Si l’alcool et la drogue ne sont jamais très loin, quand même restons réalistes, il parle de gens comme vous et moi, des types un peu paumés, en prises avec leurs histoires, leurs sentiments et leurs embrouilles sans pour autant nager dans le gnangnan ou la mièvrerie. Il y a de la poésie dans cette urbanité déchirée, typiquement européenne et profondément slave. Ce qu’on voit de cette ville sous la plume fine et sûre de Timothée Demeillers, c’est que ce que tout voyageur du dimanche ne verra pas, engoncé dans ses sightseeing bus, bien encadré par des guides braillards à casquettes. La vie, la vraie, celle que tout voyageur avide de vie ira chercher, quitte à se retrouver dans des bars douteux à des heures tout aussi douteuses dans les bars des quartiers rouges du monde entier. Mais avant toute chose, Timothée est un écrivain européen.
Pourquoi avoir choisi Prague comme décor de votre histoire ?
Prague est une ville dans laquelle j’ai vécu assez longtemps et qui, je trouve, se prêtait bien à ce récit, notamment parce que j’y ai croisé au détour de rencontres, de soirées, de pérégrinations, des personnages qui ont fortement influencés ceux du livre. C’est une ville qui m’est très proche, dans laquelle, bien que je n’y ai vécu officiellement qu’un peu plus de trois ans, je me sens chez moi. C’est d’ailleurs la seule ville pour laquelle je puisse en dire autant.
Que vous inspire cette ville ?
Prague c’est à la fois une des plus belles capitales européennes, à l’histoire riche et foisonnante, partagée entre Est et Ouest, une destination touristique majeure, une ville à taille humaine qui a produit et qui continue de produire des écrivains, réalisateurs et autres artistes majeurs, un espace hors du temps, à l’état d’esprit assez libertaire, mais aussi une capitale européenne abritant une très importante communauté étrangère, vivant selon ses règles, dans ses propres repaires, sans interaction avec la société tchèque, sans en connaître la langue même, c’est également une des destinations fétiches d’enterrements de vie de garçons, qui débarquent pour 24 heures de plaisir et d’amusements. Enfin et c’est peut-être lié aux raisons précédentes, c’est aussi une des villes qui connait des taux records de consommation d’alcools et de drogues en tous genres. C’est donc tout ça à la fois, ces différentes populations qui coexistent, qui vivent côte à côte dans un cadre absolument exceptionnel. C’est sûrement une vision un peu romantique, mais Prague, pour moi, c’est toutes ces facettes-là.
Que pensez-vous de l’image qu’on en a, à travers les films, ce côté très sexué et alcoolisé ?
C’est un mélange intéressant d’orientalisme, de fantasme et de réalité. Prague est sans conteste une des destinations principales du « plaisir », à la fois festif et sexuel. Même si la ville a depuis été supplantée par d’autres métropoles européennes un peu plus à l’Est (et donc moins chères), Prague demeure toujours malheureusement une des principales destinations de tourisme sexuel en Europe. Sexe et alcool sont donc très présents dans la vieille ville, tout est fait pour que le touriste passe du bon temps et le centre-ville, une fois la nuit tombée, devient un grand espace de fête, entre bars, bordels et boites de nuit. Ce qui est intéressant il me semble, c’est que cette réalité a finalement répondu à un fantasme des foules touristiques, des Occidentaux qui voyaient dans l’ « Europe de l’Est », des espaces vierges peuplés de filles faciles et d’alcool pas cher. Finalement une réalité et des fantasmes qui s’entretiennent et s’alimentent mutuellement.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
J’écris ou tente d’écrire depuis assez jeune, sans véritablement penser à l’idée de la publication. Cela a toujours été pour moi un moyen de poser des choses que je trouve difficilement exprimables à l’oral. Pourtant, c’est avec ce texte, Prague, faubourgs est, la première fois où j’ai ressenti l’impression de tenir « quelque-chose », de me faire porter par mes personnages et de créer un univers qui pourrait, éventuellement, donner un roman.
Quelle est votre ville d’écriture préférée ?
Londres, où je réside, me plait particulièrement. Le ciel bas, la pluie, les pubs, les briques rouges sont, je ne sais pas pourquoi, propices à l’écriture.
Pensez-vous écrire vos prochains romans avec une ville pour cadre ?
Je ne pense pas écrire un livre ayant pour objet spécifiquement une ville, néanmoins je pense que dans n’importe quel récit, la ville ou sa description représente un moyen incroyable de créer une ambiance, une atmosphère, et de situer une intrigue dans un contexte particulier. A ce titre, l’environnement extérieur, le cadre ou la ville seront toujours particulièrement importants pour moi.
Timothée Demeillers // Prague, Faubourgs Est // Editions Asphalte
2 commentaires
Yeah !
Déjà joli prénom