Six jours sur les rangs. Accrédités et affutés, parés à essuyer une volée d'images et de sons giclant de la veine de l'intriguant. Tandis que les moins de quinze ans s'initiero

Six jours sur les rangs. Accrédités et affutés, parés à essuyer une volée d’images et de sons giclant de la veine de l’intriguant. Tandis que les moins de quinze ans s’initieront au rock chamanique avec When You’re Strange, Le Point Ephémère la joue élitiste et rempile pour un quatrième volet du festival Filmer La Musique.

Benoit Bidoret et Vic Vega retracent le script d’une semaine à résonner de la rétine et s’écarter les tympans. Le tout pour cette compilation de bobines électriques. Extraits du carnet de bord, en essayant de ne pas rayer la bande.

1. Sheriff Perkins: Me and my guitar (and my drums, and my…)

D’entrée, l’ambiance est hostile. La moquette de l’espace performances se décolle par à-coups, au son de la gomina qu’on égorge. Une lame affutée qui tranche dans le vif, rapidement, presque proprement. Trente minutes de déflagrations, de riffs abrasifs sur lesquels roucoule une voix de soiffard baryton. C’est la cavalerie, mais Sheriff Perkins est seul et distille son Pure Rock’n’roll par monobanding. Il roule une cigarette et m’explique rapidement: Après avoir trainé son ignorance de black métalleux au sein de quelques ébauches de groupe, il envoie valdinguer ses dark copains pour s’acoquiner avec Bob Log III et les fantômes des plus volontaires bluesmen d’avant-Guerre. Fidèle à leurs méthodes, il rejoint l’internationale du monobanding (Italie, Canada et surtout le Brésil de Chuck Violence avec qui il entreprend des tournées) et se lance dans la tournée des rades. A suivre du fond d’une pinte.

2. Haack, the king of techno/Theremin/Harry Partch: Just their imagination

Quatre Films (dont deux sur Harry Partch) autour de personnages liés par une même douce folie créatrice. Pourtant, les trois protagonistes squattent la bande différemment. Bruce Haack a trop peur de renverser le monde avec ses instruments home made (le plus fameux étant celui qui réagit au contact de la peau d’une tierce personne) et préfère jouer dans son coin, pour les enfants. Du coup, ses bizarreries proto-électroniques au goût de gâteries girls group robotisées se voient affublées de lyrics gentillets (voire crétins) et sont jouées dans des émissions intenables quand on a plus de sept ans. Leon Theremin, lui, joue l’amour courtois sans tripoter son bâton. Le film documentaire qui lui est consacré valse de New-York en smoking au goulag époque guerre (très) froide, des doigts de Lénine à ceux d’Einstein. D’une poésie désuète qui gazouille et ne touche qu’avec les yeux (riez, hétéros du web en recherche constante du tag parfait, c’est le moment). Harry Partch, enfin, n’a personne contre qui se rebeller et préfère se retrancher dans sa propre musique, littéralement. Douze tons, trop peu pour lui, il bourrine les intervalles de ses instruments complexes (eux aussi, home made) et élargit la gamme à 43 tons. Tellement anxiogène que j’en viens à m’inquiéter. Suis-je musicalement fasciste et occidentalo-centré ? Ou simplement bercé trop près du mur du son ?

3. Os’sphaeratu/Ariel Pink’s haunted graffiti: Check please

On frôle le désastre dès le premier soir. Au premier déclin des spotlights débarque Os’sphaeratu, d’anciens membres d’Aqua Nebula Oscillator déguisés en backing band d’Alice Cooper à l’heure du goûter chez Mickey. Guitares panzer en pistolets à eau, ils accélèrent, ralentissent et déjouent sans jamais rattraper Black Sabbath et ses divins changements de rythme. Puis Ariel Pink et sa joyeuse bande antipathique viennent vendre leur album qui sort le jour même. Si la sauce semble monter au cerveau sur les deux ou trois premiers morceaux, ils se ramassent dès qu’ils feintent l’agression. Il faut dire qu’Ariel Pink a l’allure du mec qui joue à la poupée avec lui-même (des couettes flippantes sur le crâne, des fringues tricotées dans des chaussettes). Et que dire de sa voix ? Sifflant, raclant, bramant, roucoulant, il chante comme un rectum un lendemain de cuite. Résumons cette triste fin de soirée en une phrase : les kids de la hype s’éclatent à dodeliner mollement de la tête, et c’est leur façon d’exulter. Merci, au revoir.

4. Babylon/135th grand street: Up and (really) down

Dans le cadre d’une carte blanche à Soul Jazz Records, Stuart Baker, fondateur dudit label, présente Babylon et 135th grand street. Fiction pour le premier, cauchemar éveillé pour le second. Si mes oreilles résument bêtement le reggae à Toots and the Maytals et Johnny Osbourne, mes pieds n’auront pu s’empêcher de réagir compulsivement à la rythmique en contretemps qui tapisse les sales histoires de la bande de Babylon. Velvet Goldmine (un plan d’introduction étrangement similaire), Quadrophenia, Rude Boy, This Is England ? Un peu de tout cela, mais avec dread-locks et sportswear. Un cheeseburger plus tard, 135th grand street  va minutieusement piétiner le groove hérité de la séance précédente. Une poignée de snobs new-yorkais forment et déforment des groupes no-wave hallucinants de froideur. Ils semblent vouloir prouver aux cendres d’Hitler que la race blanche est la seule à pouvoir jouer une musique vraiment dégénérée. Darwinisme en direct, quelques spectateurs quittent la salle au bout de quelques minutes, et seuls les plus robustes tentent de survivre. Les deux ou trois groupes à jouer la carte de la mélodie passent pour du Haendel et les autres, obsédés par la déconstruction et le bruit le plus déconcertant balancent d’immondes sonorités qui ressemblent sans doute à celles qu’on pouvait entendre à Treblinka lorsque sonnait l’heure de la douche.

5. The Cavaliers/Mustang/Jessie Evans: Beauty of the beast

Avant d’entrer, deux distributeurs de flyers discutent à côté de moi, râlent d’un concurrent qui casse les prix. L’un d’eux porte un t-shirt sale, roule un joint et cite en guise d’argument l’alignement d’Orange, Bouygues et SFR. Avant que Mustang ne chante Le Pantalon, je croise donc les doigts pour que le vaste empire roots-à-chien-à-la-coule-man se fissure de lui-même, courant après le capitalisme le plus sauvagement illégal. Mais avant les Clermontois, les Cavaliers prennent grand soin d’embraser la salle les premiers. De loin le concert le plus électrique de la semaine. Une longue éjaculation sur laquelle surfent moustaches et fringues noires. La soirée risque de prendre un accent Jean Roucas (c’est quoi une mustang ? une Fuego d’Amérique, dixit le bassiste) mais Mustang rectifie le tir. Un sérieux à toute épreuve pour aligner des titres d’A71, leur premier album, revus à la sauvagerie. Mustang pourrait suffire, seul, au rock français. Enfin, Jessie Evans crache un mollard qui a le goût d’une fausse promesse. Moins jolie et plus habillée qu’en photo, ses quelques notes de saxophone sont sans effets. Du coup, elle se démène, danse n’importe comment, descend de scène et, tiens, me bouscule le regard noir. Cela tombe bien, elle et moi nous séparons d’un consentement mutuel.

6. Elektrokohle/The road to god knows where/Okay okay der modern tanz: Pastoral boredom

Uli Schueppel ose les efforts de français pour presenter deux de ses films. Elektrokohle-Off ways suit le groupe Einstuerzende Neubaten passant à l’Est. Nous sommes en décembre 1989, le mur vient de tomber mais habituellement, seul le vent passe d’un côté à l’autre. Neubaten prend le temps de faire la b(r)ise à Jack Lang, de passage, de rouler deux fois au panzer sur mille gens comme les autres ravis de clamer qu’ils ont été mis sur écoute par la Stasi puis s’en retournent récupérer leurs passeports. Gros défaut d’Uli Schueppel, il ne filme que très peu la musique tout compte fait. Un défaut largement repris dans The road to god knows where. Cette fois-ci, c’est Nick Cave et les Bad Seeds que Schueppel suit à travers le nord des Etats-Unis. Drogues, alcool et sexe disparaissent de ce film de tournée en noir et blanc, lui laissant l’aspect d’un Cocksucker Blues protestant. Surtout, la séance m’est consciencieusement gâchée  par une groupie barbue qui, juste derrière moi, ne rate pas une occasion de rire pour montrer qu’il comprend les artistes (Nick Cave qui joue au billard, hilarant n’est-ce pas ? Nick Cave qui baille, se gratte le coude, n’en parlons pas) et de chantonner dès que la musique démarre. Cet empafé m’ennuie, plus encore que Okay okay der modern tanz. Berlin Ouest au 16mm. Soyons précis, les décharges, centrales électriques et autres barres d’immeubles de Berlin Ouest. Soit un des pires clichés arty mêlé, il est vrai, à une musique sidérante, celle de Père Ubu, mais surtout des Residents. Maheureusement, les quelques plans scotchant s’éternisent au point parfois de se voir pousser une grossesse comique indésirée.

7.Turzi/Zombie Zombie/Les autres: Le twist mutant

Dernière soirée et l’ambiance se tend. Turzi défie spectres et trombinoscopes en solo avant de se planquer au fond de la scène pour aider Zombie Zombie à faire décoller sa soucoupe dansante. Jaumet et Cosmic Neuman cognent le cortex des dizaines d’humanoïdes débilisés, instrumentalisés qui abandonnent tout espoir de lucidité et de cohérence. Je tente de capter cette folie électronique et une mutante, les yeux sur les seins, danse contre moi. Je la suis du regard, la perd, tant pis. Reste cet enthousiasme syncopé que seul mon corps convulsé exprime. Je n’existe plus que par la musique de Zombie Zombie, une bulle chaude pouvant à exploser à tout moment. Je reprends mes esprits au milieu du dernier break, et je suis déjà aux commandes de mon croiseur interstellaire. Un regard lancé à ma droite et ma chérie zombie est à la place du mort. Dernières dilatations cérébrales, au-delà du périphérique la bordure extérieure. C’est là que nous allons, et tant pis si ce n’est qu’un film.

http://www.filmerlamusique.com/

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