Nouvelle signature du label Clapping Music, le duo parisien est l’une de ces madeleines proustiennes qui évoque autant la solitude des trajets en métro que la complexité de l’architecture de Kheops. Pharaoélectronique

« Sorry, that something isn’t here. Please start at the beginning and you’ll certainly find what you’re looking for ». A quelques semaines de la sortie de « Skies », superbe premier album qu’on pourrait résumer comme le périple novö d’Asterix en mission chez Cléopâtre, tout commence ainsi. Avec une phrase toute conne qui s’affiche lorsqu’on cherche à cliquer frénétiquement sur la case j’aime de la page Facebook qui leur est dédiée. C’est, en peu de mots, un parfait résumé de la quête initiatique qui s’annonce. Mais tant qu’à suivre à la lettre les conseils du moteur de recherche, start at the beginning.

Car oui, il y a au cœur des bons albums de musique jouée sans six cordes ce quelque chose qui les distingue singulièrement des albums rock qu’on n’écoute plus que d’une oreille. Cette inexplicable attirance pour les disques synthétiques composés par des anonymes bronzés sur des LEDS rétrofuturistes alors qu’on a déjà à disposition toute une tripotée de rockeurs festifs copiée-collés sur une affiche publicitaire d’Iggy Pop pour les Galerie Lafayette, j’ai fini par en comprendre le sens un jour où je m’embarquai à reculons dans l’un des cockpits collectifs rétro-éclairés qu’on appelle plus vulgairement métro. De la RATP à la misanthropie, il n’y a qu’un pas. Mais ça m’a permis de comprendre pourquoi je détestais autant mes voisins de correspondance que le rock du nouveau siècle dont les subtilités me semblaient désormais bien minces. Ou trop subtiles. Ou trop passéistes. Quoiqu’il en soit, en parfait inadéquation avec mes voyages en zone 2.

Vous allez me dire qu’on s’écarte ici du sujet initial, à savoir Egyptology et son transport vraiment pas commun. On peut à l’inverse se dire qu’après des décennies à vivre la musique ensemble avec Joe Dassin dans la voiture familiale ou seins nus sur la plage avec les Stones, la musique synthétique a fini par s’imposer dans une société de solitude avec, pour seul droit à l’oubli, une volonté d’isolement dans une marée inhumaine où chacun cherche dorénavant à oublier l’existence de l’autre. Comme un antidouleurs pour oublier dix minutes à quel point l’humanité peut être un fardeau quand elle est vécue collectivement. L’écoute de « Skies » demeure à bien des égards l’un de ces ravissements qui donne à l’écoute des airs de prière, entre deux stations. Plus près de toi, saint Thétiseur, you’ll certainly find what you’re looking for.

Afin de remonter dans les rankings Google, revenons maintenant à l’histoire plus formelle. Egyptology se compose de deux français qui ont parcouru les années 2000 à la recherche d’une chanson qui permettrait de synthétiser l’Arp Odyssey, la vierge Marie et les autoroutes de Krafwerk délocalisée sur le Nil. D’un coté, le parisien Domotic qu’on a déjà repéré chez Karaocake, My Jazzy Child ou Centenaire. De l’autre, un « homme à plusieurs vies » comme l’écrivait récemment Joseph Ghosn, Olivier Lamm. Tour à tour critique musical (chez Chronicart, plus récemment chez The Drone), musicien et puits de science des musiques occultes et invisibles, Lamm est l’un de ces savants silencieux trop respectueux des saintes harmonies pour se vanter de son entrisme pourtant respectable. L’addition des deux cerveaux raccordés donne donc ce triangle isocèle nommé Egyptology ; un projet dont les photos presse un peu foutage de gueule ne parviennent pas à réduire l’ambition. En douze pistes, ils définissent avec précision la musique du futur telle qu’on l’imagine, à la fois géométrique et aventureuse, charnelle et déshumanisée, singulière et diablement générationnelle. Moins connotée vintage que peut l’être l’électro nostalgique des Château Marmont, peut-être encore plus rectiligne que l’essai solo de Turzi, moins poum-tchak que Joakim, plus salon que clubbing mais aussi moins soumis à la loi de Lavoisier, rien de moins que du Chopin joué par des robots déprimés. Chez Egyptology, rien ne se perd et rien ne se transforme ; leur musique vise un ailleurs. That something isn’t here. Terminus, tout le monde s’élève.

Egyptology // The Skies // Clapping Music (sortie le 14 avril)
En concert au Point Ephémère le 30 mars avec Yeti Lane

http://egyptology.bandcamp.com/ 

5 commentaires

  1. « j’ai fini par en comprendre le sens un jour où je m’embarquai à reculons dans l’un des cockpits collectifs rétro-éclairés qu’on appelle plus vulgairement métro » => Houellebecq sort de ce corps! Bon sinon ça sent très très bon tout ça, vivement le concert au Point Ephémère…

  2. Suis d’accord avec toi sur les bienfaits de la musique electro qui arrive comme une bouffée d’oxygène (non c’est pas une réf à Jarre) quand on commence à étouffer. Moi qui me tape pas mal de transports tous les jours je te rejoins sur l’effet translocateur cérébral, tu te barres à 10 000 années lumière de la foule des zombies qui polluent ton espace vital. Le Kraut rock (psyché) me fait aussi cet effet maintenant comme je l’avais écrit dans une chronique RATP à l’époque. C’est pas mal The Skies. Je viens bizarrement de découvrir Tangerine Dream en faisant une recherche sur les années 70. Hyper Sphynx ça colle bien là tout de suite, c’est raccord. Merci pour la découverte!

  3. That’s the entirely way ingredients in these products and, accordingly, the shock of those ingredients on the Wellness of citizenry who ‘dope’ e-cigarettes or the masses about them. the electronic cigarette company The e-cigarette is in reality vapor Hold been implicated in disease causation at the levels that Hold been detected in laboratory studies.

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