A l’écoute d’un rap qui réutilisait les chœurs africains de Soul Makossa le mois dernier, j’avais remis Thriller dans ma playlist. Rien que pour Wanna Be Starting Something. Puis Off The Wall. Voyage dans un jeu de basse vers l’horizon black, cette ligne floue où se mélangent funk et disco à une pop eighties chargée en guitares.
Aucune émotion. Mais la satisfaction d’avoir retrouvé un des modèles (du pire) des années de mon enfance. Et de savoir enfin pourquoi le single de Christophe Willem persistait à me coller à la tête alors que c’est fin nul : parce que Zazie, son « compositeur », l’avait pillé à Don’t Stop Till You Get Enough.
Entêté, comme sur le coup d’un parfum capiteux, je convainquais ma tendre et chère de regarder Moonwalker. Joyau d’une époque enfouie dans le coffre à trésor de ma mémoire de gosse. Mon premier biopic en un sens. Mon premier pas vers un mythe, à une époque où je lisais plus souvent Tilt et Joystick que des torchons qui parlaient de ce que mon père nommait – sans mâcher ses mots – de la musique de singe.
Résultat ? 93 minutes d’auto-fame, dont au bas mot 45 d’ennui.
Les premières images de la staaaarrr live sur une scène de stade comme je rêve de ne plus jamais en voir que pour Johnny et Madonna (supplique aux tourneurs respectifs : organisez un tour commun, qu’on puisse être enfin épargnés des images de ces foules crétines au JT du soir.) prêtent plus à sourire (« t’as vu la grosse au premier rang qui s’évanouit en live ? ») qu’à la fascination. Nous évoquons l’époque du stadium rock avec l’humour de ceux qui ont vécu le kitch ou porté la moustache.
Suit alors le plan séquence des objets fétiches du king (pas le King de Memphis, non, mais je ne peux pas dire le prince, sinon vous allez confondre avec le Prince, celui qui n’as plus de nom, juste un symbole clef de so(u)l égyptianisante) tous disposés comme sur un autel. En fond, des chansons plus anciennes, d’abord du Five – celui de l’Indiana, pas de la motor city hein – puis d’un enfant noir et crépu qu’on peine à reconnaître. Défile lentement l’exposition des photos encadrées sur un vieux meuble, de lui, de son singe, des gants diamantés posés à côté, et tout à coup les souvenirs rejaillissent :
« Ta mère a appelé pendant que je faisais la vaisselle, j’ai oublié de te dire. »
La demoiselle, fronce les sourcils devant la parodie du clip de Bad avec des mioches dans des combi ridicules puisqu’elles rappellent que les années 80 furent aussi les années de l’acrylique. Ce que nos amis du glam-metal appelaient fièrement du Spandex mais qui chez nous n’est autre que de l’élasthanne, toute cette matière qui donna à mon enfance des cauchemars de sous-pull.
Agitation sur le sofa. Elle réclame des explications ; je m’exécute.
Non Moonwalker n’est pas un docu, ni un film, c’est une suite de clips. Enfin de vidéos qui. Qui… Euh. Bon là, la poursuite en moto filmée avec le lapin en animation surimprimé façon Roger Rabbit, c’est presque plus un film qu’un clip mais euh… En… moins bien ?
S’en suit une longue explication du mythe Jackson pour celle qui semblait être passée à travers (trop jeune ?) : l’homme extra-terrestre, le danseur exceptionnel, le fabuleux clip de Thriller qui m’avait filé la chair de poule (en même temps j’avais 5 ans) et rendu malade toute une nuit pour l’avoir seulement aperçu à la télé – avant qu’on ne m’explique que je faisais une gastro-entérite –, l’entourage culte de Paul McCartney et Liz Taylor, les partitions de basse à déclencher des syncopes bien que sûrement jouées au synthé, etc.
A l’image des gosses qui gambadent avec Mickael dans un pré en jouant au ballon, je perds lentement ma conviction. Etait-ce une bonne idée ? Tenter de justifier un culte auquel je n’ai jamais vraiment souscrit et qui aujourd’hui a tout d’une vidéo de propagande pédophile ? Impossible en effet de regarder Moonwalker aujourd’hui sans avoir des frissons dans le dos de savoir tout ce qui a suivi. Parce qu’après avoir fait joujou avec les mioches, voilà que Bambi tente de les traîner dans un bordel ‘Années Folles’ où il se frotte le bas-ventre contre quelques catins. Puis, sous couvert de combattre un méchant dealer de dope, notre héros subit différentes transformations toutes plus grotesques et plus symboliquement discutables : susbtitut phalique évident que cette bagnole, gros mecha-robot dont les tétons repoussent les balles…
Nous coupons le film pendant la séquence finale de la reprise de Come Together, dont la portée érotisante n’est plus à argumenter, devant un parterre de hardos en cuir et jeans troués, parmi lesquels, entre putes et videurs du fucking blue parrot, se tiennent fascinés les enfants de tout à l’heure.
Afin de rattraper le coup sans à avoir à revenir sur mes propos, je procède dans les jours qui suivent à la conclusion logique de ce come back sur une carrière fascinante : South Park, saison 8, épisode 7.
Ahhh. Cela va déjà mieux. Les choses rentrent dans l’ordre. Déjà avec Charles Trenet j’avais ressenti cette intense libération. On va enfin pouvoir critiquer le vilain taré de la pop, sans craindre de procès en diffamation. Et ne conserver que le seul truc valable chez Jackson : sa musique de 79 à 87.
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