Le problème lorsqu’on ne prépare jamais les questions d’une interview, c’est l’aventure que peut parfois représenter un simple bonjour.

Le problème lorsqu’on ne prépare jamais les questions d’une interview, c’est l’aventure que peut parfois représenter un simple bonjour. Un ange qui passe, trente minutes qui deviennent un marathon ; sur la ligne de départ, on se trompe parfois de course.

–    Salut Château Marmont, je suis Bester, je viens pour l’interview.

(Mimer l’empathie, avoir l’air sympa, aujourd’hui j’ai plus envie de tuer des gens par dizaines que de poser des questions)

–    Salut Bester, prend une chaise.

(Sois sympa, aie l’air cool, vas-y enlève ton trench..voilaaaaa c’est bien tu es assis maintenant, pense à pas croiser les jambes, sois viril pour une fois bordel)

–    Il est sympa ce bureau promo, j’étais jamais venu ici.

(C’est bien Bester, bravo, tu es rentré en communication avec une phrase sympa, tout va bien se passer, tiens c’est qui le mec derrière son bureau ?)

–    En fait t’es chez Institubes là, tu pensais être où ?

(Eh merde Bester, t’as le chic pour te foutre dans des situations compliquées, nan franchement chapeau, maintenant démerde-toi)

A force d’être méchant derrière son écran, il arrive parfois qu’on se frotte à la réalité. Et parce que je réalise soudain qu’une casserole énorme carillonne au-dessus de ma tête (http://archives.gonzai.com/institubes-une-autre-bonne-raison-de-mourir/), les 30 prochaines minutes vont être longues, longues, longues, me dis-je, alors que j’essaye de soutenir le regard du mec derrière son bureau.

Avait-il lu l’article, devais-je crever l’abcès par une pirouette genre « tu sais machin on est tous frères faisons l’amour tout nu avec la secrétaire » ?



Le regard au niveau du cendrier (c’est à dire à même le sol, NDR) je me repassai mentalement la punchline de l’article : « Cette baie des cochons s’exporte au final relativement bien dans le nouveau millénaire, et le label Institubes reste à la pointe du pitoyable. L’élitisme vu par le bas, avec une poignée de porcs (Para One, Teki L., Orgasmic) tentant vainement de résister à l’âge qui avance, qui les rapproche d’un crédit sur 20 ans et d’une grosse qui leur demande de rentrer pas trop tard le soir. »

Tout était donc réuni pour faire de cette interview un moment de grâce avec cotillons et pouet pouet. Pendant ce temps, les trois musiciens en face de moi cherchaient désespérément à capter mon regard. Vite une question, embrayons. Ne pas laisser l’ennemi comprendre qui tu es.

Il est vraiment bien votre EP Solar Apex. C’est assez rare que je me déplace pour quatre titres, mais là c’est vraiment super. J’ai passé les fêtes de Noel à envoyer des mails en l’écoutant, c’est pour dire.

(Rajouter du pathos et des anecdotes, bien joué Bester, tu sors la tête de l’eau là)

Chateau Marmont: « Ah bah merci. En fait tu sais ça fait un moment que les titres existent, bien avant nos derniers remixs. Disons que Château Marmont a pris un gros virage musical au moment du EP, avant on sonnait plus space rock. Sur Solar Apex on voulait fondre dans une seule et même musique, l’analogique et le synthétique. Même les batteries sont hybrides, les caisses claires sont électroniques, les charley sont vrais… On a simplement rajouté des séquenceurs par-dessus et des vraies compositions dedans. Les gens disent qu’on s’inscrit dans un mouvement disco, comme si le simple fait de foutre un arpegiattor suffisait à résumer notre musique. N’importe quoi. » 

On vous assimile aussi à Air, première période non ? Je pense notamment à Premiers symptômes

(Le mec sourit derrière son bureau, en fait tu t’es stressé pour rien il a pas lu l’article, c’est sûr)

Chateau Marmont: « Oui, forcément.. N’empêche que grâce à Air on a redécouvert les BO obscures qu’ils ont pompé. On préfère le côté planant du Floyd en fait, les grosses batteries avec des nappes planantes. Mais s’il faut parler de la french touch, on adhère totalement à l’esthétique de départ, qui en fait n’est que le prolongement de la grande musique française des trente dernières années. Si on doit parler de musique «patriote», un mec comme François de Roubaix est au-dessus de tout. » 

Le rétro-futurisme français, ça vous touche ? Sur vos photos j’ai l’impression que vous jouez de ce truc quand même.

Chateau Marmont: « Oui totalement. C’était même l’objectif de l’EP, faire quelque chose sans âge qui refléterait le fait qu’on est un peu perdu, le cul entre deux chaises. » 

Bon la suite logiquement là c’est un album non ?

Chateau Marmont: Pas forcément. On n’a pas encore réfléchi. Peut être un deuxième EP dans la foulée, avant l’été, pour confirmer. On préfère sortir une dizaine de titres en deux fois pour assurer. Rien n’est défini encore. Nous ce qu’on veut c’est faire de la musique érotique, une sorte d’album Sensuality, pour reprendre le truc de Tellier sur son dernier album. De l’érotisme à la française, dans la tradition. » 

Vous venez d’où en fait ? Vous avez l’accent du sud, c’est troublant.

Chateau Marmont: »On vient tous de Tarbes, on est tous monté à Paris les uns après les autres, on voulait déjà monter un groupe à l’époque. En fait, pour résumer, on joue tous les quatre depuis l’âge de quinze ans. A l’époque Château Marmont jouait vraiment ultra violent, presque post-rock. »

Comme Air finalement, avec leur premier groupe, Orange.

Chateau Marmont: « Ouais, voilà. On aimait bien le côté psyché à l’époque. »

Ah bon cool cool. Qui a réalisé la pochette du EP, elle est super !

Chateau Marmont: « C’est le mec derrière son ordinateur là bas (un D.A. sûrement, NDR), c’est presque notre clin d’œil à Pink Floyd, notre Live à Pompei ah ah. » 

Bon ben salut les mecs, merci pour l’interview.

Le mec derrière son bureau : Tu as eu le vinyle au fait ?

Moi : Ah non, merci super, c’est trop sympa, merci.

Je sors finalement de chez Institubes au bout des 30 minutes réglementaires, l’air un peu visqueux. Il pleut rue de Clignancourt, le vinyle tombe dans  le caniveau, tout va bien. On est un jour de la semaine comme les autres et je suis déja en retard pour mon autre rendez-vous.

***

Vous n’avez rien appris avec cette interview ? Vous êtes déçus ? Mais vous n’avez pas encore compris qu’une interview ne sert jamais à rien et qu’on y apprend que des banalités ?

Voici quelques lignes supplémentaires pour assurer la promo du EP de Château Marmont qui vaut quand même sacrément le coup d’oreille. Pour ceux blasés par Air, Tellier ou Daft Punk, soucieux de renouer le contact avec les synthés, la France qui tapote des claviers sans penser la modernité en police Impact taille 45, bref résumé de Solar Apex. Quatre titres, quatre raisons de s’asseoir pour danser danser lentement sur une secrétaire un peu salope :

Maison Klaus : Des pingouins qui courent à l’envers sur du triphasé.
Diane : Un robot géant à la gueule en vocoder mange des enfants péruviens lecteurs illétrés.
Solar Apex : La lente progression du code binaire dans tes veines, en rangs serrés, l’armée de Mao Zedong en tenue rose fuschia partant à la conquête des Franprix de France et de Navarre.
Anything & Anywhere : Un défilé de Playmobil en accéléré sur le parvis de la Défense.

Fin de l’article.

Après cet acte de bravoure ultime, je me dis qu’on peut vraiment écrire n’importe quoi sur Internet et passer pour un Jean Moulin sans avoir à cracher dans le bassinet, j’adore ce job, vraiment. Peut être reviendrai-je ici, nous snifferons tous de la colle ensemble et je baiserai la secrétaire du label en écoutant Solar Apex. L’éventail des possibles, lorsqu’on est lâche, est un arc-en-ciel sans pareil.

http://www.myspace.com/chateaumarmont

24 commentaires

  1. arf…
    mais  » fallait pas l’inviter  »
    bande d’entertainers pas drôles !

    ils sont chiants tes mormons de toute façon,
    au moins la trame de l’article apporte quelque chose, elle.

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