Comme j’ai hâte que l’on enterre tous ceux qui veulent que nous soyons défini par des critères objectifs. Ce qu’on appelait des étiquettes avant que le monde, par crétinisme anglophile et par paresse culturelle, n’utilise le mot « tag ».
Le communautarisme est une salissure sociale. Le prôner, une preuve de plus que Darwin avait tort. Nombreux sont ceux qui portent sa marque infâme, loin devant les porteurs de voile, de drapeau arc-en-ciel ou de la croix de votre choix.
Il y a de cela quelques semaines, j’assistai malgré moi à ce défilé grotesque qui encombrait la Bastille. La techno parade, ou comment une belle journée devient une journée à thème. Un « tag » de plus, pour rien. Comme son dérivé extravagant la gay pride, ces manifestations d’éphèbes exhib’ et de colleuses de timbres ont dérobé le mot char au lexique des nobles péplums pour l’attribuer à des podiums itinérants où s’exposent des pétasses des deux sexes, pas sexy une seule seconde. Oint de sa transpiration, Heston exhalait la puissance dans Ben Hur, tandis que ces employés de mairie ne semblent jamais que des japoniaiseries infantilisantes. Des parodies de publicités de couturier au mieux.
A quoi bon aujourd’hui faire connaître sa fierté d’être une minorité ? Qui s’intéresse au fait que vous préfériez David Guetta à Editors ? Vous vous vanteriez d’être pauvre ?
Car si ce n’est pas de la culpabilisation, qu’est-ce que c’est ? Qui a-t-il de moins républicain que d’annoncer sa religion, ses origines, ou sa sexualité pour justifier qu’on mérite son salaire, le droit de vote ou d’adopter ? Les exemples, récent pour monsieur Mitterand ou moins récent pour Mme Dati, démontrent que ce qui se passe dans un lit ne concerne que ceux qui y sont entrés de leur plein gré. Alors arrêtons de défiler pour défendre des concepts aussi modernes que le tourne-disque ou le féminisme. Elles ont brûlé leurs soutiens-gorge avant d’exiger qu’on leur en offre un qui soit assorti à leurs strings de bonne catin domestiquée. Et vous, irez-vous déversez vos lubrifiants devant la préfecture avant de réclamer qu’on dépénalise le Popper’s ?
Etouffez-vous avec vos plugs !
Par chance, j’ai rencontré voilà quelques jours Brigitte Fontaine. La fierté de sa dégaine de travelo survivant dans les rues de l’île de la Cité m’a éclairé quant à son dernier opus. Elle et moi, nous nous sommes compris. Compris que le bon vieux racisme français jovial de Banania et Dreyfus était entré dans une nouvelle ère. Depuis qu’il fait bon aimer les pauvres réfugiés Mika et Corneille et ne pas juger la grosse Ditto, le bon goût est en berne et la tolérance promulguée obligatoire. Interdiction de fumer et sobriété au volant ne me posent aucun problème. Mais devoir de politesse et de respect des autres à commencer par les enfants et les anciens, voilà ce qui nuit. L’affadissement, on appelle ça comme ça. Car cela ne laisse aucune chance à l’ironie ou à la moquerie. En vérité je vous le dis, l’humour est mort et l’intégrisme a gagné. La langue de bois se pratique de mieux en mieux et ne laisse plus d’échardes aux pourlèchés. Depuis le Glass Securit de Gainsbourg, on n’a jamais utilisé les vulgarités à bon escient. Et encore, à ce moment-là, le beau Serge en était résolu à cacher ses grincements de dents, les glissements de sa verve, derrière des anglicismes, cf Suck Baby Suck. Le disque de Brigitte Fontaine me l’a confirmé et je suis en mesure de vous dire qu’elle est la dernière de la file, le sauveur.
La vieille moche (70 piges et un sourire à faire frémir Genesis P. Orridge) y est belle et brûlante de jeunesse. Plus juvénile que les fausses gouines qui agitent leur libido immature en se faisant des bisous dans les soirées parce qu’elles ne savent pas encore ce qu’elles pourraient faire de mieux. Être vieux n’est pas interdit (disons, pas encore), mais tout est fait pour que vous puissiez, vouliez, deviez rester jeune. Fuck, comme le dirait Brigitte. Nos rides sont autant de barreaux contre votre crétinisme.
Musicalement, son dernier album, Prohibition chez Polydor, garde le cap des précédents, mettant sa poésie et sa voix en avant sur des orchestrations mi-classiques mi-electro, propres à cette décennie où l’on couche avec son producteur (Areski Belkacem) plus par plaisir que par besoin. Toutefois, reconnaissons-lui une audace intéressante, la dame se disant fan de Jim O’Rourke depuis plusieurs années, une audace qui frôle parfois la grâce de feu Bashung en ce domaine (L’imprudence). Oublions les habituelles collaborations fumeuses, à l’extérieur (Turzi, M) ou chez elle (la Chuck Norris black Grace Jones, et le dessous-de-bras chanteur Katerine) et jouissons sur ses textes comme il se doit :
Sont assénés ici un « Je hume l’urine musquée des chats dans les taudis des quartiers chics » que ne renierait pas Cocteau, un « Ne pas fumer peut rendre folle » émouvant de sincérité, et l’exceptionnel, le majestueux « Je suis vieille et je vous encule » qui renvoie la pauvre loutre de Lily Allen et son Fuck You (Very Much) à ses chiottes de lycéenne.
Léo Ferré et Antonin Artaud nous manquent.
Abattons ceux qui dressent des podiums sectaristes pour une population à la seule recherche d’une reconnaissance de leur invalidité. Vous valez mieux que cela. La république est une masse indivisible et non pas une COTOREP. Que meurent les frigides mondaines, et que la France retrouve le goût salé des Brigitte Fontaine dorées. S’il doit exister une chanson française pour remplir les quotas laitiers et mener ce combat, je demande à ce qu’elle ressemble à cela.
Brigitte Fontaine // Prohibition // Polydor
19 commentaires
Putain… c’est bon , le Jack, Brigitte Fontaine , ça fait bientôt 40 ans que je l’écoute, c’est une des perles de la chanson, que dis je…une merveille de la chanson( idem pour son pot Higelin) , et tous ces cons qui ce la font bien, au nom de je ne sais quel dieu, qu’ ils aillent se faire foutre ailleurs