Pas de nouveau single, pas de promo, un vague concert la veille chez Moune pour leur premier passage en France: la rencontre avec les quatre sud-africains sentait le speed dating journalistique à plein nasaux. Approche directe, façon brèves de comptoir, à la recherche du contenu perdu. Gonzo ? Aïe !
Shane, chanteur de son désormais footballistique état, semble un peu perdu au milieu du hall de l’hôtel; il attend ses camarades qui tardent à descendre de leur chambre. L’interview débute en face à face. « Gonzaï, qu’est-ce que ça signifie exactement ? » demande-t-il d’un air apparemment intéressé. Une fois le jeu de mot expliqué, il déclare avec un grand sourire « Ah oui le journalisme gonzo ! C’est super ça ! ». Installé confortablement dans des fauteuils cheaps pour tailler le bout de gras avec un obscur groupuscule musical, on est pourtant loin de l’immersion bad trip Thompsonienne et du super scoop façon Spider Jerusalem, mais passons… C’est à moment là que Nick, le bassiste arborant le look adulescent des fans de Tony Hawk Pro Skater et téléspectateurs réguliers des X Games avec hoodie Element et bermuda, nous rejoint. Il est temps de s’informer sur les raisons de leur présence en France. Nick prend la parole : « Nous allons jouer à Toulouse le 17 juin dans le cadre du festival Rio Loco, avec entre autres Tumi & The Volume et Johnny Clegg, qui présentera son nouvel album » puis se tait, attendant que Shane complète son propos, en vain. Ça se précise quelque peu, mais il n’y a pas encore de quoi mener un échange constructif et encore moins matière à défriser le cliqueur gonzaïeux. Discussion au point mort, sourires mal à l’aise.
Chronique du gonzo ordinaire
Pour briser ce gênant silence, j’aborde la question de leur tournée européenne et des liens qui les unissent à Tigersushi, le label de Joakim qui s’est développé grâce à une sous-traitance textilo-musicale Kitsunesque, à qui l’on doit Principles of Geometry, certes. Shane est cette fois-ci plus prompt à répondre, faussement cynique : « Nous avons sorti notre premier album, Tuckshop, en Afrique du Sud, il y a maintenant deux ans. Nous avons juste un single signé sur Tigersushi, et nous ne sommes même pas signés sur un label chez nous ! » et Nick de rétorquer : « Sans tourneur et sans manager, nous nous débrouillons pour jouer un concert de temps en temps, car aucun de nous n’a une réelle expérience dans le business musical ». Craig, le batteur, dernier membre du groupe décidé à participer à cette « interview », s’installe à son tour et opine du chef pour appuyer la réponse de Nick : « Il n’y a pas de difficultés particulières pour tourner en Afrique du Sud, c’est à peu près partout la même routine » Peut-être ben que oui, peut-être ben que non, on pédale dans l’igname. Musicalement, aucune prise de risque non plus, comme le souligne Nick : « On a choisi d’appeler notre groupe Desmond & The Tutus pour un avoir un nom à la fois drôle et patriotique, mais nous sommes une formation tout ce qu’il y a de plus classique , chant, basse, guitare, batterie et nous ne jouons d’aucun instrument africain traditionnel. En ce moment nous sommes plutôt Surfer Blood, Phoenix et Zola Jesus.» Et on continue avec les avis tranchés et autres opinions affûtées du groupe à propos du faux débat Vuvuzela, lancé de manière désespérée, il faut bien l’avouer : « En Afrique du Sud, il y a ce dicton populaire qui dit : on déteste le son des vuvuzelas jusqu’au moment où l’on en a une entre les mains. » Gonzo attitude et critique du vide. Sidérant…
Où es-tu docteur Gonzo ?
Ils ont quelque chose d’attachant au fond, avec leur innocence toute primesautière : « Nous n’avons jamais rencontré Desmond Tutu en personne, mais nous lui avons juste écrit une lettre pour savoir si ça ne le gênait pas qu’on utilise son nom. Ils nous a répondu avec simplicité, et il a précisé qu’il trouvait le nom de groupe marrant. C’est une des personnes les plus sympathiques avec qui nous avons échangé » confie Craig, pas peu fier de son anecdote, mais bon, vous le savez bien, « seul le détail compte ». La philosophie enfantine du groupe est finalement résumée par Shane : « Notre leitmotiv c’est Jive, une danse sportive latine au rythme très rapide ». Langage corporel au détriment du discours, contenant préféré au contenu, on commence à connaître la chanson. La doctrine Raoul Duke n’a pas fini d’être remise en question…