Je dois faire mon coming-out et croyez-moi c’est pas facile : vingt ans à écumer les scènes pour trouver les chanteurs de demain, les groupes chic et choc, l’underground qui finira sur votre balcon et me voilà, con comme pas deux, à avouer à mon père que je suis pédé comme un phoque en rétrocédant toutes mes convictions au profit du malin. Par les temps qui courent où le vegan prend le pouvoir, où le journalisme est synonyme de Vanity Fair et de Quotidien sur TMC, où la goudou s’acronyme en LGBT et où ma belle-mère tente péniblement de faire plus jeune que son âge, moi je me suis mis à aimer Sardou.

Je suis tombé dans Sardou comme on marche dans une merde et qu’on te répond « ça porte chance ». Je me demandais pourquoi nous passions nos soirées à encenser Sinatra, Cohen, Strummer, Dylan sans jamais trouver un pendant français digne de ce nom. Un truc solide que tu écoutes en te disant « ha oui ça c’est ricain » ou « ça c’est briton ». Un truc qui rentre et qui t’accroche parce que ça donne à rêver d’un lieu, d’une époque. Un truc qui swing avec le parfum côtier d’un endroit bien déterminé. Pour quelqu’un de l’hexagone, il fallait un popu’ sans bannière. Alors je me suis lancé sur ma plateforme d’écoute et j’ai gommé mes coups de cœur en partant d’une oreille vierge. Un chanteur tripaille, gaulois, contradictoire et grande gueule, cœur tendre et peau dure, ça devait être possible à dénicher. J’ai pris Claude François et même bourré il m’a jamais décroché un refrain, ensuite je me suis enfoui dans Michel Berger et j’ai tout débranché. Hallyday c’était pas encore froid et Pagny trop en dedans. Je cherchais une pointure 42 et je me retrouvais avec des tailles fillette 36.

J’ai appelé ma copine Sandre en lui expliquant mon problème. Il m’en restait un. Sardou. « Sardou il me dégoûte ». C’était bon signe. J’en ai parlé à d’autres et tous « Sardou il nous dégoûte ». J’en ai parlé à ma belle-mère sur sa table d’opération pour la liposuccion de sa prostate et elle m’a gémi « Sardou c’est un chanteur de droite il ne peut pas être mauvais ». C’était donc ça un chanteur français. 50/50. La démocratie. Le grand coup d’un mec qui divise. Jamais content et toujours présent. Aller à l’encontre de la société mais en profiter. Être pour le changement mais demander à rester assis dans une république en marche. C’était là qu’il me fallait creuser.

Sardou et vous, c’est l’horloge qu’on remonte à l’envers

J’ai enfermé mon chien, j’ai bâillonné mes gonzesses et j’ai monté le volume. Inutile de vous dire qu’on connaît à peu près tous ses chansons (un bon point) et que certaines (voire la plupart) ont mal vieilli (un autre bon point). Je ne vais pas énumérer les titres vous vous mettriez à chanter ; je vous dis pas la honte au bureau. En karaoké c’est impossible à faire (j’ai essayé) car il envoie du lourd le vieux crabe. Faites l’expérience : prenez un titre de n’importe qui et vous serez minable vendredi soir au pied d’une estrade branlante, mais prenez une chanson de Sardou et vous serez pitoyable pour le restant de vos jours. Cet homme n’est pas adaptable (et c’est tant mieux).

Sardou, c’est le mec à table qui sera toujours contre la majorité ou pour, si jamais tout le monde est contre.

Il aime emmerder. Il n’est pas beau, il n’est pas grand, il est pas politiquement correct, mais il est d’ici. Homophobe, raciste, réactionnaire, poujadiste, mettez les étiquettes négatives de l’humain des années 2020 sur sa gueule, il ne lui restera plus une place pour sourire. D’ailleurs ça tombe bien, il sourit jamais et nous pompe l’air.

Sardou c’est toi et moi, ceux d’une tranche d’âge réfractaire au progrès synthétique, qui acceptons de virer ailleurs, sans direction fixe, avec trop de globules blancs dans un organisme atteint par la vérole. Pas branché, car il est déjà vingt heures, mais pas démodé car jamais dans les petits papiers du maintenant. Le gars du coin, pas bien dans sa peau mais obligé d’être dedans jusqu’au cou, plutôt dans le non, plutôt dans « ça suffit vos conneries, j’ai rien à dire et à quoi bon car tout le monde s’en fout ». Sardou et vous, c’est l’horloge qu’on remonte à l’envers. Pas par « c’était mieux avant » mais par protestation à l’ordre établi.

Chaînes en or contre épingles à nourrice

C’est un Africain en Asie et un Américain en Russie. C’est un homme de droite quand on penche à gauche et un homme de gauche quand le bateau coule à droite. Sardou n’est pas engagé mais enragé. C’est un clébard solitaire dont la société s’est amusée à regarder ronger nos travers… en chantant. Il a dit tout et son contraire : l’ubac, l’adret, le chaud, le froid, va savoir où souffle la girouette. Inqualifiable, rentrant dans aucune case, aucune caste. « Dégoûtant » mais vivant.

Sardou aime être le salaud de la tribu. Sardou c’est drôle. C’est une époque où la virilité se montrait sans tatouage ou barbe de hipster. Sardou raconte des histoires de mauvais goûts, des textes avec gourmette et chaîne en or sur poitrail fourni, mais il faut lui reconnaître une justesse prémonitoire sur nos pépins d’aujourd’hui. Le « que de la gueule » c’est Sardou. Sardou est différent ou s’amuse à se rendre différent pour son business. La castagne qui rapporte. Des idées pour le blé. L’artiste qui grogne du trop d’impôts mais qui ne se cache pas dans les paradis fiscaux. J’accuse de Sardou, c’est le complément élémentaire du Fatigué de Renaud. C’est un tonton lointain faisant un clin d’œil canaille en pinçant une fesse. Et c’est une France qui a existé et qui tout doucement s’éteint.

27 commentaires

  1. Vous pouvez m’expliquer ce qui voulait dire sur sardou parce que moi j’ai juste compris qu’on le critiquer encore pour rien j’ai l’impression que quand quelqun dit des vérités sa dérange

    1. C’est effectivement de la méchanceté gratuite envers un chanteur qui a été le chanteur préféré des français. Des purement jaloux qui ont écrit cela…

    2. Je vous donne raison il ne faut pas dire que vous pencher à droite sinon vous êtes raciste la mode est à gauche un artiste très bonne artiste et que cela déplaise à certains jadore sardou??

  2. Chapeau ! Il fallait oser ! Et pourtant que le créateur du « temps des colonies » et de « Je suis pour  » n’est pas un mauvais bougre , disons qu’il met tout son talent pour le faire croire ! Beau billet !

  3. je ne trouve pas le ‘növö’ lögö de chez rue saint savin tres pertinent! ils ne viennent pas de ce ‘milieu’ & ne sont pas assez petes du ‘bocal’, viennent plutôt du bocage banlioux…..

  4. Chasse ouverte @ la grive!Ô! dans le 83 i-d i-dent–fiché! costume bleu ciel avec grade! ?

  5. donc look sharp… si t’a un tesson… une gueule pas claire…un pull…… t’a droit a des punchs directs dans le caisson…. ah quand gonzaï fait des reportages la dessus, y restent cloitrés? …

  6. baleapop O10OO se barre le pât& @ glut& & les sandalettes sont perçées, les subventions seront pour les quelques gringalets de jones qui s’y croyeaint, leur bebes vont avoir de la moustache. C%% Pµ**!

  7. Bonsoir. Plutôt que des commentaires à priori pour certains écrits sous acide, j’aimerai vous dire que votre article est superbement écrit et sa conclusion d’une grande intelligence sur ce que nous ne retrouverons pas.

  8. « Par les temps qui courent où le vegan prend le pouvoir … » , Michel Sardou est végétarien et a même candidaté pour être Président du Parti Animaliste …

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