U2 passe sur Canal+ et tout le monde trouve ça exceptionnel. Alain Bashung va mourir et tout le monde trouve ça télévisable.

U2 passe sur Canal+ et tout le monde trouve ça exceptionnel. Alain Bashung va mourir et tout le monde trouve ça télévisable. Tardivement, après tout le monde sans doute, je me mets à Californication, et flippe de trouver tant de similitudes. Ou tant de perspectives, comme des lignes d’horizons brisées au milieu.

J’ai déjà tant clamé l’empatie et le respect que je porte à l’Alsacien-en-noir. On a tous trop dit combien son apport à la « scène francophone » (si une telle chose existe) et à la musique depuis quinze ans était irremplçable, inégalé, on a déjà trop dit tout ce qu’il était raisonnable de dire, et maintenant il est difficile de parler autrement qu’avec le coeur. Hélas. Car quand la maladie avance, et que le temps recule, comment veux-tu que je ventricule ?

Rappel des faits. I wanna tell you about texas radio and the big beat… L’homme se sait malade, et refuse de jeter l’éponge. La tournée se fait, par sauts de puce, Garance acceptant (c’est tout à son honneur) de jouer le jeu du booking date à date. Et lui endossant le costume de celui qui va jouer son rôle jusqu’à la dernière. L’ultime représentation. La molièrienne. Et sans lâcher sa cigarette ou ses Ray Ban. J’ai déjà crié qu’il n’était pas mort, et ne devait pas être considéré comme tel. Des requiems se sont écrits sur des lits de morts. Et la dignité, bordel ? Does it get yours up, fucking radio stations ?

De l’autre côté du monde, sous l’Alsace et le soleil exactement, à L.A., un écrivain balade sa porche râpeuse et borgne d’un phare, désinvolte mais triste. Acculant, accumulant, des filles toujours plus jeunes contre des matelas toujours trop éphémères. Il n’écrit plus, le voudrait mais que voulez-vous, les muses qui chantent aux oreilles ne sont pas forcément celles qui acceptent d’être fessées à quatre pattes. En fait, Hank Moody plonge dans tous ces ventres souples et accueillants parce qu’ils lui rappellent ce qu’un jour il a été. Jeune. Doué. L’héliotropisme parfait, l’attrait de la jeunesse éternelle. Pas par hasard s’il court après son ex-femme et chaperonne sa fille.

Tous deux brûlent leur cigarette par les deux bouts, avant que la mort ne les rattrappe. Le premier est humble mais digne face à elle, ému par les pénultièmes affirmations d’amour, de respect, et toutes ces marques terriblement humaines et donc vivantes. Le second, plus désengagé, manifestement décontracté pour mieux cacher la peur, qui lui arracherait la gueule de devoir avouer, de mourir.

Parce que ne plus pouvoir écrire ou ne plus pouvoir bander, où est la différence au final ?

Chaque jour que dieu (et Google) fait, je lis tous ces gonzo report, tranches de vie de jeunes prêcheur qui ne jurent que sur des bibles nommées telecaster. Engoncé dans mon fauteuil, la saveur de leur jeunesse, m’explose à la gueule. Amer au palais comme la tourbe écossaise, acide sur la langue comme une aisselle qu’on lèche. Tout un rock’n’roll lyfestyle crève mon écran 16″, me fusille à chaque refresh : Le culte de la sape. Then the booze. Cet omniprésent et inextinguible besoin de danser. La C et les produits (foutre dieu ! même le nom des dopes entre dans le paradigme industriel). Et puis le cul. An ass is an ass is… Hank Moody serait ravi. Larry Clark aussi.

Voyez vous, j’ai récemment fini par comprendre pourquoi ils se sont tous entichés de Pete Doherty. Parce que tant qu’à jouer le rock des années 60, lui au moins est vivant.

Youth. Alive. Une vie qui a un foutu goût de pneu brûlé. Le bruit du burn-out est long à partir, but at last… it will. Foutre-dieu, how i miss my twentieth century…

Et plus je parcours les récits des twenty something, plus je réalise qu’ils sont vivant. Le feu. Qu’ils écrivent, dansent, baisent et écrivent plus que moi. Que chaque jour qui passe est un défi pour ne pas lâcher la corde. Continuer à écrire. Continuer à grimper. As best as we can. En sachant que c’est tout ce qu’il restera quand on sera parti en fumée.

Alain Bashung peut être fier car s’il lâche la sienne (le plus tard possible), il sera monté plus haut que l’écrasante majorité d’entre nous. Et comme Chloé lui tient la main, on sent qu’il s’accroche pour tous ceux qui ont besoin de le voir là-haut, encore un peu.

Reste Californication. Si un jour je dois me finir au bout d’une corde, je préfère m’envoyer toute la saison 1 que Stroszek. Ceux qui trouveront mon traitement de texte ouvert et l’Imprudence sur ma platine sauront quoi penser. Un homme à l’amer.

 

13 commentaires

  1. Ben merde, voilà que je fais l’unanimité. C’est nouveau ça.

    Rassurez moi je serais pas obligé de monter sur une scène en forme de guitare et me faire compresser le bras amoureusement pas Naguy à cause de tout ça, si ?

  2. Oh putain…
    On a beau savoir, on a beau avoir écrit, dit, défendu, combattu. CEla fait in fine tout simplement mal.
    Ce n’est plus un avis, ce ne sont pas des critiques, il n’y a plus de mots. C’est un homme.
    J’ai terriblement mal d’un coup.
    Égoïstement.

    Aucun express du tout alors ? Plus jamais.

  3. Pardon je reviens un peu tard .. J’ai peut-être mal compris mais il m’a semblé que vous faisiez allusion au film d’Herzog « Stroszek » à la fin de votre article .. ok ok je me la joue un peu avec mon « dernier grand poete bla bla  » mais bon personne n’est parfait..
    En tous cas j’aime Gonzaï et cet article est chouettement écrit ..

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