Alpha Blondy jouait vendredi 24 juillet aux Nuits du Sud à Vence, tout près du terrain de jeu de l’aimé Christian Estrosi. Une expérience forte en fumettes au cœur d’un village carte postale. Depuis quelques semaines, la scène aux platanes rameutait les stars en tout genre de la « world music » et du jazz (Kassav, Gilberto Gil & co). De quoi faire frémir les rides et les boules Quies des habitants.
Mais ce soir là, finie la rigolade. Alors que la foule s’agglutine bières et cigarettes à la main autour de la scène, les rasta men envahissent le village presse. Dreads jusqu’aux genoux et pantalons multicolores, ils savourent le taboulé et le rosé mis à leur disposition sur des tables en plastique. Ambiance cool « Yeah Man » face aux lunettes Dior des invités.
Au loin, Anthony Joseph & The Spasm Band fait patienter les fans en sautillant devant le public. Pour ma part, après quelques mojitos bien mérités, j’attends avec les autres journaleux assis sur des marches que le « maître » arrive pour une interview expresse.
Il déboule enfin, casquette sur le nez et yeux rouges, entouré de molosses et de sa chanteuse. L’homme entre dans sa loge, une ancienne demeure de maître retapée pour l’occasion. Une fan tout aussi défoncée que lui essaye de se glisser dans le groupe. Peine perdue, virée par la sécurité, elle ressort, le sourire conquérant.
Un verre de porto plus tard, assis sur un fauteuil en cuir dans une salle aux néons insipides, Alpha est prêt. Les questions défilent, nouvel album, rapport avec la politique etc etc. Alpha parle de Dieu, constamment. Il dirige sa vie, celle des autres, de son pays, la Côte d’Ivoire. Depuis que la guerre a cessé, Alpha s’est remis à chanter. Et cela grâce à Dieu, encore.
L’homme parle aussi de lui à la troisième personne. Et reprend un petit verre de porto.
Vient alors l’interrogation critique : « Qu’est ce que vous écoutez en ce moment ? »
« Des vieux trucs, tu vois, des années 60-70, you see (Alpha Blondy aime ponctuer ses interventions de « you see » répétitifs agrémentés de « tu vois »). C’était une époque où les gens écrivaient bien, les vieux Johnny tu vois les gens comme Claude François, ils ont écrit des jolies phrases, tu comprends, you know… »
Le journaleux acquiesce : « oui oui, bien sûr, d’accord ». Je commence à me poser des questions sur la pertinence de l’interview. L’ambiance devient surréaliste, comme dans une (très) mauvaise caméra cachée. Alpha ne s’arrête pas en si bon chemin. Ce serait tellement dommage …
« Je me reconnais dans N’importe quoi de Florent Pagny, you know, je me sens concerné par ce qu’il dit. Parce qu’aujourd’hui il y a trop d’aboiements dans les chansons, qu’ils soient francophones ou anglophones. »
Option numéro 1 : en fait dans les années 80, Florent Pagny c’était un mec cool, écorché en cuir, avec ses cheveux noirs et sa frange gélifiée qu’il rejetait élégamment en arrière
Option numéro 2 : What the Fuck ?!?
Je reste bouche bée derrière ma caméra. La séance qui a durée moins d’un quart d’heure se clôt par la narration d’une anecdote vieille de vingt ans. Qui fait bien rire les journaleux et remplit leur quota d’émotion respective nécessaire à leurs auditeurs attentifs. Je me sens un brin désappointée par la rencontre, j’avais entendu parler d’un chanteur engagé. J’ai l’impression d’avoir assisté à un mauvais sketch. Il est déjà temps de se lever, assister au concert.
Devant la scène, les joints tournent à fond les ballons. L’âge moyen du village se rapproche du prix au gramme de la sinsé. Alpha salue son public, l’air bienheureux. Et pour cause : « le royaume des cieux leur appartient », dit-on… Le show met un peu de temps à s’emballer. Le chant est mou, l’homme sautille, fait des sourires. Quand il ira mieux, il ira jusqu’à asséner une reprise de Wish You Were Here.
Pink Floyd est parfois condamnable, mais pas à ce point là…
19 commentaires
mdr, effectivement moi aussi je prend l’option 2… WTF!
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Excellent comme interview, du Alpha Blondy tout craché.
J’adore!
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