If  you’re not indie, f*ck you ! Le monde souterrain vidéoludique, depuis quelques années, gronde. Face à des éditeurs qui ne reculent devant rien pour annihiler l’individu et le fondre dans la masse écrasante de plus de 100 programmeurs, face aux game designers sans testicules qui ne se soucient guère de savoir si le jeu vidéo est, oui ou non, plus qu’un simple divertissement pour pré-ados attardés, le jeu indépendant frétille et croît.

Oubliez les grosses légumes, même intelligentes, même dotées de jolis noms auteurisant comme Molyneux, Kojima ou Cage, elles restent soumises à un mode de production, des contraintes financières et des limites temporelles dictées par un marché typé Tinseltown, qui ne voit le jeu vidéo qu’à travers le prisme du saint dollar. Les héros touts neufs de cette alternative à l’industrie lourde et abrutissante se nomment Kyle Gabler, Dan Paladin, Jenovah Chen etc. De petites équipes pour de très grands jeux et une éthique sans concession qui épouse avec bonheur le « Complete Control » des Clash. Comme le rock qui conserva son rang de trublion contemporain une fois la bise punk venue, le jeu indé reste profondément ancré dans ton sphincter.

Pas éphémère du tout, la vague continue ses distributions efficaces et revigorantes de gnons virtuels. Il y a un mois de ça, Super Meat Boy, développé par le cerveau dégénéré d’Edmund Mc Millen et les petits doigts ingénieux de Tommy Refenes, sortait sur Xbox 360. Et dans quelques jours, ses quelques megaoctets de puissance nostalgique déferleront sur Steam….

Super Meat Boy, gavé de sang, d’amour et de gloire, conte les exploits d’un minuscule bout de viande (Super Meat Boy) devant sauver sa copine (Miss Bandage) des minuscules mais redoutables moignons de pixels de l’effroyable Docteur Fetus. Seulement la taille, la phocomélie et les tendances pacifistes de notre anti-héros mou et saignant, contrarient grandement ses désirs d’amour et de paix. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le machiavélique Docteur Fetus, dans sa toute puissance, a conçu 300 tableaux infernaux semés de cruelles embûches avec pour unique carotte, Bandage Girl. Pour récapituler rapidement ces 300 situations, vous êtes petit, sanguinolent et sautillant. Une multitude de pièges se dressent entre vous et votre dulcinée. Une fois le traquenard franchi, Bandage Girl vous tend les moignons… Problème, Dr Fetus, aidé de son jet pack invisible et supersonique, kidnappe Bandage Girl pour la re-déposer diaboliquement dans le tableau suivant. Ou précédent, puisque Super Meat Boy – comme la plupart des jeux vidéos – défie toute logique.

Dans son concentré d’hommage à la vieille garde du jeu de plate forme 80’s (Super Mario Bros = SMB…) Super Meat Boy refuse catégoriquement l’appel de la (pas toujours) Sainte Originalité.

Toutefois, SMB est moins un vain amusement suranné soumis à quelques principes tutélaires, qu’un recueil bouddhiste de poèmes interactifs véloces comme Usein Bolt, beaux comme du Wordsworth et drôles comme un dessin de Gilliam. A la manière de certains poèmes issus des Lyrical Ballads, Edmund Mc Millen flagelle sans relâche le joueur d’un unique mais imposant discours. Sur l’ouroboros du désir, l’acmé n’est pas à chercher du côté du désir même, mais dans la recherche de ce désir. Et, petit éclaircissement pour ceux qui seraient susceptible de trouver mon charabia façon philosophie de comptoir totalement abscons, l’homme est un éternel insatisfait… Et le joueur de n’être quasiment jamais tenté d’atteindre le but, l’ultime niveau, l’ultime boss. Première explication : l’extrême difficulté du jeu évince à 90% toutes chances d’y accéder. Deuxième explication : le plaisir est aisément dénichable à travers le simple accomplissement des quelques 300 niveaux que Super Meat Boy a à offrir. L’avalanche de possibilités qu’Edmund propose par l’entremise de vos pouces agiles et infatigables permet la jouissance, incongrue au premier abord, du sportif virtuel qu’aucun défi hardcore n’effraie.

Découpé comme un ensemble de poèmes, avec ses alexandrins de scies circulaires et ses rimes de barbaques ensanglantées, Super Meat Boy évoque les premiers essais lyriques d’un gosse de 8 ans, turbulent et génial. Le joueur zen, attentif et ouvert se laissera porter par l’humour référentiel et épico-comique de cette attraction intelligente et pseudo-végétarienne. Maintenu par de folles mélodies, passant d’un 8 bit electro-metal cocaïnomane à des symphonies hollywoodiennes que Michael Bay ne pourrait refuser, Super Meat Boy étend son empire fou jusqu’aux frontières fertiles des terres sacrées du dieu qui sait que se moquer des élans homériques de certains mauvais jeux héroïco-plouco-fantaisistes est une priorité nationale.

Super Meat Boy n’est, en aucun cas, le supra messie digital que toute la communauté indé est en droit d’attendre, cependant nous savons désormais qu’il faudra ajouter Edmund Mc Millen à la – déjà bien fournie – liste des grands indie-candidats prometteurs.

Edmund Mc Millen // Super Meat Boy // Sur XBox

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