Dans le monde des comic books, il est des légendes qui feront à jamais rêver les auteurs en herbe ; le duo Stan Lee/ Jack Kirby en fait partie. Aussi, lorsque deux individus se trouvent avoir quelques atomes crochus, que de leur rencontre passionnée naît un petit joyau d’encre et de papier, tout lecteur se met à espérer que, soyons fous, leur histoire ne restera pas sans lendemain… Mark Millar et Steve McNiven sont de ceux-là. Ils forment le couple le plus in du moment dans le microcosme geek. La combinaison de leurs énergies spirituelles et tantriques nous avait permis d’exulter à la lecture de leurs deux chefs-d’œuvre sus-cités. Le premier, paru dans l’Hexagone en sept épisodes en 2007, avait révolutionné le monde super-héroïque, déchiré par une loi de recensement des super-héros. Le second, tout aussi jouissif, laissait les lecteurs se délecter d’un Wolverine à mi-chemin entre Mad Max et Walt Kowalski. De l’or en barre. Mais parfois, il faut savoir changer une équipe qui gagne.
Re-rebelote, nos deux compères surfant sur la vague à double tranchant du succès ont donc remis le couvert avec Nemesis. Cependant, le petit dernier de la fratrie Millar/McNiven cachait des tares, non pas esthétiques, mais bien scénaristiques. Steve, grand professionnel devant l’éternel, a fait son job ; peu d’audace dans le crayon, certes, mais le boulot est fait. Non, c’est du côté de Mark que le bât blesse. Ce scénariste pourtant talentueux s’est laissé aller à ce qui nous menace tous, moi le premier : la facilité. Cette catin du diable qui nous pousse sur le chemin de la perdition depuis notre plus tendre enfance a finalement eu raison du créateur de Superman : Red Son.
« Vas-y expédie le truc et vas t’éclater avec les royalties de Kick-Ass ! », un argument fatal.
Je te laisse donc juger des dégâts, toi, ô lecteur intransigeant : dans un monde où règne le crime, un jeune garçon a perdu ses parents (Batman). Assoiffé de vengeance et aidé par la somme considérable que lui a léguée son père (re-Batman), il parcourt la ville en collants, confortablement installé dans une voiture de luxe, qui peut à l’occasion se transformer en moto armée jusqu’aux chromes (encore et toujours…). C’est au moment où l’on désespère que survient la touche de génie : le pseudo-Bruce Wayne a choisi le côté obscur du lycra… et en plus il est en blanc !
Mis à part Karl Marx, qui pourrait voir dans cette œuvre la preuve que les capitalistes sont vraiment tous des connards, le fan de comics aura du mal à retrouver l’opus transcendant qu’on lui avait promis. Alors, oui, dans le genre super vilain, Nemesis ne se défend pas mal : il est violent à souhait, particulièrement sadique, et fait même preuve de vulgarité. Hélas pour lui, à force de vouloir faire dans le vilain-méchant-pas-gentil-du-tout, Millar nous a pondu un garnement ridicule qui massacre une centaine de gardiens armés à mains nues pour la beauté du geste, pratique la fécondation in vitro entre frères et sœurs (Mouuuhahaha, machiavélique n’est-ce pas ?), et se sent obligé d’ajouter « connasse » à la fin d’une phrase pour faire plus bad boy. Que tous ceux qui s’attendaient à voir l’enfant terrible du Joker et du Marquis de Sade se ravisent, ils liront plutôt les aventures d’un bébé éprouvette à base de Chuck Norris et Dr d’Enfer. Le résultat est donc tout simplement pénible à lire.
Relativisons tout de même, puisqu’une valeur sûre de l’industrie cinématographique hollywoodienne vient d’acquérir les droits de l’œuvre. Je veux parler de Tony Scott, celui-là même qui avait commis Unstoppable en 2010. Qui a dit qu’on ne pouvait pas aller plus bas ? Après un été qui a laissé des séquelles chez les groupies des justiciers masqués (« Maman j’ai encore fait un cauchemar avec Green Lantern »), la médiocre performance d’un tandem qui avait pourtant fait ses preuves ne peut qu’achever la bête. Mais que la résistance du bon goût ne désespère pas, une lueur d’espoir se profile à l’horizon : The Dark Knight is rising (again) !
Mark Millar-Steve McNiven // Nemesis // Panini Comics
2 commentaires
Rien de mieux depuis Dark Knight, de toute façon. Et le teasing d’un Batman essoufflé, aperçu dernièrement, m’a rendu hystérique : Franck Miller / Nolan, même combat (dans la boue avec le bruit des os qui cassent) ?
Bien d’accord avec vous sur Nemesis, maintenant parler de CO à propos de Civil War, et Old man Logan (des comics sympatoches, sans plus), il faut savoir raison garder !