Sans raison particulière, à part un léger mal de dos qui m’obligera à rester allongé pendant tout ce weekend à écrire ce papier, j’ai décidé de passer en revue la discographie de l’Hercule de Discogs, si prolifique depuis ses débuts qu’on ne sait plus trop combien d’albums il a sorti depuis 2008. Est-ce que tout ce qu’enregistre Ty Segall doit forcément sortir de son disque dur ? Après la lecture de cet article, on devrait enfin pouvoir répondre à la question.
*Nous sommes samedi 16 octobre, il est 14h07.*
« Ty Segall » – 2008
Ty est ce gamin qui vit à travers la musique. Les vinyles sont sa source de bonheur. Il vénère Ozzy Osbourne, Arthur Lee mais aussi la figure locale John Dwyer (Coachwhips, The Oh Sees, etc.). Alors quand il débarque à San Francisco, ville ou John habite, les deux finissent par se rendre compte qu’ils ont des points en commun, notamment celui d’être des marathoniens du rock. John aide Ty sur son premier album solo (oui, on commence avec ce disque et on oublie ses groupes d’avant, Traditional Fools, The Superstitions et Epsilons).
À ses débuts, Ty est un groupe à lui tout seul. Il s’occupe de la guitare, de la batterie, du chant (assis sur un petit tabouret), des tréteaux pour la table de merchandising et aussi du SAV sur MySpace (oui, c’est encore l’âge de MySpace). C’est cette énergie qu’on retrouve sur ce premier disque sobrement intitulé « Ty Segall », où se bousculent du rock garage, des mélodies pop sixties et du surf-rock. Les morceaux ne dépassent pas les 3 minutes, les riffs sont distordus et on peut presque voir la sueur coulée de son front. Clairement, Ty frappe fort, mais aussi un peu à côté, puisque les titres s’enchaînent sans vraiment surprendre (à part You’re Not Me, petit bijou).
Meilleur titre : You’re Not Me
« Lemons » – 2009
« Lemons » est déjà un peu plus excentrique que « Ty Segall ». Les rythmes sont saccadés, le travail sur la voix la rend encore plus crade, et l’esprit, encore plus brut et punk, donne à « Lemons » un côté DIY assumé à 10000%. Okay, Rusted Dust c’est un copié-collé de Nirvana et certains titres auraient pu finir dans la corbeille au moment de la sélection de la tracklist (Untitled #2, Drop Out Boogie, Lovely One). Mais ce disque, moins monolithique que le premier (et donc moins ennuyant), vous donne une mi-molle bien méritée.
Meilleur titre : In Your Car
« Reverse Shark Attack » – 2009
En 2009, Ty a déjà bien cerné le slogan de campagne de Sarkozy : « Travailler plus pour gagner plus ». Avec un ancien membre du groupe Epsilons, nommé Mikal Cronin (qui sortira par la suite des disques solos inégaux), le Californien pond « Reverse Shark Attack », un album pour faire la teuf. Ils vont vite, ils cognent dur, ils renversent de la bière partout, partent faire du surf bourrés, reviennent pour prendre du speed et repartent pour un bain de minuit. Par contre si vous préférez les soirées devant Netflix à binge-watcher Squid Game, passez votre chemin et allumez RTL2.
Meilleur titre : Drop Dead Baby
« Melted » – 2010
Jay Reatard vient de clamser, et le rock américain cherche une nouvelle idole. « Melted » arrive à pic : les onze morceaux se boivent comme du petit lait. Plus abouties, mieux enregistrées et plus audacieuses, les chansons de l’album forment, pour la première fois, un vrai disque cohérent. « J’ai toujours fait les choses très rapidement, ce qui est vraiment amusant et amène une certaine énergie. Mais je n’ai jamais vraiment pris le temps en studio. On s’est dit qu’on allait essayer d’avoir un son plus pro parce que je ne me suis jamais vraiment autorisé à en avoir un. Peut-être une peur que j’avais », avait déclaré le musicien au moment de la sortie.
Que ce soit le piano sur Caesar (joué par Dwyer), le très Beatles (ou Kinks au choix) Sad Fuzz et Bees, qui rappelle les meilleurs jours de Syd Barrett, « Melted » donne une petite claque, comme une petite fessée placée au bon moment pendant l’acte. On peut voir ce disque comme un condensé de ses débuts, et celui qui annonce la suite. Un album transitoire, avec des morceaux glauques (Mrs. qui raconte un meurtre) mais aussi d’amour (Girlfriend, My Sunshine, Bees), pour le pire mais surtout le meilleur.
Meilleurs titres : Bees et Sad Fuzz
« Goodbye Bread » – 2011
Cinquième disque. Le mal de dos est toujours là, et l’envie d’entendre une chanson sans fuzz commence à me titiller. Ça tombe bien, puisque « Goodbye Bread », premier album sur Drag City, est un disque plus calme que les quatre précédents. Ici, Black Sabbath et Led Zep sont remplacés par Marc Bolan, Syd Barrett et John Lennon. Fatalement, c’est plus glam, plus doux, et les compositions caressent tes oreilles au lieu de les sodomiser. Sur « Goodbye Bread », Ty, à l’instar d’un funambule, trouve le bon équilibre entre le garage des débuts et un rock placide (écoutez le titre Comfortable Home (A True Story) pour s’en rendre compte). L’album de la maturité ?
Meilleur titre : You Make The Sun Fry
« Hair » – 2012
Le temps d’un album, Ty Segall se retrouve avec Tim Presley (White Fence). Il n’aurait pas dû. Autant écouter cette compilation qui compile dix heures de bruits de Michael Jackson.
Le moins mauvais titre : Easy Rider
« Slaughterhouse » – 2012
Comme il a dû se faire sacrement chier avec Presley, le blondinet a formé un groupe, le Ty Segall Band, avec lequel il a rallumé les amplis et repris l’autoroute du rock sans se soucier des radars ni des contraventions. « Slaughterhouse » reprend là où « Lemons » s’est arrêté, mais en (beaucoup) mieux. Ty Segall nous fait un mélange inspiré de Cream et Black Sabbath, sorte de blues-rock joué lentement avec la lourdeur qui va avec. Tu aimes le larsen ? Tu aimes Hawkwind ? Tu aimes les côtes d’agneaux rôties ? C’est parfait, car cet abattoir se transforme en boucherie sonique (dans le bon sens du terme), supplément mayonnaise avec les frites. Mention spéciale pour Diddy Wah Diddy, une chanson de Bo Diddley notamment reprise par Beefheart. Et pour Fuzz War, dix minutes de torture musicale absolument géniale.
Meilleurs titres : Diddy Wah Diddy / Tell Me What’s Inside Your Heart
« Twins » – 2012
En fait, Ty est plutôt malin. Pour faire plaisir à tout le monde, l’Américain décide de condenser, dans le même disque, tous ses anciens albums. « Twins », c’est donc un best-of avec entrée-plat-dessert-café. Il te sert même la Suze à la fin, histoire de bien digérer les tartines de fuzz qu’il vient de t’envoyer dans la tronche. Blague à part, « Twins » est son nouveau meilleur disque. Ty joue fort, il joue avec précision, ses solos sont majestueux, sa voix prend une autre dimension et l’Américain tente même de piocher dans la discographie de My Bloody Valentine pour que l’expérience sonique soit maximale (sur Ghost). Le résultat est renversant et Ty vient de faire son entrée dans la cour des grands.
Meilleurs titres : Love Fuzz et Inside your Heart
« Fuzz » – 2013
Deux trois mots pour parler rapidos de Fuzz, l’un de ses 763 side-projects, formé avec son pote de toujours Charlie Moothart. Juste pour dire que si vous mettez Motorhead, Hendrix, Cream, Black Sabbath et Mireille Mathieu dans un blender, ça vous sort automatiquement la pochette du disque avec un lien pour la poster sur votre compte Instagram.
Meilleur titre : Hazemaze
« Sleeper » – 2013
Vous pensiez qu’après quatre albums en quelques mois, Ty allait prendre une année sabbatique pour voyager en Asie, taper des taz avec des hippies et se focaliser sur sa retraite spirituelle ? C’est raté : Ty Segall fait son Neil Young et balance un disque acoustique. Les fans crient aussi fort que quand Kevin Parker entre en studio avec Lady Gaga et les noms d’oiseaux fusent. Quoi, un album acoustique, comme Dylan, Garfunkel et Jackson Browne ? Bah oui, et arrête de chialer, parce que c’est étonnamment un super bon disque, maitrisé de A à Z, avec une vraie identité, de la poigne et même quelques beaux moments d’émotion (The Keepers, She Don’t Care). Tu peux dire ce que tu veux, mais mine de rien, à ce moment-là de sa carrière, c’est loin d’être un mauvais choix. Ça lui permet de respirer, de voir autre chose, mais aussi de mieux préparer la suite. Perso, c’est le moment où j’ai commencé à décrocher et à arrêter de suivre sa carrière frénétique. Ai-je bien fait ?
Meilleur titre : Sleeper
« Manipulator » – 2014
C’est son disque le plus long (17 chansons pour 58 minutes); 14 mois pour le boucler, soit une éternité pour Ty. Les thématiques abordent son penchant anti nouvelles technologies mais aussi la surveillance, le vol d’identité, l’addiction aux écrans. Et musicalement, à 27 piges, Ty Segall fait du Ty Segall. C’est con à écrire, car ça ne veut rien dire, mais c’est le sentiment que j’ai au moment d’écrire ces lignes, et après dix disques enquillés sans relâche. Les influences sont toujours un peu les mêmes, mais putain, ça fonctionne bien (Bowie, les Stooges, Bolan, Sabbath, etc.), y’a du boucan et des ballades et en plus, cette fois-ci, des tubes en puissance (Feel, Tall Man Skinny Lady). Bref, Ty a bien fait de prendre son temps, car sur « Manipulator », il se surpasse, et montre que parfois, c’est bien de prendre du recul pour mieux défoncer.
Meilleurs titres : Feel et Who’s Producing You
« Fuzz II » – 2015
Deux trois mots pour parler rapidos de Fuzz, l’un de ses 763 side-projects, formé avec son pote Charlie Moothart. Juste pour dire que si vous mettez Motorhead, Hendrix, Cream, Black Sabbath et Mireille Mathieu dans un blender, ça vous sort automatiquement la pochette du disque avec un lien pour la poster sur votre compte Instagram.
Meilleur titre : Let it Live
« Ty Rex » – 2015
Comme il en avait marre que les journalistes le confonde avec T-Rex, Ty sort un disque de reprises de Marc Bolan pour que la profession comprenne bien qu’il s’agit de deux personnes différentes. Que dire de plus ?
Meilleur titre : 20th Century Boy
« Emotional Mugger » – 2016
Tu vois, « Emotional Mugger » c’est typiquement le genre de disque qui me fait regretter d’avoir coupé les ponts avec Segall. Un album dérangeant, bourré de sonorités qui grincent tes tympans, d’expérimentations soniques mal placées qui rendent les chansons tordues et angoissantes. Ça fait surtout du bien d’écouter un album où tu ne prévois déjà la prochaine mesure, et où tu sens un peu ce côté aride et hostile qui t’attrape par le collier pour t’obliger à y retourner. Et bravo pour la pochette.
Meilleur titre : Emotionnel Mugger / Leopard Priestess
« GØGGS » – 2016
Un nouveau side-project. Avec GØGGS, c’est du punk aux tendances électroniques. En vrai, ça donne un peu l’impression d’écouter son neveu de 15 ans avec ses amis du lycée en pleine répétition avant la fête de la musique.
Meilleur titre : ?
« Ty Segall » – 2017
Je vous laisse écrire celle-là (il suffit de citer des groupes sixties ou seventies et de dire que Ty leur rend hommage tout en apportant sa propre touche aux compositions, un truc dans le genre).
Meilleur titre : comme vous voulez
« Freedom’s Goblin » – 2018
En résumé, ce double album fourre-tout est un « Twins » en moins bien. Par contre, contrairement au disque de 2012, Ty Segall lâche un peu les guitares pour taper à la porte de la musique « cosmique », notamment sur Despoiler of Cadaver. Si c’est encore brouillon, cette petite escapade dans l’espace permet de planer quelques instants, mais la chute reste violente, surtout à l’écoute de My Lady’s On Fire et d’Atla, un titre qui fait penser à Oasis. Et ce n’est pas un compliment.
Meilleur titre : Despoiler of Cadaver
« Joy » – 2018
Chronique à lire ici. Rien de plus à ajouter.
Meilleur titre : ?
« Pre Strike Sweep » – 2018 (GØGGS)
Il est 22h39, et je prends la décision, avec les actionnaires de Gonzaï, de sauter cet album pour préserver ma santé mentale.
Meilleur titre : ?
« Fudge Sandwich » – 2018
Un disque de reprises, sans T-Rex, mais avec des groupes qui influencent et influenceront l’Américain à lâcher les guitares pour les synthés et les expérimentations soniques : Gong, Amon Düül II ou encore Sparks. C’est clairement un kif pour lui, mais pourquoi sortir ce disque dans les bacs ?
Meilleure reprise : Low Rider de War
« The C.I.A » – 2018
Alors The C.I.A…. c’est un (énième) projet formé avec sa femme Denée Segall et Emmet Kelly de Cairo Gang. Il s’agit du cinquième album de 2018 pour le Californien, et ce dernier a été conçu pour être joué dans les squats miteux et les caves sans lumière. Nerveux, agressif, punk et frénétique, ce disque est le meilleur de l’année pour l’Américain, qui s’extirpe petit à petit du rock à papa pour aller voir ce qui se passe dans l’underground. Ça donne un album jubilatoire totalement hermétique aux tubes. Par contre, tous ceux qui feront une comparaison à Sonic Youth ou Bikini Kill seront obligés d’écouter l’intégralité de la discographie des Têtes Raides.
Meilleur titre : Power
« First Taste » – 2019
Attention : « First Taste » est un album entier sans guitare. Par contre, il y a de la flûte traversière, de la mandoline, du bouzouki (Grèce) ou encore du koto (Japon). Des instruments dont tu as jamais entendu parlé, que personne ou presque ne sait jouer dans le monde du garage rock californien, mais qui figurent tous sur « First Taste ». Des titres comme I Sing Them, Lone Cowboys ou encore Self-Esteem prennent une autre dimension une fois qu’on a l’information.
Meilleur titre : I Sing Them
« Fuzz III » – 2020
Comment fait-il pour ne pas en avoir marre de lui-même et de ses propres chansons ? Au moment de lancer le 3e album de Fuzz (je n’irai pas au bout), cette sensation de déjà vu omniprésente l’emporte. J’ai un petit espoir à l’écoute de Nothing People, qui s’inspire un peu de CAN, et qui me donne le courage de poursuivre. Mais au même moment, j’apprends que l’album a été produit par Steve Albini. Game over.
Meilleur titre : Nothing People
« Harmonizer » – 2021
Dès les premières notes de Learning, on comprend que Ty Segall n’est plus le même homme. Il a 34 ans maintenant. Il fait des chansons avec sa meuf (Feel Good). Et il a compris que le rock, c’est un peu un truc de vieux con. Alors pour éviter qu’on le traite de « boomer » à chaque fois qu’il se pointe dans un bar, le musicien a opté pour une vision futuriste. Pas sûr qu’il ait lui-même tout compris au concept de ce disque ni même aux chansons qui sont inscrites au dos de l’album, mais ce n’est pas grave. L’important, c’est que Ty Segall a tué Ty Segall, peut-être même pour de bon. Et il lui aura quand même fallu 23 disques pour appuyer sur la gâchette.
Meilleurs titres : Erased et Harmonizer
* Nous sommes dimanche 17 octobre, 12h04, et ce marathon est terminé.*
11 commentaires
article le moins CHER du web….
qui est traditional fools ????????????????????,
TY SEEGAL LE MUSICIEN LE PLUS LARGEMENT SURESTIME DES ANNEES 2000 ET 2010 ET SANS DOUTE DE LA DECENNIE 2020 AUSSI ,BREF C’EST DE LA GROSSE MERDE EN BARRE 78 CARATS , I HATE THIS MUSIC
le dindon olande s’est fait ratatiner et la ramène, les comptes sont clos, & encore d abrutis voudraient le re-voir…………;
‘journalistés’ & autres kidamned ecoutent spike in vain death drives a cadillac & articule le prochainement avant 2O22 ?
la sortie du resto du 7é n’est pas safe, & encore moins les choix de chez bigwax label…
Les Lou’s pas sut ton Label!!OUF!!!!
mAchouille et les witch fingers 2mains soir dans le 66 y’aura QUI ?