A quoi pourrait bien ressembler un sosie albinos d’Hunter S. Thompson qui aurait décidé de parcourir la Centrafrique avec un porte-cigarette pour dénoncer la corruption d’une armée de Nixon peinturluré en noir couleur mazout ? Certainement à « The Ambassador », récit de 3 ans de safari sur les terres du néo-colonialisme paru récemment en DVD. Certains appellent ça du nouveau journalisme, d’autres simplement un documentaire raté.

127468Evidemment, juger des exploits du fantasque Mads Brügger le cul rivé dans un fauteuil suppose moins de courage que celui qu’il aura fallu au journaliste danois – 60 kg tout mouillé, un collier de barbe dégueulasse, pas le profil type du Rambo – pour s’élancer dans sa quête de vérité.
Plantons le décor. « The Ambassador » est une satyre journalistiique surfant sur la mode des enquêtes de Michael Moore et autres pastiches à la Borat qui tente en forçant tous les traits de jouer l’immersion – Harry Roselmack était déjà pris – pour jouer l’investigation en eaux troubles. Armé de peu de moyens, et pour ainsi dire avec sa seule bite et son couteau suisse, Mads a préparé son tournage pendant 3 ans en monture légère afin d’infiltrer cet état de non-droit qu’on nomme la République centrafricaine, jusque là plus connue pour l’affaire des diamants qui vit Giscard d’Estaing pris la main dans le sac, en plein conflit d’intérêt après que son « ami » Bokassa – alors dictateur démocratiquement élu – lui ai fait cadeaux de quelques cailloux rutilants. L’histoire fut entre autre révélée par le vrai journaliste Pierre Péan, et contribua autant à la défaite de Valéry qu’à la destitution de ce roi noir qui se prenait un peu trop pour Napoléon.
Evidemment, parler de « république » pour la Centrafrique rime moins bien qu’avec pompe à fric. Car même si la décolonisation est passée par là, « The Ambassador » tend bien à prouver que les relations complexes entre la France et son ancienne protégée sont loin d’être terminées. Le pitch de ce documentaire tiré par les cheveux – ça tombe bien, Mads n’en a plus ? Un reporter siphonné à la gueule de Raoul Duke tente d’acheter un passeport diplomatique libérien pour atterrir tranquille au pays de la magouille, là où le job d’ambassadeur vous permet d’éviter les douanes, de transporter des diamants acquis illégalement et de traficoter en toute impunité avec tout ce que l’Afrique compte de mafieux magouilleurs détournant l’argent public à des fins personnels. Sur le papier, c’est effectivement Tintin au Congo remixé à la sauce Les hommes du président (film sur le Watergate diffusé en 76, avec Robert Redford et Dustin Hoffman, NDR). Sauf qu’au pays des pierres précieuses, les soirées de notre ambassadeur éphémère ne sont pas toutes réussies.

Outre le fait qu’il tire sur la corde à linge scénaristique comme un vicieux sur son zizi, ce documentaire arrive après la mode du reportage Vice qui, depuis le milieu des années 2000, consiste à prouver qu’on peut enquêter dans les zones les plus reculées du monde – souvent les plus dangereuses – en portant bermuda et crème anti-moustique. Jusque là, l’exercice à défaut d’être admirable permet de décomplexer toute une génération d’apprentis journalistes pour qui l’investigation était jusque là réserver aux vieux types portant des bretelles et un couteau de chasse à l’entrejambe. Ayant dit cela, on n’est pourtant pas beaucoup plus avancé en regardant « The Ambassador », où après avoir appris que Mad Brügger a du dépenser 135.000 € pour son faux passeport diplomatique – comment a-t-il pu financer ce passe-droit ? – on se demande comment le zozo gonzo est parvenu à réunir près de 10 millions de francs CFA – même question – pour s’associer au propriétaire véreux d’une mine à diamants qui, sans surprise, s’évapore dans la brousse une fois la somme remise.

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Pour éclairer la lanterne des curieux, il faudra tout de même rappeler que l’objectif du faux film reste de mettre en lumière toute l’opacité qui règne encore sur place, et comment on peut, moyennant quelques centaines de milliers d’euros, travestir son identité pour faire fortune sur ce continent qui crève la dalle. Quelques scènes surréalistes viennent toutefois égayer ce drôle de tableau : Mads l’ambassadeur désireux d’ouvrir une usine d’allumettes pour assurer sa couverture, Mads l’ambassadeur visitant un village de pygmées et dansant avec les indigènes en costard alors qu’il fait 40° à l’ombre, Mads l’ambassadeur faisant du bateau avec les deux pygmées sous sédatifs qui lui ont été offerts en tant qu’assistants, etc. C’est somme toute caricatural et de plan en plan, on finit par se demander si tout cela n’est pas qu’une vaste blague destiné à surfer sur un effet de mode – le journalisme LOL. Evidemment, l’ambassadeur finira sa course dans un mur et l’on apprendra, après une heure et demie de rires pincés, qu’en Afrique les méchants gagnent toujours à la fin. S’agit-il vraiment d’un vrai documentaire – la crédulité des intervenants face à la dégaine surréaliste de Mads permet d’en douter – ou d’un faux film aux répliques écrites à l’avance ? « The Ambassador » se conclue sur cette double impression de supercherie ; d’un coté l’imposture d’un journaliste paumé dans son Fear & loathing in Bokassa land, de l’autre le spectateur qui ne sait plus sur quel pied danser. Chez James Bond comme au cœur de l’Afrique, les diamants sont éternels. Ce faux documentaire, un peu moins.

The Ambassador, par Mads Brügger. Sortie DVD chez Zentropa

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