Vendredi 7 mai 2010, 20H30. Billetterie honorée, poings dans les poches et oreilles armées, Limoges prend tranquillement place dans les starting-blocks de l’imminent soulèvement organisé par la troupe d’Atari Teenage Riot, venue lancer ici le début de sa tournée (française) de pistolets à vent, suivant un protocole (attention) hautement subversif :
«Nous nous sommes refusés à jouer à Paris parce que là-bas la plupart des organisateurs n’ont rien à foutre des concerts qu’ils reçoivent, et leurs salles sont gérées comme des supermarchés coûteux. Le concert sera enregistré et filmé, pourquoi pas pour un futur DVD si le public est assez nombreux et prêt à se lâcher pour prouver qu’il est paré pour la prochaine révolution». Diable m’emporte, depuis la création de la CGT en 1895, jamais événement d’une telle ampleur n’est arrivé dans ma ville !
Hey, oh, stop ! La révolution c’est sérieux et c’est «in-your-face», o.k. ?
Rappel (à l’ordre). ATR, groupe estampillé «digital hardcore» -catégorie alarmes incendie, donc- a été fondé à Berlin en 1992 par un vrai anarchiste : M. Empire (ne riez pas). Voici une interprétation schématique de sa substance grise, épanchée sur son site internet et autre myspace ronflants (dans tous les sens du terme): –vite-magne-toi-lesnazis-beurk-fuck-faut-les-détruire-et-comme-c’est-moi-qui-l’ai-dit-en-premier-appelle-moimessie-ok-et-le-capitalisme-aussi-faut-le-faire-exploser-en-faisant-du-bruit-très-fort-boumboum-boum-wouarrrhhhh-go-go-go-anarchie-anarchie-anarchie-et-vibre-comme-j’temontre-fucking-pigeon-j’te-jure(-un-jour)-ça-va-saigner-. On a cru ce subtil groupe dispersé à jamais depuis la mort par overdose de M. Crack (ne riez pas, bon sang), un autre de ses membres, «quelques jours avant le 11 Septembre» (précision d’importance bien soulignée dans leur hilarante autobiographie de trente lignes, car, oui, ce pauvre Crack avait sûrement quelque chose en tête pour sauver l’Amérique et le Proche-Orient). Mais le tenace Empire s’est remis à croire à l’aube de sa nouvelle ère couleur charbon et goût ketchup. Il a donc rappelé sa comparse Nic Endo (membre depuis 1997), contacté un petit nouveau un rien susceptible (apparemment bien connu du mouvement hip-hop), «MC CX Kidtronik»(ça suffit les sarcasmes, hein) et vérifié que la force soit vraiment avec eux. En guise d’entraînement, la sombre trinité vient de sortir ces derniers jours un nouveau titre, l’ultra-pétaradant Activate -plutôt efficace si les draps vous prennent en otage le matin- avant de partir embrigader les peuples à coup de vieilles ritournelles non moins pétaradantes. C’est vrai que «révolution» ça signifie aussi faire un tour sur soi-même.
Première sommation. 21H, environ. Avant l’assaut des généraux, les troufions rampent en première ligne : deux choses paumées, comme parachutées sur scène, déambulent et se croisent péniblement, bras ballants sur instruments à cordes normalement branchés. Ainsi joue Myciaa, duo inconsistant qui ne respire ni la joie de vivre, ni la joie de mourir. Il y a «She» (si, si): grande duduche à cheveux bleus et costume d’Halloween (celui du squelette, la classe), bassiste et hurleuse d’un jargon incompréhensible d’où s’échappent régulièrement des «fuck you» d’une magistrale constance tonale. Et il y a «He»(oui, oui), à l’air faussement déçu et passablement énervé. Mais de quoi ? Du public clairsemé au pogo rouillé ? De sa guitare qu’il tortille avec peine ? De ses machines sourdes ? De son élocution rivalisant de temps en temps avec celle de She ? Fatiguant mystère pour tout le monde. Derrière le duo lymphatique et leur «post-punk-rock-électronique» -certes bruyant mais d’un silence consternant au final- des images crétines défilent sur un drap blanc miteux : gros plan sur pied chaussé de talon aiguille rouge, apprentissage de l’alphabet par façonnage de rail de coke, gamin tête-à-claques tendant un flacon d’antidépresseurs, bugs informatiques, etc., tout ça entrecoupé de quelques secondes de baratin (en voix-off très grave, bien sûr) pseudo-philosophico-masturbatoire-de-caniveau… Au bout d’environ cinquante interminables minutes, défaits, She et He cherchent la sortie.
Deuxième sommation: 22H, je crois. Le public fait un effort de multiplication pour accueillir les poètes de la soirée. Labellisés Audiotrauma, Arco, Syco et Amnesy sont en formation dans Chrysalide (vous êtes durs là, quand même). Leur maquillage noir dégouline jusque sur leurs chemises blanches de jeunes cadres dynamiques, rendant ainsi un vibrant hommage à tous ces oiseaux imprudents ayant pris récemment un bain du côté de la Louisiane. Leur musique suinte le jus de zombies désespérés d’errer dans ce monde… dégueulasse. «It’s your fuckin’W-O-R-L-D», vomissent-ils… Je commence sérieusement à avoir des envies de meurtres par décharges électriques, quand brusquement ils entreprennent d’échanger leurs fluides en putréfaction avec l’assistance lobotomisée. Communion béate, extase suprême, magie de la reprise : allez, tout le monde dans le mur poussiéreux des Pink Floyd. -T-h-e-W-a-l-l—T-h-e-W-a-l-l—T-h-e-W-al-l—T-h-e-W-a-l-l-, suffoquent-ils. Personne n’a une pioche ? C’est pathétique. À mesure que le rythme s’accélère facilement et que voix et postures deviennent plus agressives, l’affaire enfle de prétention et de vacuité.
Attention, ça va partir. 23H20, à peu de choses près. Bye bye les zombies, place aux revenants. Enfin. «Are you ready Limoges ? A-R-E—Y-O-U—R-E-A-D-Y ?». Oui, je pense qu’au bout de deux heures et demi, on est plus que prêt, cher Maître Empire (Alec pour les attachés). Les rangs se resserrent, les troncs se bousculent, les lumières fusent, les machines crachent. Kidtronik, mastodonte à crête courte et lunettes clignotantes, pagaie quelques secondes dans la foule, escalade les enceintes, y déblatère son plan d’action,sa vision du monde et vice-versa. Nic, jolie petite poupée, s’énerve sans trop y croire sur ses boutons, hausse la voix, se dégourdit les jambes de temps en temps. Alec, qui fait physiquement penser à un Nicolas Sirkis amputé de la mèche, ordonne à la foule obéissante de gueuler ses slogans à l’infini «…ATARI TEENAGE RIOT… ACTIVATE… GO GO GO… REVOLUTION ACTION… COME ON…». Ah, c’est l’heure de la pause. Le public en profite pour nettoyer ses bouchons d’oreilles… et attend… encore et toujours… Heureusement quelqu’un se dresse pour implorer d’une sublime voix caverneuse : «et ils sont où les anarchistes ?». Justement, les revoilà. «…COME ON… REVOLUTION… GO GO GO… RIOT TEENAGE ATARI (ou presque)…» Tels des poissons volants, quelques adorateurs en transe sautent un à un sur scène pour enlacer de leurs nageoires baveuses le messie, avant de replonger dans les eaux croupies de la fosse. C’est beau. Mais vrombir plus d’une heure vingt c’est quand-même lessivant, alors, d’une main molle suspendue froidement, Empire-l’anarchiste-anti-fasciste-anti-capitaliste remercie la masse d’avoir fait exactement ce qu’il attendait d’elle, d’être venue consommer une (rare?) dose de défoulement.
Allez, un dernier bâillement pour la route et on n’oublie pas de récupérer sa cervelle restée au vestiaire depuis trop longtemps, merci.
http://www.atari-teenage-riot.com/
11 commentaires
chère Aurelie, je viens découvrir tes tentatives artistiques et je comprend tes frustrations et ta rancœur. Je pense que les mots pathétique, philosophie de caniveau, prétention que tu as abusivement utilisé dans cet « article » résume bien la contenance de « tes oeuvres ». je te cite « Ma démarche artistique …zzz… Ainsi, mon but est de lutter contre le fait de devenir une âme vide, c’est-à-dire passive, insensible, sans intérêt… Pour cela, je » crache » sur la toile ou le papier ce personnage …zzz.. mets en scène dans des installations où le public peut alors…ZZZ…une âme vide ne sommeille pas en chacun de nous. » Au beaux arts un discours comme ca cela meritait une petite tape dans le dos et direction la porte. Alors avant d’assassiner le boulot des autres……
Sinon moi j’ai passé une bonne soirée.
Ah Ah Ah !!! Bien joué, « ca m’enerve » !!!
Moi j’aimerais voir une photo de la miss chroniqueuse, pour rire. Je sais pas pourquoi, j’ai comme un pressentiment. Psycho de comptoir sûrement, héhé.
oui alors en fait, elle aime ni le rock industriel, ni le hardcore et donc, bien sûr, on pourrait se demander : mais pourquoi se rendre à un tel concert en fait ? Juste un petit truc en passant : ton écriture est très pesante chère chroniqueuse… et je ne dis même pas ça pour défendre la prétentieuse clique que tu assassines avec joie.