Qu’est-ce que l’on ferait si c’était la fin du monde ? Je pense que tout le monde répondrait sans hésiter : baiser une dernière fois. Ferrara évacue la question et la réponse dés les premières minutes de son film par une sublime scène de sexe. Tout en effleurement, toute en longueur, des pubis qu’on touche comme la première fois car on sait que c’est la dernière. Et après ? Et bien après, on a un film étrange.
Cisco, joué par William Dafoe, vit dans loft new-yorkais avec Skye, une sorte de hippie, peintre, allemande. Ils sont à l’abri du monde, dialoguant avec leurs proches par Skype, regardant religieusement les derniers discours à la TV. Littéralement à genoux à cinq centimètres de la TV, les yeux écarquillés, buvant chaque précieuse parole qui sort de l’écran plat. Mais surtout à l’abri de toutes les tentations. Cisco est un toxicomane repenti. Last day on Earth est le premier film d’un Abel Ferrara désormais sobre. Mais pourtant tout semble dire le contraire. C’est le film d’un type qui essaye de nous convaincre qu’il doit fuir ses démons, mais ça ne convainc personne.
Comment prendre au sérieux ce présentateur télé expliquant la fin du monde par un : « Al Gore was right.» Abel Ferrara, nouveau militant écolo? Un homme qui vient du bitume et de la crasse new-yorkaise… Un homme élevé et nourri par cette splendide pollution urbaine… Comment ne pas voir la douce ironie de mettre Dafoe en couple avec cette bouddhiste. L’enfer c’est les autres, certes, mais c’est surtout une femme qui a le dalaï-lama en fond d’écran.
L’un des plus gros défaut du film est cette actrice qui joue Skye: Shanyn Leigh. Quand t’as William Dafoe en face, il faut un peu plus de chair en face pour y croire.
Le mec porte déjà un masque mortifère. 4H44 n’a même pas sonné qu’il est déjà mort. William Dafoe est un serpent à lunette, le vice en personne. On n’arrive pas à croire une seconde à son attachement à une meuf qui ne regarde que des vidéos de bouddhiste sur son iPad et peint des toiles style écran de veille Windows 98.
Cisco s’échappe une seule fois du loft, il retrouve des anciens potes toxicomanes pour trouver une dose. L’un d’entre eux est clean comme lui et ils argumentent pour savoir si ce n’est pas le bon jour pour reprendre. Son pote lui dit qu’il veut être lucide pour profiter du spectacle de sons et lumières que sera la fin du monde. Cisco ne semble pas hyper convaincu et repartira avec une dose d’Héroïne. Et là dans les rues de New-York, en un seul plan séquence, on retrouve Abel Ferrara. Sur un air de blues, des jeunes punks achètent à boire dans une superette, les bouches de métro sont fumantes, une pute gueule toute seule. Mais Cisco traverse la rue sans un regard pour eux, cachez moi ce vice que je ne saurais voir, etc. On reconnaît un auteur pour sa capacité à se livrer, ici on l’aperçoit par sa force à se contenir et se mentir.
Cisco ne pourra pas se doper car sa pisseuse allemande le surprendra l’aiguille à la main et lui confisquera. Tout de suite après la terre tremble. Les deux amants s’allongent par terre. Fin. Fin du monde.
Faut-il sauver le lieutenant Ferrara ? A le voir présenter le film à l’avant première, on peut penser que le démon n’est pas parti très longtemps. Rassurez vous, Abel danse toujours avec le diable.
Et si finalement la fin du monde arrivait parce qu’il renonce à se doper et qu’il décide de rentrer dans le droit chemin ? N’est-il pas puni pour ne pas avoir assez pêché ? C’est ce que Ferrara semble nous dire entre les lignes. Bref c’est le film d’un des plus grands baratineurs de notre époque. Al Gore was right ! Et mon cul c’est du poulet bio ?
Abel Ferrara // 4:44 Last Day on Earth