À l’échelle de l’Italie, Le Orme multiplie les records. Premier album de prog du pays, premier disque live de l’histoire du rock italien, premier groupe à ouvrir un site Internet dédié en 1996… et si son dévouement au rock progressif est l’essence-même de ses cinquante années de carrière, le groupe a pourtant changé maintes fois de son, pour tenter de survivre aux nouvelles tendances traversées au fil des décennies. Des choix parfois étranges, souvent audacieux, pas toujours judicieux, mais une chose certaine : malgré les départs successifs de la plupart de ses membres historiques, Le Orme ne semble pas prêt de tirer sa révérence. Pour le meilleur et pour le pire.
En 1966, dans une Venise gagnée par l’émulation artistique internationale, les quelques vainqueurs d’un concours de jeunes musiciens décident (comme toute bonne bande de jeunes musiciens qui se respecte) de monter un groupe. Résolument influencé par le rock psychédélique de l’époque, Le Orme signe en 1969 son premier album « Ad Gloriam » sur le petit label milanais Car Juke Box, après avoir été recalé par EMI. Cet excellent disque passe alors relativement inaperçu et sera plutôt redécouvert vingt ans plus tard, quand le DJ David Holmes utilisera un sample du morceau titre pour son Police 69, lui-même figurant dans la BO d’Oceans Eleven. Après ce premier album, les aléas de la vie de jeunes adultes rattrapent le groupe et Le Orme voit la quasi-totalité de ses membres abandonner le projet pour suivre leur service militaire. Seul reste le chanteur et bassiste Aldo Tagliapietra, rejoint par le claviériste Tony Pagliuca et le batteur Michi Dei Rossi. Le Orme tient alors son trio historique.
Un contrat pour 10 albums
Lâchés par leur label par manque de succès, le groupe doit se réinventer. Pagliuca rentre tout juste d’un voyage à Londres, où il a découvert avec Emerson, Lake & Palmer et Yes l’univers du rock progressif qu’il partage à ses amis avec enthousiasme. Les nouvelles démos sont prometteuses : le groupe signe chez Philips un contrat de 10 albums, en commençant par leur « Collage » de 1971 (le fameux « premier album prog d’Italie »). Malgré des sujets durs (la prostitution sur Era Inverno ou la toxicomanie sur Morte Di Un Fiore), celui-ci est plébiscité par les radios nationales et gagne une place dans le top 10.
L’année suivante, « Uomo Di Pezza » leur vaudra de partager une tournée italienne avec Peter Hammill, membre fondateur de Van der Graaf Generator. Un prestigieux ami, qui traduira en anglais leur prochain disque « Felona e Sorona » (1974) sur une commande de Tony Stratton Smith, taulier de Charisma Records et manager de Van der Graaf et Genesis. Dopé à l’orgue Hammond, cet album-concept basé sur une histoire d’harmonie et de rivalité entre deux planètes est le chef d’œuvre qui propulse Le Orme sur la scène internationale.
Virage à la Grace Kelly
Après ce début de carrière sans faute, le groupe est érigé au rang de star nationale et ouvre la voie à d’autres grands noms du genre, comme Banco del Mutuo Soccorso ou Goblin, rendu célèbre pour ses BO de Dario Argento. Le Orme est attendu au tournant, mais la cadence ne tient pas vraiment l’engouement de leur dernier coup d’éclat. Le public découvre le punk, la disco et la new-wave, les divagations mélodiques et les morceaux à rallonge n’ont plus la côte. Alors que leur maison de disque les pousse à s’adapter à ce changement, le groupe prend une étrange décision : se tourner vers le baroque italien et la musique de chambre, qui inspirait largement leurs premières compositions.
En résulte « Florian » (1979), album pétri de références bibliques dénonçant une musique pop et commerciale à la dérive (avec un clin d’œil amer au Mr. Tambourine Man de Bob Dylan sur Fine Di Un Viaggio), en troquant les orgues électroniques pour violons et violoncelles. L’album se défend… mais public et critiques sont mitigés.
Le groupe aux 50 remplaçants
Ce virage audacieux amène son lot de désaccords au sein du groupe. Pagliuca pense tenir le bon bout, mais Tagliapietra et Dei Rossi sont très dubitatifs. Le groupe se sépare en 1982 et se reformera quelques années plus tard, sans parvenir à maintenir le cap des débuts. Sur les décennies suivantes, sans formation centrale stable, Le Orme voit défiler une quinzaine de musiciens et environ 25 albums, tirant tour à tour vers la new-wave, la musique classique et un rock nostalgique des débuts. Pagliuca quitte le navire en 1992. Puis, en 2009, après quarante ans de bons et loyaux services, c’est le chanteur Tagliapietra qui se retire définitivement du projet pour se consacrer totalement à la pratique du sitar (dont il publiera plusieurs méthodes).
Du trio initial, il ne reste que le batteur Dei Rossi : Le Orme garde son nom mais n’a désormais plus grand-chose à voir avec ce qu’il était, un syndrome récurrent chez nombre de groupes vieillissants. Pour autant, malgré la qualité inégale de leurs vingt dernières années, ce fer de lance du prog italien mérite largement son intronisation au panthéon du culte, autant qu’un petit coup d’œil dans le rétroviseur. Et si Rosa Dei Venti, le nouveau single paru début septembre, ne restera clairement pas dans les annales, il constitue une bonne raison de se replonger dans l’histoire de ce groupe culte et méconnu.
2 commentaires
hé le szippy y’a un revival de quartier
Et Contrappunti? L’est où contrappunti?