(C) Sophie Ebrard pour Flammarion

Dans Comedian rhapsodie, premier roman paru chez Flammarion, l’ancien rédacteur en chef de Rock Sound devenu comédien et humoriste raconte ses hauts et ses bas dans l’impitoyable monde de la rock critic. Magneto.

Après avoir écrit des palettes d’articles sur les artistes et groupes en tout genre, rien d’illogique à ce que des journalistes vieillissants commencent à coucher sur papier non glacé leur souvenirs de jeunesse. Long play, dude. Après « Passeur » de Jean-Daniel Beauvallet et en attendant l’opiacé « Flashback acide » de Philippe Manoeuvre, c’est au tour du comédien et humoriste Thomas Vandenberghe de raconter sa passion pour la musique. Un rapport amoureux aux airs de montagnes russes. Pourtant, avant de donner dans la blague sur France Inter et de faire rire les salles, VDB ne jurait que par elle. Au point, adolescent, de monter le fan club français de Korn et de se retrouver quelques années plus tard sans trop savoir comment rédacteur en chef de Rock Sound. Si cette passion lui a permis de rencontrer les posters de sa chambre d’ado, elle lui a aussi caché une dure réalité : un magazine ne se fabrique pas tout seul. A défaut de perdre ses dernières illusions dans ce pseudo couronnement, ce Lucien de Rubempré du néométal y gagne une certitude  : faire le rock critic, pour lui, c’est fini. Devoir écouter le dernier Sum 41 aussi. On ne peut que vous conseiller la lecture de Comedian rhaposdie, premier roman cochant toutes les cases (nostalgie, enthousiasme, anecdotes marrantes et instructives à la fois) d’un très bon livre sur la musique. Au fait, saviez-vous que Dick Rivers était ami avec George Lucas ? Thomas, lui, le sait. Rencontre avec celui qui a vu Rammstein en slip de bain.

(Je sors mon dictaphone et j’appuie sur Play)

Thomas VDB : ça va, on entendra bien ma voix pour l’enregistrement ?

Très bien a priori. Nous sommes chez vous, à Etampes, dans un cadre calme. Pas de techno, pas de bruits parasites. Faire des interviews, c’est quelque chose que vous avez d’ailleurs souvent fait quand vous étiez rédacteur en chef de Rock Sound.

Thomas VDB : Je me souviens de celle d’Eddie Vedder, le leader de Pearl Jam. Ca se passait à Seattle. J’avais mon vieux magnéto à cassettes, ça remonte. Le mec était adorable. Il m’installe dans un studio et s’affale dans un canapé un peu plus loin pour répondre à mes questions. Je pose mon magnéto et on fait l’interview. Juste au-dessus de lui, il y avait la climatisation. Quand j’avais écouté la cassette pour retranscrire je n’entendais que deux sons : celui de la climatisation, et celui de mon magnéto qui tournait. Et loin, très loin, un micro murmure incompréhensible : la voix d’Eddie Vedder. Des interviews foirées, j’en ai fait pas mal. Le roi du papier inexploitable !

Démarrons par une question de base. Pourquoi ce titre, Comedian rhapsodie ? N’y aurait-il pas là un hommage à peine voilé à Queen ?

Thomas VDB : L’idée du titre vient de ma femme, Audrey. Qui est d’ailleurs responsable de beaucoup d’idées que les gens m’attribuent ! Il se trouve que le livre, sans être sur Queen, en parle pas mal. A un moment, j’ai tout naturellement cherché un jeu de mots à faire sur une chanson de ce groupe. Comedian rhapsodie...On peut difficilement aller plus loin dans le jeu de mots avec une titre de chanson de Queen qu’avec ce titre. Le livre sort tout juste, et pourtant ce titre me saoule déjà un peu. Parce que je ne suis plus un fan « actif » de Queen aujourd’hui, même s’il m’arrive encore d’écouter le groupe de temps en temps. Tous les papiers sortis sur le bouquin parle de moi comme LE fan de Queen. Ca m’emmerde d’être vu comme LE fan de Queen, et en même temps, c’est de ma faute. Je n’avais qu’à choisir un autre titre.

Thomas VDB est presque célèbre... [Interview] - La Parisienne du Nord

Est-il bien cohérent de choisir pour titre un jeu de mots sur Queen quand on est le fondateur du fan-club de Korn en France ?

Thomas VDB : Exactement. Toute la question est là. Ou presque. J’ai aussi été abonné au fan-club de The Cult, donc tout ça n’est pas très cohérent. J’ai toujours été très fan-club. Je le suis moins maintenant bien sûr. D’autant que ce genre de trucs n’existe plus vraiment. Mais à l’époque, j’étais à fond là-dedans. Je me souviens être allé à un rassemblement des fans de Queen – encore eux ! – à Thionville. Là-bas, il fallait reconnaître des morceaux du groupes, passés à l’envers, et taper dans une gamelle avec une louche quand on avait trouvé le morceau. On se situait entre Intervilles et Queen.

« Vous avez bien compris que ça n’est pas un livre du genre « Les 100 disques à avoir absolument dans sa discothèque » ? »

Quel chemin vous a conduit à vouloir coucher aujourd’hui sur le papier votre lien avec la musique ? Comedian rhapsodie raconte votre premier quart de siècle. Une période où la musique guide vos choix.

Thomas VDB : J’ai commencé à écrire ce livre il y a 3 ans. Cela fait des années que je suis fan de musique, des années que j’écris des blagues pour la radio, pour la scène. Je me suis rendu compte que la musique m’inspire beaucoup quand je fais des blagues. Dans le fond, comme dans la forme. A la radio, il m’arrive de faire des jingles chantés. Il y a quelque chose de marrant à chanter en mode bancal, presque faux. Mais avec énergie et volonté. Je fais aussi des blagues sur les musiciens, et sur moi, fan de musique. Je me rends bien compte que mon côté « fan de » est totalement risible. Avant de me lancer dans l’écriture du livre, je sentais qu’il y avait quelque chose à faire. J’avais envie de rassembler tout ce qui me fait rire dans la musique, dans ce milieu étrange. Ni une ni deux, je m’étais mis devant un écran d’ordi en me disant « Alors qu’est ce que j’ai fait comme bonnes vannes sur la musique ? ». Evidemment, ça n’était pas la bonne façon de chercher. J’aurais sûrement mieux fait d’aller chercher dans mes vieilles chroniques ou mes vieux articles. Mais je n’en avais pas trop le courage. Ma meuf m’a beaucoup poussé à bosser, à passer à l’action. Une fois que j’ai lutté contre ma procrastination, je me suis rendu compte que ce qui fonctionnerait le mieux serait de reprendre mon rapport à la musique de manière chronologique. En commençant évidemment par les premières fois où la musique m’a ébranlé. Mes premiers chocs, c’est West Side Story et une compil’ des années 60 que j’écoutais à fond gamin. Des années plus tard, j’ai retrouvé cette compilation sur Discogs. C’est la première fois que je pouvais réécouter tous les titres dans l’ordre.

Votre famille écoutait aussi beaucoup de musique.

Thomas VDB : La musique, c’était en effet quelque chose d’assez familial. J’écoutais les albums qui étaient là. Assez rapidement, ma mère m’avait étiqueté comme « le fan de musique de la maison ». Quand elle revenait de la messe des jeunes et qu’il y avait des jeunes qui jouaient, elle ne pouvait s’empêcher de me dire « Tu as raté quelque chose ! ». Dans ce livre finalement, je raconte mes souvenirs liés à la musique. Soit des souvenirs passionnés, soit des souvenirs de goût ou de dégoût musical. J’explique aussi comment ma passion pour la musique a forgé ma personnalité, en bien mais aussi en mal. Dans les années 90, quand je découvre Infectious Grooves ou Senser, je commence à basculer dans le sweat à capuche en arguant auprès de mes potes que je viens de là depuis toujours. Alors que non. Quand tu es ado, la musique te donne des ailes. D’un coup, tu deviens légitime pour passer d’un style à un autre. Peu importe que tu passes des dreadlocks au jean slim. Si tes goûts musicaux ont changé, tu suis le style vestimentaire qui va avec. Et tu prends une nouvelle personnalité. Sans douter. A y repenser aujourd’hui, je trouve qu’il y a beaucoup de choses drôles dans cette période de l’adolescence. A 16 ans, j’étais fan de The Cult et je n’avais plus qu’une idée : mettre un bandana. Au premier degré. Les gens devaient se foutre de moi, mais j’y croyais dur comme fer, à Ian Astbury et à ce bandana. Ma passion pour la musique m’a souvent rendu ridicule. Et comme j’aime rigoler de moi-même, j’avais envie de rassembler tout ça dans un roman. Vous avez bien compris que ça n’est pas un livre du genre « Les 100 disques à avoir absolument dans sa discothèque » ? Je laisse à ceux qui le font brillamment le droit de l’écrire, mais mon idée, c’était d’aller dans l’autre sens. Je voulais faire quelque chose de plus personnel.

Peut être une image de livre et texte qui dit ’Thomas VDB Comedian rhapsodie Flammarion DnTи’

C’est vrai, il n’y a pas de playlist dans votre bouquin ou de listes d’albums. Ceci dit, il y a un Q/R code à la fin du bouquin. Quand on le scanne, on atterrit sur un morceau de Libido, votre groupe de jeunesse, sur Youtube.

Thomas VDB :Absolument. Ce groupe doit aujourd’hui parler à 11 personnes dans le pays de Chinon.

A ce stade on en est à 26 vues sur Youtube mais ça va finir par exploser.

Thomas VDB : Ah, merde !

Parlez-nous un peu des groupes dans lesquels vous jouiez ado. Streetfight, Libido. Ces projets avaient des noms accrocheurs mais à ce jour, ils n’ont toujours pas rempli le stade de France.

Thomas VDB : Niveau groupies en tout cas, ça ne fonctionnait pas. Rappelons déjà que quand je jouais avec ces groupes, je n’avais pas encore le bac. J’ai eu mon bac juste avant le dernier concert de Libido. Ca vous donne une idée de l’époque. On est là vers 95-96. Libido, c’est 5 ou 6 concerts. Et une cinquantaine de répétitions au plus. Dans le bouquin, je raconte le côté ridicule du projet, même si un des mecs du groupe est aujourd’hui encore un de mes meilleurs amis. Je me souviens avec amusement du sérieux qu’on mettait à se retrouver aux répétitions. Je mettais mon bandana, un peu comme Stallone retourne sa casquette dans Over The Top. Streetfight, c’était encore plus amateur. On reprenait quand même Stairway to heaven, Highway to hell et Un autre monde. Le père du bassiste, qui trouvait qu’on jouait vraiment bien ce morceau de Téléphone, nous avait proposé de le jouer sur une brocante. En boucle. Il ne voulait pas qu’on joue autre chose que ce morceau. Streetfight, c’était un groupe comme on en trouve plein à la fête de la musique. J’avais 14 ans. Je suis presque embarrassé de vous en parler. Le fait que vous m’en fassiez parler induit qu’il y avait du sérieux là-dedans, alors que quand j’en parle, c’est comme si j’évoquais mes premiers Playmobil.

Je vous en parle en raison de ce Q/R code à la fin de votre livre.

Thomas VDB : Absolument. Avoir mis ce morceau ainsi montre bien l’impudeur de ma part, et l’absence totale de sérieux du type. Il faut quand même un peu d’humilité pour mettre, dans un livre Flammarion, un morceau qu’on a fait à 16 ans.

« Si je refaisais de la critique rock aujourd’hui, un article sur cinq parlerait des New Pornographers. Parce que j’ai des obsessions absolues, totales. Quand un disque ou un groupe m’obsède, il prend la place de tout le reste »

Du sérieux, vous en avez quand même eu lors de votre brillante carrière dans la musique. Vous commencez pigiste, puis rédacteur en chef et éditeur délégué du magazine Rock Sound. On sent dans votre livre une sorte de démystification du rock critic.

Thomas VDB : C’est vrai. Pour tout vous dire, je ne veux rien généraliser. Ce ressenti n’est pas une théorie générale, c’est uniquement lié à mon expérience personnelle. J’adore lire des interviews de mecs qui font cela avec passion, comme dans votre livre, et qui sont surtout encore capables d’être rock critic enthousiaste aujourd’hui. J’adore lire sur la musique, mais faire de la critique constructive, j’en suis incapable. Si je refaisais de la critique rock aujourd’hui, un article sur cinq parlerait de The New Pornographers. Parce que j’ai des obsessions absolues, totales. Quand un disque ou un groupe m’obsède, il prend la place de tout le reste. Et quand tu es rock critic, tu ne peux pas fonctionner comme ça. Quand j’étais à Rock Sound, j’avais exactement ce problème là. J’étais tellement obsédé par Weezer qu’un jour, mon rédacteur en chef me dit « Thomas, c’est pathologique, là ». Et il avait complètement raison. Parce que j’ai toujours fonctionné comme ça.

Revenons-en à cette démystification du rock critic.

Thomas VDB :Mes premières années de pigiste étaient tout bonnement géniales. Je me sentais sur mon petit nuage. Je n’avais pas de responsabilités, et je me pointais à un moment charnière de l’industrie musicale qu’on pourrait qualifier de « fin de la récré ». J’ai pu profiter de l’argent qu’il y avait encore. Jamais je n’étais allé aux Etats-Unis. En cinq ans de Rock Sound, j’y suis allé une quarantaine de fois. Une fois aurait probablement suffit pour me faire une petite idée, mais le fait est que j’y suis allé quarante. La rock critic m’a amené des choses auxquelles je rêvais ado en lisant Hard Rock Magazine. J’étais fasciné par ces mecs qui gagnaient leur vie en allant interviewer un groupe à Los Angeles. Quand je disais à mes parents que je voulais faire ça, ils me conseillaient de passer d’abord mon bac. Ce que je raconte dans mon bouquin, c’est aussi le fait que je n’étais pas fait pour faire rédacteur en chef. C’était trop de responsabilités. A posteriori, je me rends compte que dès que la première équipe dans laquelle j’avais été intégré a implosé, tout ça m’a beaucoup moins plu. Le rédacteur en chef s’était barré pour monter Rolling Stone, on avait été racheté par un autre groupe de presse,…Bref, tout allait mal. Pour moi, la magie des débuts s’était envolé. A mon arrivée, les bureaux de Rock Sound étaient en plein centre de Paris. A la fin, nous étions à Clichy dans un immeuble aux airs de HLM où était écrit en gros le mot « Fiducial ». Ca faisait nettement moins rock’n’roll circus. Nos bureaux côtoyaient des bureaux de courtiers. La magie de parler de musique s’évaporait. Finalement, j’ai très vite décroché de la rock critic. Aussi parce que j’étais dans un magazine un peu particulier. J’ai été embauché à Rock Sound parce que j’étais fan de Korn et que j’avais monté le fan club français du groupe. Du coup, on m’imagine toujours comme le référent Korn. C’est vrai que j’ai été fan des deux premiers albums du groupe, mais depuis j’ai un peu décroché. Mon arrivée à Rock Sound correspond exactement au moment où le groupe commence à sortir des albums qui ne m’intéressent plus du tout. En arrivant, je me rends aussi compte que toute la scène néo-métal m’ennuie de plus en plus. J’ai l’impression que tous les disques qui sortent sont un seul et unique disque. Tout se ressemble à mes yeux. Tous les mois, il y a 500 sorties, et pour moi, c’est toutes les mêmes. Quand on me donne le premier Slipknot à chroniquer, ça me passe 100 kilomètres au-dessus de la tête. C’est du bruit, avec des déguisements. Le mois suivant, ils sont évidemment en couverture du magazine et le rédac chef me dit « Putain, t’as pas écouté ou quoi ?? ». « Ben si, mais c’est inaudible ». Du coup, je me retrouve à devoir gérer une matière – le métal, le hardcore – de laquelle j’ai complètement décroché. Parce qu’entre temps, j’ai découvert autre chose. La new wave des années 80, de la powerpop et autres. Frank Frejnik, un collègue de Rock Sound, me fait découvrir mille trucs. Les raisons pour lesquelles on m’avait embauché devenaient peu à peu caduques.

Finalement, la réalité du job de rock critic et la projection que vous en aviez n’étaient pas raccords.

Thomas VDB : Je ne sais pas si on peut le dire comme ça. Avez-vous déjà eu un Rock Sound entre les mains ? Je ne sais pas si vous vous souvenez des notations des disques mais il y avait quelque chose d’assez dingue. Ils étaient notés sur 5. La doctrine du mag’, c’était ça : un disque à 5/5, c’est impossible. Parce que le disque parfait n’existe pas. Impossible de mettre 1/5 également, même quand on avait une énorme bouse entre les mains. 2/5, c’était aussi rarissime. A ne dégainer que si l’attaché de presse est un connard avec toi !

J’en conclus que tous les disques étaient notés 3 ou 4.

Thomas VDB : Exactement. Du coup j’imaginais un ado dans sa chambre, nous lisant, et essayant de trouver là-dedans les bons disques parmi les disques moyens. C’était quasiment impossible. La lecture était beaucoup trop binaire. Surtout que quand tu regardais la légende, 3/5 signifiait que l’album était déjà quasi excellent. C’était complexe pour le lecteur, mais aussi pour le critique. Mettre obligatoirement 3 ou 4, ça signifiait devoir mettre dans notre chronique une certaine dose d’enthousiasme. Je me suis retrouvé à dire du bien de disques qui ne me parlaient pas beaucoup. Il faut en plus rappeler que quand j’aime vraiment un album, j’ai envie de n’écouter que cet album pendant des mois. Pas de le lâcher pour aller me fader le nouveau Sum 41. A Rock Sound, ça allait trop vite pour moi. Je devais parfois chroniquer une douzaine d’albums sur un seul mois. Alors que je pouvais passer 6 mois avec un seul disque. Comment voulez-vous que je me forge un avis critique en 2 ou 3 jours sur un album ? Pour moi, c’était quasiment impossible. Parfois, on était en retard sur le bouclage du magazine et je devais rédiger trois chroniques dans la journée. Tout ça, ça arrivait assez régulièrement. Suffisamment pour me dégoûter progressivement de l’affaire. J’ai perdu le sens. Ce qui est fou, c’est que tout cela fabriquait en moi un désintérêt pour la musique. Je tombais des nues. J’adorais ça depuis que j’étais gamin, et là, je n’avais même plus envie d’écouter les disques parce que j’avais peur qu’on me force à devoir avoir un avis tout de suite. Il fallait me laisser du temps. Pas simple, surtout qu’il fallait que j’écoute les deux premiers Weezer au moins cinq fois dans la journée puisque je suis un fan absolu de ce groupe, aha.

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A propos de Weezer, avez-vous écouté Van Weezer, leur dernier LP hommage au hard rock. Sur le papier, c’est le disque parfait pour vous.

Thomas VDB : Je ne réécoute plus beaucoup de hard rock, mais sur Van Weezer, il y a des morceaux qui me scotchent complètement. Quand Weezer sort un nouvel album, je l’écoute systématiquement. J’adore ça. Même quand l’album est pourri. Car il y en a. Mais je suis toujours content pour eux. Le Teal album, leur album de reprises où on trouve du Toto, du A-ha ou du Mickael Jackson, je le prends comme un objet d’art contemporain. Ce disque, c’est de l’autoparodie de parodie de groupes de baloches. C’est tellement énorme que je vois là-dedans beaucoup de second degré. Je crois que je suis le seul à prendre ce disque comme ça. Il faut relativiser, c’est pas non plus un disque que j’écoute en boucle. Je resterai toujours fidèle à Weezer. Mais à chaque fois qu’un disque sort, je l’écoute. Même si Raditude, c’est impossible pour moi. Je ne l’écoute jamais, il est trop horrible. Quand ils ont fait « Everything will be alright at the end », il y a 7 ans, c’était magique. Pour moi, il est au niveau des deux premiers. Chez eux, il y a de toute façon toujours des choses à sauver.

Votre livre, c’est aussi votre rapport à la notion de compromis, aux petits arrangements avec vous-même et avec les autres. Ce compromis, vous ne le supportiez plus comme rock critic. Et aujourd’hui, qu’en est-il quand vous êtes sur France Inter par exemple ?

Thomas VDB : Aujourd’hui, je ne fais plus de compromis. Aucun. Mais c’est assez nouveau, finalement. Depuis quinze ans, je ne fais plus que de la comédie. Les dix premières années, il m’est souvent arrivé d’aller dans des endroits ou des médias où je n’avais pas envie d’aller. Depuis cinq ans, je fais plus que ce que j’ai envie de faire. Mon rapport au compromis a donc beaucoup changé. Ceci dit, je vois une continuité naturelle entre ce dont je parle dans le livre qui s’est passé il y a vingt ans, et la façon que j’avais de faire ce métier de comique jusqu’à il y a cinq ou six ans. Le bouquin s’arrête quand j’ai 26 ans. Il parle de ma première expérience professionnelle. A l’époque, je croyais naïvement que les compromis faisaient partis du métier. Quand je suis arrivé à Rock Sound, j’étais dans un groupe de presse qui était cul et chemise avec les maisons de disques. Le magazine marchait très très bien et croyait, à raison d’ailleurs, avoir trouvé son lectorat avec la niche du punk-rock et du néo-métal « à roulettes » comme on disait à l’époque. Je n’écoutais absolument pas ça. Je n’ai jamais aimé NOFX, Sum 41 et autre Linkin Park. Et parfois, pourtant, je devais les interviewer pour la couverture du magazine. C’est dur de poser des questions à poser à quelqu’un quand tu te fous de ce qu’il fait. Ca, ça faisait partie des compromis. Quand j’étais rédacteur en chef de Rock Sound, l’éditeur – Yves Bongarçon, qui n’était autre que mon prédécesseur – me disait qui je devais mettre en couv’. J’étais rédacteur en chef, mais parfois j’étais un pantin. « Il faut mettre Linkin Park en couv’, Thomas. Parce qu’ils prennent plusieurs pages de pub dans le numéro». Ok…La presse rock marche comme ça ? En tout cas c’était le cas de Rock Sound. J’ai récemment lu votre interview de JD Beauvallet où il dit que les Inrocks n’ont jamais dealé des couvertures contre des pubs. Je veux bien le croire, mais là où j’étais, c’était hyper consanguin. Le rédac chef bouffait avec le chef de pub/marketing. Tu revenais de ton déjeuner et là il te disait « C’est bon, on a la couv’, ça sera tel groupe sur tel album ». On ne l’avait pas encore écouté, mais c’était pas grave. De toute façon, le nouveau Deftones serait forcément bien, aha. Peu à peu, j’ai eu l’impression d’être un pion, de passer des plats.

« Quand je lis Rock & Folk, je remarque qu’il y a toujours une page de pub de l’article qui fait la couverture. »

Vous devenez rédacteur en chef après le départ d’Yves Bongarçon pour fonder Rolling Stone France. A ce moment-là, vous voulez mettre Weezer en couverture. Lui vous dit de mettre Indochine. Ce que vous faites. Compromis ou souplesse, on ne sait pas. Le fait est que Comedian rhapsodie lui est dédié. Quels étaient vos rapports ?

Thomas VDB : Déjà, je tiens à dire que ça ne m’empêche pas de dormir d’avoir mis Indochine à la place de Weezer. C’est grâce à Yves que j’ai été embauché dans Rock Sound. J’ai adoré travailler avec lui. Même si comme nous tous, il n’était pas parfait. Il adorait le succès qu’il avait en temps que journaliste rédacteur en chef de Rock Sound. A un moment, le magazine cartonnait. On vendait 50 000 numéros par mois. Comme ce magazine avait été créé à Clermont-Ferrand, beaucoup se foutaient de la gueule de Rock Sound, le magazine des bouseux. Quand le mag’ s’est mis à cartonner, il savourait sa revanche. Il avait sa façon à lui de faire le magazine. Le groupe de presse Freeway avait réussi à se construire parce qu’il était diversifié. Rien qu’en musique, on y trouvait Trax, Groove, Ragga, Hard’n’Heavy, Rock Sound. Cela faisait pas mal de magazines sur des musiques différentes. Tous ces magazines s’étaient fait en étant très consanguins avec les maisons de disques. C’est comme ça qu’Yves m’a appris à être journaliste. « Thomas, être totalement indépendant, c’est très bien mais ça doit rester dans tes rêves ». Aujourd’hui, je ne sais pas s’il existe beaucoup de magazines musicaux qui font exactement ce qu’ils veulent. Quand je lis Rock & Folk, je remarque par exemple qu’il y a toujours une page de pub de l’article qui fait la couverture. Ca veut pas dire qu’ils ne sont pas indépendants mais ça peut interroger. La façon qu’Yves a eu de m’apprendre à être journaliste, c’est peut-être aussi la raison pour laquelle j’ai pas voulu être journaliste longtemps. Yves avait une vraie passion pour la musique. Une passion sincère. Mais j’avais l’impression que pour lui, être journaliste, c’était être assis dans un cool fauteuil et faire des cool déjeuners. Pourtant, c’était un grand connaisseur de country, un fanatique de folk U.S. Des genres et des songwriters qu’il n’a jamais traités dans les pages de Rock Sound. Il faisait vraiment le tri entre ce dont on doit parler dans le magazine et nos goûts personnels. Pour moi, c’était impossible. On parlait de musique. Quand j’avais un coup de coeur, j’avais forcément envie qu’on en parle. Mais non. Impossible de parler d’un disque de post-rock. C’était pour les Inrocks, pas pour nous. Je trouvais ça terrible. Ces étiquettes, ces catégories, c’était autant de feux rouges pour nous empêcher d’en parler.

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Tout au long de votre carrière, la musique vous a servi de fil rouge. Votre tout premier spectacle, par exemple, s’intitulait En rock et en roll. Vous souvenez-vous du jour où Thierry Ardisson est venu vous voir avec sa femme et ses enfants dans cette petite salle de spectacle, rue d’Aboukir à Paris, le sentier des halles ?

Thomas VDB : Putain, vous étiez là ?

Oui. Et nous n’étions pas très nombreux.

Thomas VDB : Effectivement, il n’y avait pas foule. C’était la toute première version de mon premier spectacle. Je me souviens qu’Ardisson était au premier rang, à un ou deux mètres de moi, avec ses trois enfants. C’était une sensation curieuse. Avoir un mec que t’as tous les samedis dans ta télé au premier rang, en train de t’écouter, c’est assez bizarre. Il tapait sur le genou de son fils quand je parlais de Korn parce que son fils adorait alors ce groupe. Cette première version du spectacle durait une heure et demie. C’était beaucoup trop long. Il était venu parce qu’une connaissance commune lui avait dit qu’il fallait absolument venir voir VDB. Sa femme aussi était à fond musique. Les compilations Béatrice Ardisson, c’était quelque chose. Ca avait du leur plaire puisque j’avais été invité à Salut les terriens derrière.

Comme tous les quadras, vous êtes passé par la phase « J’enregistre les albums sur des cassettes vierges ». Êtes-vous plutôt TDK120, BASF90 ou SONY60 ?

Thomas VDB : BASF90, sans hésitation. Parce que les 120 créaient parfois un problème de vitesse. La bande était un peu trop lourde à tirer pour les magnétocassettes et du coup elle tournait parfois un tout petit peu au ralenti. Quand j’avais 10 ans, un de mes cousins travaillait pour Virgin, chez Labels. Il nous donnait plein de compilations Virgin. Et des albums promo en cassette. Après avoir écouté très longuement deux albums, je les mettais parfois sur une cassette de 120 minutes. Un jour, il me file la cassette promo de « Loveless » de My Bloody Valentine. Je l’avais enregistré sur une 120 minutes, et pendant longtemps, j’ai pensé que l’album passait au ralenti à cause de ça. Mais non. C’était le son du groupe. D’ailleurs, lors de sa sortie, beaucoup de clients ramenaient leur album de MBV dans les magasins pensant qu’il avait un défaut de fabrication. Pour en revenir à votre question, j’ai toujours préféré les cassettes de 90 minutes. Ado, je n’avais qu’un but. Avoir le plus d’albums possibles. Parfois, je poussais la connerie à préférer avoir deux albums très moyens de 43 minutes à un fantastique album de 50 minutes pour la simple et bonne raison qu’il ne tiendrait pas sur une seule face. Ma collection de cassettes, je l’ai conçu méticuleusement. En respectant cette doctrine. Quitte à avoir un album de Niagara sur une face, et Slayer sur l’autre.

La question du rapport au support est intéressante. Ado, vous étiez ultra méticuleux avec vos cassettes, comme vous le racontez dans le livre. Une fois rock critic devenu, vous avez trop de disques. Au point que vos potes jouent à les jeter par la fenêtre de la voiture quand ils roulent avec vous.

Thomas VDB : Aujourd’hui, j’ai l’impression de traîner ma collection de disques, conséquente, comme un boulet. C’est comme si je m’en voulais d’avoir décidé de devenir collectionneur de disques quand j’étais gamin. J’ai une trop grosse collection pour la bazarder. Et en même temps, je n’ai pas vraiment envie de la bazarder. Il y a de très beaux disques dedans. La réalité, c’est que j’ai une énorme collection de disques mais tout ce que j’écoute, c’est quasiment uniquement en streaming. J’ai toujours acheté des vinyles, même pendant les 20 ans où nous étions en pleine ère du cd. Mais je n’ai pas du tout la nostalgie de ce format. Ce discours du « Ah, les pochettes vinyles, on pouvait les garder pendant des heures », je n’y crois pas du tout. Une pochette vinyle, je la regardais 10 secondes, et voilà, c’était fini. Dans le bouquin, j’aborde un peu le rapport matérialiste qu’on a parfois avec la musique, notamment via la collection. Même si ça fait vieux con de dire ça, j’envie les gamins d’aujourd’hui d’être fans absolus de musique en ayant zéro disque chez eux. Ils ont uniquement la bonne playlist. C’est peut-être eux qui ont la meilleure approche de la musique finalement. La bonne raison d’adorer la musique, c’est la musique. Rien d’autre. Pas le support. Pas la pochette. En réalité, un vinyle, ça ne sert à rien. Tout ce discours sur cet objet supposément incroyable m’agace. Le vinyle, ça sert surtout à ce que chacun ait sa petite collection qui va bien.

« J’ai toujours eu un problème avec l’arrogance dans le rock, parce que ça enlève tout le côté ludique et amusant du truc. »

Au-delà du support, vous intéressiez-vous beaucoup à ce qui accompagne la musique : les histoires autour des groupes, leurs influences, les faits divers, les connexions, etc. ?

Thomas VDB : Un petit peu, bien sûr. Cet été j’ai fait une émission sur France Inter qui s’appelait Qui veut gagner la flûte à bec ?. Ca m’avait été suggéré par un mec qui bosse là-bas. « Il faudrait que tu fasses un jeu des 1000 euros sur la musique ». Il m’avait rédigé plein de questions. Ce qui m’avait plu, c’est qu’il abordait tous les genres musicaux. On allait de la musique médiévale au death-metal en passant par le jazz et la musique congolaise. Par contre, ça n’était que des questions d’érudits du genre « Dans quelle ville a été enregistrée la première démo de Machin ? ». On a repris toutes les questions. Il fallait que soit le morceau qu’on passerait à l’antenne et qui introduisait la question suscite une réaction de l’auditeur, soit que dans la réponse il y ait un truc drôle à apprendre. J’aime la connaissance un peu Trivial Pursuit de la musique, c’est vrai. C’est assez drôle de savoir que Dick Rivers était ami avec George Lucas par exemple. Je trouve ça génial de savoir ça. Quand je vivais à Tours, mon pote Chacha – à l’époque il avait un groupe qui s’appelait Boogers – a changé ma façon de voir la musique. Pour lui, on écoutait pas de la musique seulement parce que c’était génial, mais aussi parce que sur la pochette du disque, le mec louche. Ou parce qu’à un moment, il y a une fausse note. Ou parce que dans le morceau, il y a un bruit qu’on entend une seule fois. Bref, il avait une approche ludique de l’écoute. Et il m’a permis d’écouter de la musique avec amusement et émerveillement. On a aussi le droit d’écouter de la musique parce qu’il y a des trucs qui nous font rire dedans. C’est pour ça que j’adore apprendre plein de choses sur la musique. Pour autant, je ne suis pas un énorme dévoreur de bouquins sur la musique. Si je croise dix pages d’interviews de Radiohead, je ne vais pas forcément les lire. Il faut qu’il y ait des choses qui m’amusent, qui me surprennent. J’ai toujours eu un problème avec l’arrogance dans le rock, parce que ça enlève tout le côté ludique et amusant du truc. J’aime pas le côté poseur. Il y a plein d’artistes qui sont plébiscités par tout le monde qui m’énervent.

Des noms ?

Thomas VDB : Lou Reed, par exemple. Et tout le rock new-yorkais. Les mecs, mais faites-nous des grimaces sur les photos, merde. Arrêtez de vous prendre au sérieux comme ça. Quand je vois Lou Reed ou Sonic Youth, j’ai envie de leur mettre des claques, tellement tu les sens imbus d’eux-mêmes. Cette fausse humilité, il n’y a rien de pire. Ca existe, une photo de Lou Reed souriant ? Je ne l’ai jamais interviewé, mais il y a cette légende autour de lui, du genre « Attention si tu vas interviewer Lou Reed, il déteste les journalistes ! ». Mais on s’en fout, non ? Si c’est un connard, inutile qu’il vienne me parler, c’est pas la peine. Voilà ce que je me disais. Je me le dis encore, mais il est mort. Vous l’aurez compris, j’aime les musiciens qui ne se prennent pas au sérieux. Je déteste quand ça se la raconte. Aujourd’hui, je continue d’avoir le même problème dans la comédie. Je n’aime pas les gens qui se la jouent. Un mec a beau être talentueux, si je sens de l’arrogance chez lui, ça annule tout. J’arrive pas à séparer l’homme de l’artiste, aha !

Vous êtes né à Abbeville, en 77. Quelques temps plus tard, vous irez vivre à Chinon, où vivait JD Beauvallet et où d’autres « Inrockuptibles » passaient. Dans votre parcours de jeunesse, avez-vous un peu croisé ces gens-là ?

Thomas VDB : Attendez que je me souvienne. Quand j’étais chanteur du groupe Libido – promis, c’est la dernière fois que je prononce le nom de ce groupe dans l’interview, une association de la ville de Chinon voulait sortir une compilation de groupes de rock du coin, intitulée « Du rock Chinon rien ». Un jour, le mec de l’asso me dit « Tu sais quoi ? J’étais dans le train entre Tours et Chinon, je parlais avec un mec de la compil’ et soudain un gars vient me voir pour me poser quelques questions sur la compilation. C’était le rédacteur en chef des Inrocks ! Il habite à Chinon ! ». J’avais halluciné. Les Inrocks venaient tout juste de passer en hebdo. C’était un magazine qui cartonnait. Ca correspondait aussi à l’époque où je commençais à arrêter de lire des magazines de hard rock. Je me mettais à lire Rock & Folk, Les Inrocks. Je n’en revenais pas. Le gars qui une semaine avant était à Reykjavik pour interviewer Björk se trouvait le week-end suivant à Beaumont-en-Véron. J’avais bien vérifié. Il habitait là-bas. J’avais même poussé le vice à l’appeler une fois. Je me disais qu’on pourrait peut-être lui parler de notre groupe. Je me souviens encore de son message téléphonique. On l’entendait dire « Allo ? ». Alors on commençait à parler. Et là tu l’entendais à nouveau dire « Et non ! Désolé, c’est une blague ! ». Trop drôle, le mec des Inrocks. Au final, je n’ai jamais vu jean-Daniel à Chinon. Mais on s’est croisés plusieurs fois, et notamment à Londres pour une interview d’Arcade Fire. Je lui avais sauté dessus, en lui disant que j’étais l’« autre Chinonais ». C’est un mec génial. Et j’ai vraiment hâte de lire son livre. Pour la même raison que j’ai adoré lire le vôtre. Parce que j’adore aussi lire ou entendre des gens parlaient de la critique rock avec passion et sérieux. Avec beaucoup plus de sérieux que je n’en ai jamais eu quand je faisais ce métier là.

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Ce métier de rock critic, vous l’avez arrêté depuis une vingtaine d’années. Avec quelques écarts depuis. Je vous ai notamment croisé lors d’interviews des Sparks pour leur album « Hippopotamus ». Vous veniez de les rencontrer.

Thomas VDB : Les Sparks, c’est particulier. Je les salue d’ailleurs à la fin du livre, car tout ce qui est raconté dans mon livre est antérieur à ma découverte des Sparks. C’est pour ça qu’ils ne sont pas dedans. Sans ça…Avant de plonger tête baissée dans ce groupe, je ne connaissais que deux ou trois morceaux d’eux, que je trouvais d’ailleurs géniaux. Tellement géniaux que j’étais incapable d’imaginer que le reste puisse être de ce niveau là. Fin septembre 2006, je vois pour la première fois de ma vie les Sparks en concert, et c’est clairement la plus grande claque de ma vie que je me sois pris en concert. Il y a eu un avant et un après dans mon amour de la musique. Je me suis rendu compte que je préférais les Sparks à la musique tout court. Quand ils sont revenus, je voulais absolument les rencontrer, et j’ai trouvé le moyen de les interviewer. Ce qui là aussi a un côté ridicule, car ça n’est absolument pas essentiel de rencontrer les artistes dont on est fan. J’ai replongé aussi pour Spoon. Quand ils sont venus, je les ai interviewés pour Rock&Folk. Parfois, Rock&Folk me propose d’aller interviewer des groupes. J’avoue que j’accepte uniquement si le groupe figure dans mon top ten. Sans ça, ça ne m’intéresse plus.

On parlait tout à l’heure de Lou Reed, pas toujours facile d’accès. Vous avez interviewé Mark Linkous, le leader de Sparklehorse. Pas simple non plus, si ?

Thomas VDB : J’avais adoré « It’s a wonderful life ». A-do-ré. Tout comme son EP sorti en 2000, « Distorted ghost ». Le hic, c’est que j’avais un problème récurrent quand je rencontrais ce genre de gars. Pour que l’artiste sache qui il rencontre, je leur amenais systématiquement un exemplaire de Rock Sound. J’essayais d’en trouver un avec une couv’ qui pouvait leur donner envie. Mais à Rock Sound, c’était compliqué de trouver un groupe qui parle à Mark Linkous. Je lui avais ramené un numéro avec un cd offert où il devait y avoir Sum 41, Blink 182, et un sous-sous-sous-Placebo de l’époque, JJ72. Mark Linkous me dit « Je sais quand un groupe est un groupe de merde : dès qu’il y a un chiffre dans son nom ». L’interview s’était bien passée, mais s’il n’était pas très expansif. Avec Nikki Sixx de Mötley Crüe, il fait parti des mecs que j’ai interviewé qui sont morts et revenus à la vie. J’en ai aussi interviewé qui se sont endormis pendant mes questions. Comme l’horrible Kid Rock, à Chicago. Ou Dave Mustaine de Megadeth. Au Costes. Quand je le rencontre, il y a un moment que je ne suis plus fan du groupe. Je sais où je mets les pieds, mais je me fous de leur nouvel album. J’ai décroché depuis un moment. A un moment, je cafouille dans une question. Je me remets dans la question, et en levant la tête de ma feuille, je me rends compte que le mec dort. Quand t’es en tête à tête avec quelqu’un et qu’il s’endort, tu te dis qu’il va falloir changer de métier. A l’époque, j’étais jeune et impressionnable. Je faisais un peu le complexe du jeune journaliste face au grand musicien que je placais trop souvent sur un piedestal. Aujourd’hui, si Dave Mustaine s’endormait devant moi, je lui dirai probablement « Hé,connard, tu te réveilles ? ».

Après avoir fait de nombreux spectacles sur la musique, votre nouveau spectacle porte sur le climat. Serait-ce enfin l’heure de la maturité ?

Thomas VDB : J’en sais rien. En tout cas c’est la première fois que je m’empare d’un sujet qui n’est pas naturellement moi. Dans le précédent spectacle, par exemple, j’évoquais mes tribulations sur internet, pendant des journées où je ne faisais rien. C’était beaucoup sur l’oisiveté. C’est sûrement lié au fait que j’ai eu des enfants depuis, mais j’ai eu envie de parler de ce sujet qui nous concerne tous, et particulièrement eux. Je vis aussi avec une femme qui est une éco-radicale, et ça m’a beaucoup influencé. Ce spectacle, c’est sûrement ma façon d’encaisser les sujets anxiogènes qu’elle me met dans la tête malgré elle. Maturité, je ne sais pas. Il y a par exemple dans le spectacle un sketch où je raconte pourquoi je ne prends plus l’avion et que, pour une raison X qui est racontée dans le spectacle, j’ai été obligé de le reprendre une fois l’année dernière. Ce vol se passe une semaine après mon passage à la télé où j’avais dit que je ne reprendrais plus jamais l’avion. Je raconte qu’un gars me croise à l’aéroport, et qu’il m’a vu à la télé une semaine plus tôt. Ce spectacle parle beaucoup des petits arrangements avec nous-mêmes. Et de ces compromis que vous évoquiez tout à l’heure. Si c’est l’heure de la maturité, ça reste celle de la maturité post-ado.

Comedian Rhapsodie de Thomas VBD, chez Flammarion.

19 commentaires

  1. très bonne interview. Du coup je vais aller acheter le bouquin que je trouvais pourtant bien pourri d’après le titre… Un nouvelle ref pour rock critic vol 3.

  2. Quelqu’un pour se lancer dans une thèse sur les gens qui laissent des commentaires sur ce site? Ils sont en train de créer une nouvelle langue. Il faudrait documenter tout ça.

    1. faut appeler les editions d’agnés B, un mec allemand est au courant… (stay tune.. for more pink fluiiiiide) ….

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