De la nécessaire réhabilitation de Ron Wood, pièce maîtresse du rock anglais depuis la fin des sixties, trop souvent mésestimée.
Je l’avoue, il y a quelques jours, j’ai proposé à Bester une interview-gag, notoirement bidonnée, de Ronnie Wood. Mais entre temps, des évènements nouveaux – et d’importance – se sont produits. Par conséquent, cette chronique tentera simplement de braquer un éclairage nouveau sur une figure du rock anglais trop souvent négligée. Figure que, curieusement, peu de rock critics considèrent avec sérieux.
J’en reviens toujours à Philippe Garnier, mais il reste l’un des rares à avoir écrit des choses pertinentes sur le travail de l’éternel guitariste intérimaire des Rolling Stones. Parmi ses autres défenseurs, citons Glyn Johns (producteur des Who, Faces, Rolling Stones, Led Zeppelin… ), qui considère que son entrée dans les Rolling Stones constitue l’un des plus grands gâchis de l’histoire du rock’n’roll, eu égard au potentiel créatif de Wood, systématiquement étouffé par la paire Jagger-Rrichards. Alors, Ronnie Wood, finalement, «qu’est-ce que c’est»?
Avant de répondre, je tiens à préciser que je ne m’arrêterai pas sur son groupe sixties, The Creation, qui n’a, à mon sens, aucun intérêt. En effet, contrairement au cinéma et à la littérature, le rock’n’roll ne souffre pas la série B. Ainsi pour les sixties, mis à part Who, Stones, Beatles, Hendrix, Dylan et Kinks, je ne vois pas grand chose à sauver.
On s’intéressera donc à Ron Wood, à partir de la toute fin des sixties, quand il rejoint le Jeff Beck Group, avec son ami Rod Stewart – autre immense artiste injustement raillé. Ces deux trublions alcooliques arriveront à insuffler un peu d’énergie et de fantaisie aux deux albums du J.B.G., qui, sans eux, n’eussent été que de banals catalogues de solos de guitares sur fond de riffs mal taillés (n’est pas Paul Kossoff qui veut, n’est-ce pas…).
En 1969, quand Wood et Stewart quittent le Jeff Beck Group, les ex-Small Faces sont à la recherche d’un nouveau chanteur et d’un guitariste, suite à la défection de leur leader, Steve Marriott, parti fonder Humble Pie avec Peter Frampton. C’est de la rencontre de nos deux évadés du J.B.G. et des ex-Small Faces, Ian McLagan (keyboards), Ronnie Lane (basse, vocals) et Kenny Jones (batterie), que naîtra un des groupes majeurs des seventies : The Faces. «Groupe majeur des seventies ?», répétez-vous dubitativement. Sachez que cela est parfaitement vérifiable. Procurez-vous la vidéo « The Best of Rod Stewart & The Faces » (2003 – Wienerworld). Vous comprendrez que les Faces étaient grands sur scène (mais pas nécessairement en studio, je vous l’accorde).
En 1975, à la fin des Faces, Ron Wood rejoint – nous y avons fait allusion plus haut – les fameux Rolling Stones… Enfin, il ne les rejoint pas complètement, car, jusqu’à une date récente, il ne sera que salarié du groupe, et non membre de plein droit. Il fit, en effet, l’erreur de sa vie lorsque le management des Stones lui demanda s’il préférait être salarié ou toucher un pourcentage sur les revenus du groupe. Il choisit d’être salarié.
Il n’était d’ailleurs pas au mieux de sa forme le jour où il signa ce contrat, comme le raconte son avocat d’alors :
« J’étais avec Ron, chez l’avocat des Stones, lorsque je constate un truc bizarre, au moment ou il s’apprête à signer. Je lui demande :
– Heu, tout va comme tu veux, Ron ?
Il me répond, surpris :
– Mais oui, tout baigne… Pourquoi ?
– Oh, Ronnie !… C’est juste que… tu tiens ce foutu contrat à l’envers ! »
C’est grâce à la situation financière précaire, entraînée par ses mauvais choix contractuels, que Ron Wood ressentira le besoin de poursuivre une carrière solo, entamée brillamment en 1974, avec I’ve Got My Own Album to Do. Tout au long des seventies et des eighties, il sèmera sur son chemin une pluie de pépites vinyliques pour happy few, qui réjouira notamment les amateurs de blue eyed soul. Les plus grands songwriters lui fourniront du matériel : Jagger-Richards, bien sûr, mais aussi Dylan (leurs timbres de voix sont très proches), Parliament, Bobby Womack, j’en passe…
Aujourd’hui, la situation commence à changer. Ici et là, des voix s’élèvent. La presse anglaise a compris récemment l’importance du musicien Ron Wood. Gilles Renault, dans Libération, lui a consacré un article, samedi dernier. Dernier épisode en date : Ron Wood est le sauveur des Rolling Stones. Le jeu de Keith Richards, chacun ayant pu s’en rendre compte, étant extrêmement diminué, en raison de problèmes d’arthrite, c’est sur Ron – désormais parfaitement sobre et en possession de tous ses moyens – que repose le son des Stones en concert.
Le garçon, après tout, n’a que soixante ans, ce qui, par les temps qui courent est relativement jeune pour une rock star. Et je prédis, s’il laisse un peu de côté sa carrière de peintre, quelques bonnes surprises. Une reformation des Faces n’étant pas totalement à exclure.
Illustration par Jüül
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