Bière chaude à 8 euros, clope sur clope, terrasse blindée et barbeurk: sueur et graillon me tiennent la main quand ça commence enfin. Je n’ai pas trop le temps pour les civilités : à coup de coudes, d’épaules, de sac de filles, je m’insère dans la foule. Arrive devant pile poil. Derrière moi, ça râle, un gars me susurre « dégage » … Ca commence bien.
Le festival de la villette est un joli festival dont l’intérêt principal est de faire découvrir, de ramener sur scène ou de convier les groupes dits confirmés. Le festival de la Villette est un joli festival qui fait se côtoyer curieux et amateurs. Mais le festival de la Villette est un joli festival où en plein cagnard la bière est chère (quand les pompes fonctionnent), où tu patientes à pied dans des embouteillages, et qui fait se battre novices et fans pour avoir une putain de place devant. Bien sûr que non je n’allais pas dégager, connard. Une des plus belles scènes de mythologie doit avoir lieu et tu voudrais que je rebrousse chemin ?
Angus Andrew, l’âme des Liars, entre en scène et montre, lui, à quoi doit ressembler un vrai mec. Un qui n’a pas peur de nous amener la flamme, à nous pauvres mortels alignés dans la fosse, pour nous alimenter le brasier et nous enflammer jusqu’au trognon. Un qui ne susurre pas. Bref un demi-dieu quoi. En slim certes et avec la gueule de Ron Perlman mais demi-dieu tout de même. Un tel rocher, franchement, qui ne le suivrait pas ? Lutter contre le temps qui nous bouffera trop vite la soirée, battre plus vite que lui et hurler plus fort encore… Nous nous sommes tous embarqués et, toutes mains levées vers lui, nous tremblons de le toucher (stupeur), de ne pas le toucher (consternation). Perso, c’est plutôt le coup de boule au genou du héros que je pratique : moins commun, plus classe, pas discret mais inévitable quand on s’agite sans compter. Je me souviens d’un concert à la Boule Noire, de sons plus brillants, de structures froutraques qui m’avaient désarçonnée, de paillettes et d’oranges (ceci n’est pas une métaphore) dans le slip du batteur. Ce soir la triade est précise, pas un pour dépareiller les autres, et Liars mérite sa jeune légende. S’agiter, il y a de quoi : pas (trop) de répit entre les morceaux, eux-mêmes resserrés, tenus. Retour des sons anciens, troublants, une percussion précise et obsédante, la guitare l’accompagne (Aaron Hemphill beau, calme et attentif comme un bassiste, mais je ne dis pas ça parce que je suis bassiste…en fait si): il n’est pas inutile de parler de tribal (sans les plumes et les tresses). Ou du post punk dont on les affuble. Mais j’aime pas les étiquettes journaleuses.
Parlez-moi plutôt d’instinct primaire : taper des pieds, jambes convulsées, se perdre dans la houle où plus aucun visage n’est humain, les cheveux qui serpentent autour de mon cou, mordre la joue de la voisine, en rythme frapper à pleine paume sur la scène, oublier un mec croisé dans le métro, rire et embrasser un inconnu, se souvenir du mec croisé dans le métro.
Et sous la houlette de Liars, invoquer et évoquer. Puisque si je danse ce n’est que pour réveiller les morts.
Photos: Cyprien Lapalus
www.myspace.com/liarsliarsliars