Why don’t you all just f-f-fade away ? Talking about my geeeeneration !
C’est marrant comme ce thème a traversé les âges. Y’a des chansons comme ça. N’importe quel type qui qui a un médiator dans ses poches sait les jouer. Hey Joe, I Wanna Be Your Dog, Gloria… Vous connaissez la blague de Dave Barry qui dit si on fait tomber une guitare dans un escalier, elle jouera Gloria avant d’arriver en bas ? Et on pourrait en citer une pelletée d’autres, mais là, c’est My Generation qui me vient.
Comme j’ai jamais aimé les Who, c’est la version de Patti Smith qui m’a la première secoué le marteau sur l’enclume. Puis les versions détournées, pied-de-nez ou incestueuses : le désagréable My Generation de Limp Bizkit (incluant le bégaiement d’ailleurs), ou le Your Generation (« don’t mean a thing to me ! » si vous vous rappelez) des justement nommés Generation X du punk plastoc Billy Idol. Et puis j’ai déniché une version de Green Day. Jouée avant même qu’une quelconque reconnaissance ne leur tombe sur le poil avec Dookie, avant même qu’on parle de skatecore ou punk californien.
Aucune filiation entre les Who et ces glandeurs sans accent britannique ni revendication anti-sunday roast. Tout juste un aveu de fan, trop souvent réitéré. Mais cela restait un cri de ralliement. Un truc qui voulait dire par-dessus tout : on a le même âge, les mêmes emmerdes à trouver des filles ou du fric pour remplir le réservoir de nos épaves, mais on préfèrerait se raser la tête que de rentrer dans votre société pourrie, dirty old sods !
Dix ans après, il a fallu qu’ils nous la jouent poseurs. Posture politique so cliché à la Clash, coiffés et sappés émocore pour pondre du Sum41 vieilli en fût de gerbe sur un album concept (sic ! Il y a des punks qui doivent se retourner dans leur linceuil à épingle à nourrice). Un opéra rock – maudit sois tu, Townshend ! – gluant de ce que les salopards radiophoniques appellent désormais sans vergogne le classic rock. Un mot fourre-tout pour amalgamer folk rock, stadium rock, et glam sans se demander si ces courants ont un quelconque lien ou même une véracité historique. « Donnez-moi de l’entertainment et je signe pour 5 ans. »
Va t’en mourir Green Day. Fuck, je ne sais même pas pourquoi j’en parle.
Si en fait, je sais. Parce que j’ai racheté Dookie il n’y a pas 6 mois. Parce que cet album était dans l’étagère de tous mes potes de lycée. Tous. Même si je n’ai jamais tenu sur un skate – je ne crois pas avoir véritablement essayé d’ailleurs – cela me parlait à moi. Cela avait un son nineties, et si aujourd’hui ce mot file des aphtes, à l’époque cela voulait dire « plus proche de Nirvana et Albini que de n’importe quel U2, Cure ou ces salopards de Rolling Stones et leur Bridges To Comptes en Suisse ». Parce que cela allait vite aussi, plus vite que le lourd et gras grunge.
Je me souviens que la partie basse de Longview fut un des premiers riffs que j’ai appris et que je continue de faire quand je veux me dénouer les doigts sans avoir à tenter les gymno’ de Satie. Alors mon batteur de l’époque craquait : « Non Non et Non ! C’est putain d’injouable, cela va trop vite, c’est de la merde, je jouerai pas Green Day ! »
On savait tous qu’en fait il n’y arrivait pas et que ça le rendait dingue. Comme chacun de nous. Comme quand les Ramones ont commencé j’imagine. N’empêche, « I’m feeling like a dog in heat / Barred indoors from the summer streets » cela fait écho aux textes des Stooges 20 ans plus tôt. « When masturbation lost its fun / You’re fucking breaking » cela parlait à une jeunesse qui n’avait qu’une guerre en Irak à ressasser en attendant la mort. C’était de ma génération.
Ce 21st Century Breakdown avec son piano pourri et ses paroles récupérées (« My generation is Zero » ligne 5, « I never made it as a working class hero » ligne 6…) soulève la question de savoir si on doit faire avaler à Billie Joe Armstrong ses premières Vans ou lui trancher les tendons pour qu’il ne nuise plus. Et j’en pense tout autant du ‘nouveau’ Marylin Manson (en quoi est-ce nouveau au fait ?), du dernier Placebo (mon dieu, faites que ce soit le dernier), ou du prochain White Stripes.
Et pourtant, même si, il y perce un point extrêmement positif : ce sont des navets de trop.
Je pense à ceux qui ont eu quinze ans à la sortie de American Idiot. Ceux dont les années zéro auront été comme deux parenthèses étoufantes autour de l’adolescence. Ni manifeste ni mouvement propre à cette décennie si on ferme les yeux (merci ô prescription médicale de nitrazepam) sur le nu-rave, et la vacuité d’un combat politique anti-bush, anti-blair, anti-sarko, anti-who’s-next, pour tout exutoire à leur haine ; alors il lui reste quoi à cette génération ?
Ceux qui auront eu Green Day pour toute révolte durant les cinq dernières années seront obligés de réagir. De faire quelque chose en réaction. Que ce soit du néo-indus qui nous crève les tympans, du sous-Black Flag, ou du GG Allin à en repeindre les murs, j’accepterais tout et même le pire du moment qu’ils construisent eux-même leurs barricades pour s’y enfermer. Jeter dehors des vieux comme moi et nous vomir leur dégoût de notre système. Je sais que vont rejaillir des phrases comme « à mort le vieux rock », ou « on veut pas être célèbres, on veut être libres ». Cela aura un goût de déjà vu mais c’est nécessaire. Enfin le retour du mot « authentique », loin de tout ‘concept’ pour écrire un album ! Faites votre truc, foutez-nous au feu. Je veux juste serrer la main du nouveau Henry Rollins, Ian McKaye, ou Steve Albini.
Et d’ici là ? Quelle action prendre ? Aucune. Nous ne sommes même pas légitimes pour agir, ni même les conseiller. Mais une proposition pour tous les autres à défaut de mieux : Why don’t you all f-fade away…