

3 commentaires

  1. Lu aussi et dans l’ensemble bien déçu… Et pourtant, j’aime beaucoup Hornby (sauf l’ennuyeux 31 Songs).

    Le talent que je lui trouve c’est d’arriver à parler des petits tracas de la vie de tous les jours, des réactions les plus banales des gens et d’arriver à en ressortir qqs vérités. Dans High Fideliy mais aussi dans About a Boy (pour ne prendre que ces deux là), il y arrivait formidablement bien. Il arrivait à déceler des travers de tous les jours et à les exprimer en une phrase ou deux. Et surtout avec beaucoup d’humour.

    Et puis là… non, pas vraiment. Au début oui (et tu résumes bien l’affaire à dire vrai, notamment quand Duncan découvre le disque). mais rapidement non. Il y en a mais beaucoup moins et la plupart du temps c’est trop facile.

    L’histoire en elle même n’est pas terrible, finalement pas si bien menée que ca. Et qu’on passe du tout au tout: Duncan, Annie, Tucker puis les enfants de Tucker etc. Il y avait pourtant la matière pour faire de Duncan un personnage très intéressant (un peu concon, geek avant l’heure, etc).
    Au lieu de ca, il se positionne (c’est un choix, on est d’accord) sur Tucker Crowe qui est creux comme pas possible (son comportement de père à chier transparait oui mais jamais Hornby va au fond des choses). Et que dire d’Annie, personnage plat comme une limande…

    Je trouve aussi que les personnages secondaires sont tous trop secondaires (Gina, Barnesy & Gav, Ros) sans qu’on approche le début d’un commencement de découverte (et pourtant, il réussit à créer des personnages qui pourraient être franchement intéressants.
    Le petit Jackson est par contre assez savoureux avec sa répartie.

    Mais à part ca, j’ai trouvé ca moyen. L’intrigue est bidon quand même, la fin est ridicule au possible, culminant avec les 3 dernières pages plus que nulles.
    Sympathique au début et très vite décevant. 🙁

  2. Comme quoi les avis… disons que l’intrigue vire un peu surréaliste dans la seconde partie du livre, mais les ping pong entre Tucker et son fils, ceux entre Annie et Duncan, m’ont vraiment touché, j’y ai vraiment lu le portrait cynique froid des anglais, dans ce qu’ils ont de réel.
    Dans une époque où les rocks stars sont un peu fades, revenir sur le filon nostalgie des vieux qu’on a oublié, ça m’a semblé être un bon moyen d’entretenir temporairement la flamme.

  3. J’ai décroché au bout de 30 pages. J’étais peut-être pas dans le mood. Je ferai nouvelle tentative dans quelques semaines car il faut donner une seconde chance à certains livres.
    Cordialement + bonne contination

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