Don Jon semblait être un de ces films qui sur le papier avait tout pour plaire : deux acteurs, Joseph Gordon-Levitt et Scarlett Johansson au sommet de leur forme. Mais justement, la présentation que l’on nous en faisait avait quelque chose de déplaisant. Nous voyions sur l’affiche un homme dans la petite trentaine, d’une fatuité rayonnante, à la vie bien réglée : « mes potes, ma famille, mon église, mes copines, mon porno ». Et je me suis dit : « qu’en ai-je à faire d’un queutard bigot qui mate du porno ? »
Je ne suis pas un queutard, et mes coreligionnaires me définissent comme un hérétique. Donc a priori, pas besoin d’aller dépenser dix euros pour suivre les aventures d’un héros qui ne partage avec moi que la part la plus indigne de mon temps. Et puis ce petit bâtard doit se débrouiller mieux que moi, ajoutai-je intérieurement. De toute façon, il se tapera Scarlett Johanson à la fin, c’est cool pour lui, et une fois rentré, un peu dégoûté, je me rendrai sur un des cent sites qui proposent du hardcore porn.
I can’t get no satisfaction
Mais là n’est pas le sujet du film, c’est même le contraire. Don Jon est un beauf, et même le roi des beaufs, et sa vie est trop bien réglée. Il flashe sur son alter-ego, et c’est la cata. C’est que notre ami Jon ne se posait pas jusqu’ici la moindre question. Il avait réussi à mener la vie que la société de consommation lui vantait. Surtout la plus chatoyante d’entre elles : la baise facile et la multiplicité des partenaires. Et pourtant il n’était pas satisfait.
Car aucune consommation systématique ne peut vraiment satisfaire. Il essaie donc de réfléchir sur lui-même, cherche un soutien dans la confession, puisqu’il est un catholique pratiquant, et ne trouve rien de ce côté-là. C’est que Jon, qui se découvre au fur et à mesure de ce film gentiment initiatique, n’est pas un accro du porno parce qu’il serait né ainsi. Il comprend doucement qu’il n’y a pas dans sa vie la moindre réciprocité du plaisir, et que les mises en scène pornographiques ne font que substituer à la perfection du plaisir celle du fantasme. Don Jon est donc un mec plutôt ordinaire, et il devient donc attachant.
La consommation de l’autre
Ce film a le mérite d’être celui d’un trentenaire qui commence à se découvrir philosophe et à comprendre qu’il faut se connaître soi-même. C’est surtout une œuvre qui a l’avantage d’attaquer frontalement deux aspects intimes de l’idéologie de la consommation qu’elle renvoie dos-à-dos : celle, masculine, du plaisir quantitatif, et celle, féminine, du romantisme marital. Dans le premier cas la femme devient un objet sexuel inatteignable pour l’homme ; dans l’autre le mari est assujetti par sa femme, du moins jusqu’à ce qu’il s’en lasse.
La violence de ces rapports n’est pas inhérente à la jeunesse, mais elle est imposée à la jeunesse à laquelle notre héros est finalement heureux de dire adieu. Cette violence est celle du marché qui vend aussi bien le porno que les comédies romantiques, et elle est garantie par la morale ambiante – Eglise, famille, milieu social, comme on voudra. Tant que l’homme et la femme se retrouvent dans des rôles sociaux antagonistes, ils ne remettent pas en question l’ordre social et la reproduction génétique des consommateurs.
La morale du film est plus heureuse que ce à quoi je m’attendais. Elle fait l’éloge de la réciprocité et du don de soi – comme autrefois Houellebecq dans Plateforme, sans la fin tragique – et surtout, de l’instruction. Car c’est par les cours du soir et la rencontre qu’il y fait, que Don Jon finit par se demander qui est vraiment Jon. Je me suis donc demandé qui j’étais. Puis je me suis rappelé que j’étais célibataire et que j’avais déjà fait de trop longues études, alors je suis retourné à mon porno ; et j’ai passé une bonne nuit.
2 commentaires
buena papita
Il est quand même plus simple que fat. Je vous en montrerai des fats.
En attendant, c’est pas bien rigolo la vie.